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La mise en œuvre de la responsabilité pénale du chef de l'état en droit congolais, en droit français et en droit international.

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par Yves KASHOSI CIRHUZA
Université catholique de Bukavu - Licence 2010
  

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3. Application directe du Statut de Rome : jugement du tribunal de Songo Mboyo

C'est avec l'affaire Songo Mboyo, que « le tribunal militaire de garnison de Mbandaka ayant prononcé, pour la première fois, des condamnations pour crimes internationaux les plus graves, en l'occurrence les crimes contre l'humanité, a recouru à l'application directe du Statut de Rome107(*) dans l'ordre juridique interne congolais. Le tribunal militaire de garnison de Mbandaka a écarté l'application du Code pénal militaire au profit du Statut de la Cour pénale internationale « pour avoir constaté que le crime contre l'humanité pour lequel les prévenus étaient poursuivis était réglementé par les deux instruments juridiques (à savoir le code pénal militaire et le statut de Rome) qui le définissaient différemment »108(*). Pour cela, le tribunal a invoqué l'article 215 de la Constitution en vigueur ..., en vertu duquel les traités internationaux ont une valeur supérieure à celle de la loi109(*). Cette position du tribunal militaire de garnison de Mbandaka nous fait croire que ce tribunal interprète l'article 215 de la Constitution comme consacrant le monisme juridique avec primauté du droit international.

a. Le monisme juridique avec primauté de droit international

Disons qu'aucun article de la Constitution du 18 février 2006 ne vise expressément la répression des crimes internationaux par les juridictions nationales, notamment le crime de génocide, les crimes contre l'humanité et le crime de guerre. Nous pouvons toutefois la déduire de son article 215, qui dispose que « les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord, de son application par l'autre partie »110(*). Cette primauté a en plus été confirmée par l'article 216 de la même Constitution qui donne la possibilité de réviser la Constitution au profit d'un accord ou traité international lorsque celui-ci comporte une clause contraire à cette première111(*). C'est donc sur la basse de la primauté du droit international sur le droit interne que le Statut de Rome a fait l'objet d'application directe dans le système juridique congolais.

En effet, ce qui précède démontre que la Constitution de 2006 consacre la supériorité du droit international sur le droit interne. C'est au regard de cette primauté dont jouit le droit international sur le droit congolais affirmée par la Constitution de 2006 que le Statut de Rome, ratifié par le Décret-loi 00/3/2000 du 30 mars 2002112(*), « serait incorporé dans le système juridique interne » selon le jugement de Songo Mboyo.

Néanmoins, l'application directe du Statut de Rome par ce tribunal militaire de garnison reste critiquable. En effet, l'article 215 précité pose des conditions de forme pour qu'il y ait application des traités dans l'ordre juridique interne congolais : il s'agit de la ratification qui doit être régulière et de la publication des traités (au Journal officiel) étant donné qu'il indique que les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois. La publication a une importance indéniable étant donné que c'est par elle qu'une norme « acquiert sa pleine valeur et sans laquelle elle resterait à l'état de projet 113(*)» ; c'est donc par cette formalité que la norme est rendue applicable et obligatoire. Il nous semble que ce n'est pas le cas pour le traité de Rome étant donné que ce dernier « n'a pas fait l'objet de publication au Journal officiel »114(*). Notre position s'appuie sur celle de Hans KELSEN qui, parlant de la primauté du droit international, affirme que « d'après la Constitution, les organes de l'Etat, en particulier les tribunaux, ne sont pas habilités à appliquer le droit étatique, et par la suite ne peuvent appliquer le droit international que si et lorsque son contenu a été revêtu d'une forme de droit étatique forme de loi c'est-à-dire s'il a été transformé en droit étatique »115(*). Ce n'est que sous cette condition que la transformation du droit international en droit étatique pourra s'effectuer. Or faute de la publication au Journal officiel du statut de Rome ou de l'acte le ratifiant, le traité de Rome n'a pas achevé le processus d'intégration dans l'ordre interne congolais.

Nous remarquons, au regard de ce qui précède, que le traité de la Cour pénale internationale n'a pas encore, à ce jour, était intégré formellement dans le système juridique congolais et ne bénéficie pas de ce fait de la primauté sur les lois internes dans la mesure où seul le « traité conclu au niveau international est donc directement intégré dans la légalité interne dès sa ratification et sa publication »116(*). Pour cela, le tribunal militaire de garnison de Mbandaka ne devrait donc pas invoquer l'article 215 de la Constitution en vigueur ..., en vertu duquel les traités internationaux ont une valeur supérieure à celle de la loi pour ainsi appliquer directement le traité de Rome dans la mesure où l'une des conditions d'application des traités internationaux en droit congolais n'a pas été respectée. A tout le moins, le tribunal de Songo Mboyo ne devrait pas appliquer le Statut de Rome, celui-ci n'ayant pas suivi, ou mieux achevé, le processus d'intégration.

Au regard de ce qui précède, il nous semble que le statut de Rome ne devrait pas faire l'objet d'application directe mais seulement d'application indirecte.

* 107 Marcel Wetsh'okonda Koso, op. cit., pp. 53-54.

* 108 Idem, p. 33.

* 109 Ibidem.

* 110 Article 215 de la Constitution du 18 février 2006 ; Catherine SANGARA AKUZWE, La compétence universelle comme instrument de lutte contre l'impunité dans la région des Grands-Lacs africains : Cas de la RDC, UCB, année 2007-2008, Inédit, p. 30.

* 111 Il ressort de la lecture de l'article 216 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006 que dès l'instant où « un traité ou accord international comporte une clause contraire à la Constitution, la ratification ou l'approbation ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution».

* 112 Cfr. Codes Larcier, Droit pénale, Tome II., Afrique Editions, 2003, p. 62.

* 113 Marie BWAMI BYAKALILANWA, La peine de mort face au droit à la vie, Mémoire, UCB, année 2003-2004, Inédit, p. 73.

* 114 Cfr. Codes Larcier, op. cit., p. 62.

* 115 Hans KELSEN, Théorie pure du droit, Bruylant, Bruxelles, 1999, pp. 113-114.

* 116 http://www.studility.com/?q=node/280, (consulté le 25/01/2012)

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand