L'encadrement juridique du contentieux de la sincérité des comptes au Cameroun.( Télécharger le fichier original )par Joachim Ivan GWOS Université de Yaoundé 2 - Master recherche 2014 |
Section II :LES RAISONS DE L'INSUFFISANCE QUALIITATIVE DE L'ENCADREMENT JURISPRUDENTIEL DU CONTENTIEUX DE LA SINCERITE DES COMPTES AU CAMEROUNLa particularité d'un encadrement jurisprudentiel du contentieux de la sincérité des comptes, c'est justement sa « bonne qualité296(*) ». C'est dire que l'on ne saurait imaginer, en la matière, un contrôle du juge dépourvu de qualité. L'appréciation du juge des comptes doit, de ce fait, être fiable297(*). Toutes choses qui renchérit le postulat selon lequel, la certification de la sincérité des comptes suppose un « contrôle de qualité... gage de fiabilité298(*) ». Le chapitre précédent offre la possibilité de se rendre compte de l'insuffisante qualité de l'encadrement du contentieux de la sincérité des comptes par le juge, dans son office. Aussi faut-il préciser qu'il ne sera plus question de raviver cette flamme. Il s'agit à ce niveau de la réflexion de présenter les raisons qui peuvent expliquer l'insuffisance qualitative de l'encadrement jurisprudentiel du contentieux de la sincérité des comptes au Cameroun. Cette insuffisance peut être expliquée par deux grandes raisons à savoir, la question de la formation des magistrats des comptes et au statut des comptables publics d'une part, et par la non accommodation, par les collectivités territoriales décentralisées et l'Etat, des dernières mises à jour de la comptabilité publique camerounaise, d'autre part. Il va de soi qu'un magistrat des comptes qui n'est pas suffisamment outillé quant à l'appréciation du principe hautement technique de la sincérité des comptes, rendra, soit des décisions d'une moindre qualité, soit aucune décision y relative,«a fortiori«. Il en est de même pour le comptable public qui n'en est pas toujours un réellement, mais qui se retrouve préposé aux comptes discrétionnairement. Ce carré argumentaire met en exergue le caractère indispensable d'un passé comptable ou économiste à la base des futurs magistrats des comptes et des comptables publics (paragraphe I). Dans le même ordre d'idées, l'actualisation de la comptabilité publique de la fin des années 90, par le décret de 2013 sur la comptabilité publique, convie davantage les CTD et l'Etat à être «up to date«. Le fait que cela ne soit pas encore le cas, entraine deux choses. D'abord, les entreprises du secteur public et parapublic conservent leur avance par rapport à ces deux (CTD et Etat) en matière d'application de sincérité des comptes. Ensuite, ceux-ci continuent à appliquer la comptabilité d'antan qui plus est caduque299(*). Cet autre carré argumentaire présente comme raison à l'insuffisance qualitative décriée, le défaut de mise à jour des référentiels appliqués par les CTD et l'Etat (paragraphe II). Paragraphe I : LES DIFFICULTES RELATIVES A LA FORMATION DES MAGISTRATS DES COMPTES ET AU STATUT DES COMPTABLES PUBLICS AU CAMEROUNUne chose est sûre, c'est que les magistrats des comptes et les comptables publics et assimilés, ne sont pas nécessairement des économistes ou simplement de fins comptables à la base. Or, la sincérité comptable suppose du tact dans son appréciation aux fins de qualité et de fiabilité. Ce défaut, pourrait être tenu pour « la raison principale » de l'insuffisante qualité de l'encadrement jurisprudentielle du contentieux de a sincérité des comptes au Cameroun. L'on présentera tour à tour les difficultés relatives à la formation des magistrats des comptes (A) et celles relatives au statut des comptables publics (B). A. Les difficultés relatives à la formation des magistrats des comptes au CamerounLe principe de sincérité comptable, plus que celui de régularité comptable est un principe hautement technique. Il fait davantage appel à la science dont il est une émanation. C'est dire en d'autres termes qu'il faut une maîtrise suffisante des notions des sciences économiques. Dans ce sens, les interrogations sont dirigées vers la formation, à l'ENAM300(*), des magistrats des comptes. En effet, les magistrats qui officient dans la Chambre des comptes sont très souvent des juristes de formation qui, après leur recrutement dans la prestigieuse école301(*), bénéficie d'une formation de deux (02) ans. Ce temps n'est pas assez suffisant pour outiller ces juristes aux fins escomptées, d'autant plus que leur réflexe initial pourrait primer sur leur formation à l'ENAM. Ce problème a jadis été soulevé par le Pr BIPOUM WOUM Joseph-Marie en 1972 en droit administratif302(*). Il demeure d'actualité à certains égards. Bien qu'en 2012, une réforme soit intervenue dans le recrutement des élèves auditeurs de justice (magistrats), il y a lieu de constater, heureusement pour cette recherche, que les promotions 2012 (promotion clean) ; 2013 (promotion émergence) et 2014 (promotion performance et intégration) n'ont pas encore été affectées dans les juridictions. Cette réforme permet à ce jour de résoudre le problème de la spécialisation des élèves magistrats. Le profil exigé pour le recrutement des élèves auditeurs de justice de la section des comptes est de mise. Il faut « être titulaire soit d'une Maitrise en sciences économiques ou en Gestion, soit d'un Master en informatique d'une université camerounaise, ou d'un diplôme étranger reconnu équivalent par l'autorité compétente et agréée par le ministre charge de l'enseignement supérieur.303(*) »Cette disposition du dernier arrêté d'ouverture du concours de l'ENAM constitue en réalité le principe. Il est des exceptions qui réunissent à la fois les magistrats des comptes et les comptables publics : la nomination. Un élève auditeur de justice peut demeurer auditeur de justice aussi longtemps qu'il n'aura pas été nommé « magistrat ». Mieux, par le fait même de la nomination, qui est « acte administratif discrétionnaire304(*) », quiconque peut être nommé magistrat des comptes au Cameroun, d'autant plus que cette opportunité constitutionnelle appartient seule au président de la République305(*) - président du Conseil supérieur de la Magistrature (CSM). De ce qui précède, il y a lieu de constater que la formation desdits magistrats, au principal, et leur statut par ailleurs, peuvent expliquer l'insuffisance qualitative de l'encadrement jurisprudentiel du contentieux de la sincérité des comptes. Les difficultés relatives à la formation des magistrats procèdent malheureusement de ce qui précède. En ce qui concerne les comptables, c'est davantage leur statut initial qui déteint la qualité de cet encadrement. * 296 MEBENGA (M), Cours, op cit, « contrôle de qualité... ». * 297 Idem. * 298 Idem. * 299 V. Art 1er alinéa 1, Décret n°2013/16 du 15 mai 2013 portant règlement général de la comptabilité publique « Le présent décret porte Règlement Général de la Comptabilité Publique ». * 300 Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature (ENAM). * 301 Idem. * 302 BIPOUM WOUM (J-M), « Celui qui est habitué à la jurisprudence du Conseil d'Etat, n'est pratiquement pas dépaysé en lisant les arrêts de l'Assemblée plénière de la Cour Fédérale de Justice. Tout au plus note-t-il quelques différences tenant à la formation "civiliste" des magistrats qui composent cette juridiction davantage portés à emprunter la formule de la Cour de Cassation en ce qui concerne l'exposé des motifs. », RECHERCHES SUR LES ASPECT ACTUELS DE LA RECEPTION DU DROIT ADMINSTRATIF DANS LES ETATS D'AFRIQUE NOIRE D'EXPRESSION FRANCAISE : LE CAS DU CAMEROUN, RJPIC, N°3, 1972, p. 378-379. * 303 Arrêté n° 001073/MINFOPRA du 15 avril 2015 portant ouverture d'un concours pour le recrutement de soixante-dix (70) Auditeurs de justice à la Division de la Magistrature et des Greffes de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature (ENAM), au titre de l'année académique 2015/2016, Art 2. * 304 ABA'A OYONO (JC), Cours de droit administratif général II, UYII - Soa, 2009-2010. * 305 V. Art 37 alinéa 3 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, « Il nomme les magistrats. » |
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