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Logiques d'aménagement d'un marché urbain ou construction du risque environnemental. L'exemple du marché de Mont-Bouët de Libreville (Gabon).

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par REGIS ARNAUD MOUNDOUNGA NZIGOU
Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis - Master de Géographie Première Année 2009
  

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II.2 - Les animateurs du marché : grossistes, détaillants et

clients

La classification des marchands, des commerçants et la distinction entre grossistes, demi-grossistes et détaillants n'est pas évidente. La typologie est encore plus complexe pour le commerce des produits vivriers, dans une ville où il est très difficile de savoir quelle proportion de la population pratique cette activité.

Il y a à Mont-Bouët deux types de marché ; le marché du "dedans" qui possède une structure, des équipements, une gestion pour accueillir les commerçants "légaux" c'est-à-dire ceux qui ont payé leur emplacement, et le marché du "dehors" qui s'étend dans les rues avoisinantes et qui rassemble des vendeurs qui n'y sont pas autorisés. Nous avons pu y dénombrer tout un panel d'activités de "débrouille".

L'occupation "illégale" et anarchique est beaucoup plus importante dans la ville africaine en générale, le marché s'étale de façon tentaculaire dans toutes les rues adjacentes. Ainsi, dans la commune de Libreville, le marché est cerné par une zone de boutiques, de baraques, de tables, d'étals, d'échoppes et autres cantines si bien que le quartier tout entier voire une importante partie de l'arrondissement est devenue le marché. La congestion des marchés par des vendeurs ambulants "illégaux", et selon Thierry Paulais et Laurence Wilhelm « les vendeurs ambulants ont toujours fait partie du « paysage » des marchés »27. Le secteur informel est devenu le premier secteur générateur d'emploi et le nombre d'emplois ne cesse d'augmenter. Jeunes déscolarisés, fonctionnaires reclassés, retraités, nouveaux migrants des campagnes et des pays alentours viennent grossir les effectifs de ce secteur. Cependant, l'ensemble des commerçants situés à l'extérieur du marché sont tout de même taxés par la municipalité, puisqu'ils occupent l'espace public. La limite entre le marché et l'espace public est difficile à distinguer, autant que celle entre le formel et l'informel.

L'importance du marché, du point de vue du nombre de commerçants, est donc à géométrie variable du fait de la présence des vendeurs à la "sauvette", mais aussi du point de vue de l'organisation spatiale. En effet, certains jours de la semaine, le marché peut agrandir l'espace de vente initial.

À Libreville comme cela est le cas ailleurs, le marché de Mont-Bouët constitue une "microsociété" et les commerçants y sont très nombreux et très différents. Tout d'abord on distingue les grossistes, les demi-grossistes et les détaillants ou encore les "journaliers", présents tous les jours et à la même place. Sur le marché de Mont-Bouët, la grande majorité des commerçants sont des journaliers qui au soir tomber stockent leurs marchandises sur place à l'exemple des vendeuses de tissus qui possèdent de grandes cantines en fer ou dans des entrepôts.

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Les forains ou vendeurs à la "sauvette", sont des personnes qui exercent sur le marché avec ou sans autorisation et qui ne paient pour la plupart ni taxes, ni patentes c'est-à-dire des commerçants sédentaires ou non, qui vont de place en place et de secteur en secteur à l'intérieur ou en dehors du marché. Certains sont plus ou moins assidus et c'est justement cette rigueur qui permet d'obtenir un emplacement "fixe" sur tel ou tel secteur.

Que l'on soit journalier ou forain, les places sont attribuées en fonction de différents critères (par exemple l'ancienneté d'inscription au registre du commerce), toutefois, la « préférence étrangère » est aussi un critère d'attribution. Bien qu'à Mont-Bouët, la priorité soit officieusement donnée aux ressortissants gabonais.

Le secteur informel alimentaire présente de nombreux atouts et vise à atténuer une situation de déséquilibre grâce à la participation communautaire au processus de production. Par ailleurs, ce secteur est un domaine dans lequel les femmes exercent une fonction de quasi-monopole. Ceci n'est pas le fruit du hasard mais celui de l'inégalité et de la discrimination en matière d'accès à la formation technique, professionnelle et à l'emploi. Ainsi, sur le marché de Mont-Bouët, les femmes représentent 67,4% du nombre total des commerçants (formel et informel), contre 32,6% pour les hommes. Elles jouent donc un rôle considérable dans les circuits de production et d'approvisionnement. Facteur d'adaptation aux revenus et contraintes alimentaires du milieu urbain, le marché dans son évolution reste étroitement lié à la croissance urbaine. Permettant une consommation à coût modéré, il n'aboutit pas pour autant à une situation d'indépendance alimentaire28.

II.2.1 - Les grossistes et demi-grossistes

Sur le marché de Mont-Bouët, les grossistes sont pour la plupart des collecteurs traitant des quantités illimitées de produits. Dans le commerce de céréales, en particulier pour les produits secs et les tubercules, d'après nos recherches et enquêtes sur le terrain, la majorité des grossistes commercialise en moyenne entre (60-90 tonnes/an). Une minorité peut intervenir sur plus d'une centaine de tonnes par an.

A Mont-Bouët, sur le marché au manioc, tubercule, taro et autre féculent les ordres de grandeur sont sensiblement les mêmes : sur 20 grossistes environ, quelques six d'entre eux commercialisent entre (100-300 tonnes/an), la plupart ne dépassant pas les 80 tonnes et cela en fonction des saisons.

L'enquête générale sur les grossisses à Mont-Bouët permet de se faire une idée sur le volume moyen d'activité de ces commerçants dans des villes assez différentes : par exemple, sur les marchés librevillois, les grossistes de produits secs et féculents traitent

28 L. Wilhelm, « Les circuits d'approvisionnement alimentaire des villes et le fonctionnement des marchés

en Afrique et Madagascar », FAO 1997

moins d'une tonne par jour, en moyenne entre 0,4 et 0,7 tonne. Ce ratio moyen dans le commerce des produits secs, des tubercules et des fruits (produits majoritairement commercialisés par les grossistes hommes), nous donne une idée assez concrète du volume d'activité de la majorité des grossistes exerçant sur les marchés de distribution terminale des grands centres urbains.

La maîtrise des débouchés est le principal souci des grossistes car la rapidité de rotation des expéditions en dépend. Ils se déplacent peu, ne possèdent pour certains pas de véhicule, utilisent les services de collecteurs ou achètent aux paysans qui se rendent sur les marchés en convoyeurs de leurs récoltes. La collecte étant longue et coûteuse, ces derniers cherchent à limiter au maximum leurs dépenses et leur temps. Le coût du stockage, du transport, ainsi que les risques de pertes impliquent que l'écoulement soit d'autant plus rapide que la collecte a été longue

En ce qui concerne les produits périssables (produits maraîchers) et semi-périssables (manioc, féculents), les quantités traitées par les grossistes collecteurs sont beaucoup plus variables.

A l'étranger sur de très grands marchés comme celui de la ville de Dakar ou d'Abidjan par exemple, les grossistes collecteurs de produits maraîchers traitent également environ une tonne par jour voir plus. Mais, l'essentiel de ces opérateurs commercialise des volumes nettement plus limités, entre 600 et 800 kg par jour. Ces grossistes collecteurs sont en général en contact étroit avec les zones de production29.

Nous avons pu constater sur le terrain que de nombreuses femmes pratiquent cette activité dans le but de participer à leur manière à la conception du budget familiale. Elles assurent la recherche du produit (et souvent sa récolte), son groupage, son chargement, la recherche du véhicule et le convoyage des produits fragiles, ne disposant pas de réseau de commercialisation ni souvent de structures d'accueil, elles cherchent à assurer la sécurité de leurs débouchés par des réseaux courts, intégrant détaillantes, gros consommateurs et transformatrices.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus