Chapitre II
Le marché de Mont-Bouët dans le
secteur commercial librevillois
Le marché de Mont-Bouët reste à ce jour, le
lieu où s'approvisionne la grande majorité de la population
librevilloise que ce soit en bien et services, en produits manufacturés
ou vivriers.
II.1 - Le secteur de la grande distribution
Le secteur de la grande distribution fournit à la
population librevilloise la plus grande partie de son approvisionnement en
produits alimentaires, en produits manufacturés. Il se compose
essentiellement des filiales de sociétés d'import-export tel :
(SODUCO, Pêcherie Nouvelle, SAGAPEA, SOFRIGAB, etc.)22, et qui
interviennent principalement dans deux directions :
- l'importation et la distribution de biens
d'équipement, outils agricoles, pièces détachées,
matériaux de construction, etc. ;
- la distribution de produits de consommation courante
grâce à l'ouverture, dans le périmètre du
marché de supérettes très fréquentées.
Ce secteur est issu des anciens circuits marchands qui ont
façonné l'organisation des échanges en Afrique depuis la
période précoloniale. Organisant à l'origine les
échanges entre des aires de production complémentaires (produits
de la forêt comme la cola, contre d'autres produits de la zone
soudano-sahélienne comme le natron23, le poisson
séché, le bétail, etc.), ces échanges se sont
ensuite accrus pendant la période coloniale et plus encore durant les
décennies suivantes, afin de répondre aux exigences de
ravitaillement des "troupes" et de la ville naissante en
céréales, viande, oléagineux principalement.
Progressivement, les marchands africains ont saisi les nouvelles
opportunités commerciales de la collecte des « produits du cru
» (karité, arachide, huile de
22 Grandes enseignes et magasins d'import-export.
23 Carbonate de sodium naturel hydraté, se
présentant sous forme de cristaux blancs et servant à
fabriquer
du papier, du savon et divers médicaments (sel).
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palme, etc.), d'abord comme sous-traitants des grands
comptoirs libano-syriens, ensuite pour leur propre compte, comme
exportateurs.
Après lecture d'enquêtes antérieures sur
les marchés librevillois, nous avons constaté que beaucoup de
commerçants exerçant à Mont-Bouët sont pour certains
les descendants de ces anciennes lignées marchandes. Ils se sont
organisés en réseaux solidement structurés, reposant
à la fois sur des rapports de parenté et de clientèle. Le
"capital relationnel", en d'autres termes, le nombre de dépendants, qui
peut être mobilisé à leur profit par ces "patrons de
commerce" est une condition-clé de leurs stratégies commerciales
et donc de leur réussite.
La diversification des risques entre plusieurs
activités (commerce des produits agricoles, transport, importations de
marchandises générales, etc.) est l'une des principales
caractéristiques de la pratique entrepreneuriale de ces
commerçants. Ces réseaux marchands ont des champs
géographiques d'intervention multiples. Ils opèrent aussi bien
à l'échelle locale, régionale que nationale
(Grégoire et Labazée, 1993)24. Ils mettent en oeuvre
simultanément des circuits officiels et des circuits parallèles
à cheval sur plusieurs pays, « jouant des différences de
politiques économiques suivies par les États, de leur
appartenance à des zones monétaires distinctes, du prix et de la
disponibilité de ces marchandises de part et d'autre de ces
frontières » (Egg et al. 1988).
Ces grandes enseignes sont les principaux fournisseurs des
revendeurs au sein du marché en produits manufacturés et en
denrées alimentaires (riz importé, farine, sucre, poison, viande,
etc.). Ces grandes enseignes ont aussi maintenu un rôle
déterminant dans les circuits de commercialisation des
céréales locales et, à ce titre, elles sont les
fournisseurs privilégiés, à certaines périodes de
l'année, des grossistes des marchés, non seulement celui de
Mont-Bouët mais aussi des autres marchés de la ville.
II.1.1 - La petite distribution
Il s'agit de l'ensemble des petites entreprises commerciales
de la ville répertoriées ou non par la Chambre de commerce :
boulangeries, quincailleries, librairies-papeteries, commerces alimentaires,
etc. Ces entreprises ont peu de rapports économiques avec les
commerçants des marchés. L'essentiel de leur clientèle se
recrute parmi les ménages salariés du secteur public et
privé.
24 E. GREGOIRE & P. LABAZÉE (1993) : «
Grands commerçants de l'Afrique de l'Ouest :
Logiques
et pratiques d'un groupe d'hommes d'affaires contemporains
», Paris, éd. (Karthala/Orstom), 265 p.
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