IV.2 - Un espace désarticulé et
malsain
Le basculement démographique du rural vers l'urbain
à partir des années post indépendances est le changement
le plus spectaculaire qu'a connu Libreville au cours des dernières
décennies. Cette région, rural à plus de 75% au moment de
l'indépendance, a été avec l'apport des populations venues
de l'intérieur du pays, urbanisée à plus de 65%.
Pourcentage auquel il faut ajouter les populations venues de l'étranger,
une tendance qui devrait se poursuivre au cours des prochaines années.
La ville a pris au fil des ans une ampleur qui dépasse aujourd'hui les
capacités locales de gestion, d'absorption et de financement.
Au sein d'un arrondissement densément peuplé,
les limites du marché qui n'ont à l'origine pas été
définies avec précision, se sont étendues de
manière anarchique. Dans la mesure où les différents
outils mis en place au fil du temps pour maîtriser l'espace du
marché ont été de moins en moins adaptés et pour
certains n'ont guère répondu à la situation
économique et sociale de Libreville.
En dépit des efforts réalisés par les
pouvoirs publics pour réhabiliter, rénover, construire et
reconstruire, les conditions dans lesquelles fonctionnent les
équipements restent dans la majorité des cas
problématiques. Souvent mal drainés, soumis à des
inondations, pas ou peu desservis en réseaux (eau,
électricité, assainissement, éclairage), encombrés
des décharges sauvages obstruant les voies d'évacuations,
sous-équipés en toilettes publiques, sur densifiés, le
marché de Mont-Bouët connait une situation sanitaire critique.
Cette situation est d'autant plus préoccupante dans le cas ce
marché de produits vivriers peut être à l'origine de la
diffusion en ville d'épidémies, notamment de maladies
hydriques.
Congestionné par les sureffectifs, les
équipements marchands à Mont-Bouët sont depuis longtemps
sortis de leurs limites. Les commerçants fixes et les nombreux ambulants
ont pris possession des espaces publics voisins, des emprises de la voirie et
dans bien des cas de la chaussée elle-même. Les conditions de
circulation sont dans la plupart des cas extrêmement
dégradées. Les temps de transports des personnes et des
marchandises sont démultipliés, la pollution atmosphérique
et la pollution par les effluents dépassent les seuils admissibles...
Ces dysfonctionnements affectent en premier lieu les
équipements marchands eux-mêmes : les localisations centrales,
autrefois les plus recherchées, sont dépréciées
dans la mesure où il est de plus en plus difficile d'y accéder.
Le marché dans son périmètre entier finit par perdre de
son attractivité : beaucoup de biens sont disponibles à
l'extérieur du marché, dans les rues avoisinantes, à des
prix souvent inférieurs, auprès de "vendeurs à la
sauvette" ou de boutiques informelles. Cette situation a créé
avec le temps d'importantes nuisances telles que :
65
- voies génératrices, selon les saisons de
poussière ou de boue (image 9) ;
- voies non adaptées aux nouveaux engins de transports
: embarras de la circulation, déchargements sauvages et stockages de
produits parfois à même la voie ;
- réseau d'eau potable inadapté, insuffisant
dans certains cas inexistants ;
- insalubrité liée aux mesures d'assainissement
et d'approvisionnement en eau potable (absence ou engorgement des
canalisations, absence en certain endroit du marché de bennes et bac
à ordures) ;
- réseau électrique insuffisant et non
adapté au développement des équipements nécessaires
au conditionnement, à la manutention ou au stockage des produits et
autres marchandises ;
- réseau d'éclairage public non adapté,
accentuant ainsi les problèmes de sécurité sur le
marché ;
- réseaux d'évacuations des eaux pluviales,
domestiques et sanitaires inadaptés et
insuffisants, pouvant nuire à la qualité
hygiénique des marchandises exposées ; - bâtiments mal
adaptés aux conditions hygiéniques requises et aux
méthodes de
confinement modernes des marchandises périssables ;
- sanitaires et toilettes publiques en nombre insuffisant ;
- collecte, traitement et évacuation des déchets
liquides et solides mal organisés, non coordonnés ou insuffisants
ce qui créent des problèmes d'hygiène et de santé
publique ;
- absence de services à la personne (dispensaire,
unité médicale) au sein du marché ;
- comportement des commerçants dont les pratiques ne
garantissent pas l'innocuité des aliments, source indéniable de
contamination (aliments à même le sol ou sur des étales
inappropriées...) ;
- conflits de compétences ;
- absence de bornes incendie et de couloirs
d'évacuations.
Finalement, c'est l'ensemble de la ville et de ses habitants
qui sont affectés par les externalités négatives. Les
coûts économiques engendrés par ces externalités
imputables aux équipements marchands sont supportés par la
collectivité.
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Image n°9 : le marché
après les intempéries
'Rue d'un peu de tout", le
commerce des produits vivriers se fait dans des conditions d'insalubrité
inimaginables. Les commerçantes de plantain exposent à même
le sol et vendent dans la boue et sous la pluie.
Cliche : Régis Arnaud MOUNDOUNGA, novembre
2007
- les inondations à Mont-Bouët
Le phénomène d'inondation dans le quartier
Mont-Bouët est la réponse à la logique selon laquelle,
l'occupation du sol précède la planification urbaine comme c'est
le cas dans de nombreuses villes africaines. Cet espace alluvial jadis
marécageux est composé d'un sol argilo-sableux à
très forte perméabilité et par conséquent favorable
aux engorgements. A cette situation il faut ajouter un bâti
incontrôlé et un fort drainage de ce secteur marqué par le
phénomène d'apparition de cours d'eau saisonniers dans le
périmètre du marché durant la saison pluvieuse.
67
Image n° 10 et 11 : Mont-Bouët
après la pluie
Des secteurs entiers du marché sont occupés par
les eaux après un épisode pluvieux à Libreville.
Rue "d'un peu de Tout"
Cliche : Régis Arnaud MOUNDOUNGA, novembre
2007.
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- le risque électrique
La précarité des aménagements et des
installations électrique dans certain secteur du marché expose le
site et les animateurs à une multitude de dangers. Ce dernier s'explique
par la présence ça et là de nombreux câbles
électriques "abandonnés" à l'air libre. Dans ce
cafouillage l'ensemble des systèmes d'approvisionnement du marché
se trouve ainsi saturé et nul ne saurait distinguer les conducteurs
actifs des non fonctionnels vu que des poteaux électriques sont
détournés de leur fonction première.
Image n° 12 : branchements en toiles
d'araignée
Tissus et branchements anarchiques, exploitation des poteaux
électriques à des fins logistiques et commerciales.
Cliche : Régis Arnaud MOUNDOUNGA, novembre,
2007.
IV.2.1 - Mont-Bouët : un environnement insalubre
Les difficultés de circulation dans la ville et sur le
marché, l'absence de parking, s'ajoutent aux difficultés de
ramassage de stockage et de recyclage des ordures et déchets de toute
origine. En milieu urbain, le développement
durable48 implique la participation de tous les acteurs
(publics et privés, individuels et collectifs) à prendre
conscience des "effets néfastes" de la gestion urbaine sur
l'environnement. Le pari est loin d'être gagné dans une ville
où les problèmes environnementaux se posent en termes de gestion
des déchets, de pollution de l'air, de l'eau et en nuisances de toutes
sortes. La question y est d'autant plus complexe que chaque fonction de la
ville renvoie à un aspect de l'environnement urbain. Faute
d'infrastructure de conservation et d'équipement de stockage, dans
l'impossibilité d'écouler rapidement et de façon rentable
des denrées alimentaires essentiellement périssables.
C'est à partir de 1975 que les autorités
municipales de Libreville intègrent le traitement des déchets
dans leur politique de gestion urbaine. Mais elles restreignent leurs
interventions aux seuls quartiers administratifs et résidentiels. Les
quartiers péri centraux populaires sont alors exclus de ce
privilège. Au début des années 1980, pour pallier à
ces insuffisances, la commune cède l'hygiène et la
salubrité de la ville à la Société Gabonaise
d'Assainissement (SGA) et depuis 1998 à la Société de
Valorisation des Ordures Générale (SOVOG). Ces
sociétés privées détiennent le monopole sur les
marchés en ce qui concerne la collecte et l'évacuation des
ordures et autres déchets. Toutefois, le constat sur le marché de
Mont-Bouët est des plus alarment. Les bacs à ordures sont
noyés sous le poids de leurs contenus et de fortes nuisances
étouffent les commerçants et les autres animateurs non seulement
du marché mais aussi de ses alentours.
Répondre aux besoins des générations
actuelles sans pour autant compromettre la capacité des
générations futures à répondre aux leurs. Il s'est
construit comme une réponse objective des institutions et des
entreprises aux nombreuses préoccupations de la société
civile et de certaines organisations, relatives aux impacts environnementaux et
sociaux de l'activité des principaux agents économiques sur la
planète.
Tous les secteurs d'activité sont concernés par
ce développement : l'agriculture, l'industrie, le commerce, mais aussi
les services.
48
69
De manière générale, la gestion des
déchets à Libreville est marquée par de nombreux
dysfonctionnements en matière de financement, de choix techniques et de
schéma organisationnel. Les ordures non collectées sont
déversées dans les drains et les cours d'eau, dans les caniveaux
ou dans les décharges sauvages. Ces déchets causent des nuisances
à l'environnement avec pour conséquence la dégradation de
la qualité de l'eau, de l'air, du sol et de la santé publique.
Les eaux de ruissellement sont généralement chargées en
matières polluantes et peuvent souiller les sources, nuire à la
faune et à la flore aquatique. L'air est pollué par le
dégagement d'odeurs nauséabondes, résultat de la rapide
fermentation des matières organiques arrosées par les eaux de
pluies. Ceci entraîne
70
la pollution de la nappe phréatique en contrebas de la
Loubila49 où s'approvisionnent les citadins les plus
défavorisés. Ces eaux qui s'infiltrent dans les sols sont
d'autant plus dangereuses pour la santé publique qu'elles contiennent
des germes pathogènes. La contamination de la nappe phréatique
par les ordures ménagères, les déchets industriels et ceux
des marchés vivriers favorise la prolifération des maladies
hydriques comme la diarrhée, la dysenterie amibienne, la gale ou la
typhoïde. La salubrité et l'hygiène du cadre de travail et
de vie constituent avec la garantie de la sécurité les
principales pommes de discorde entre les commerçants et
l'autorité municipale. Si la communauté urbaine est
pointée du doigt comme le principal responsable de l'insalubrité
de la ville de Libreville et de ses marchés, c'est parce qu' «
on ne sait pas à quoi servent les sommes collectées sous
forme de taxes si ce n'est pour enrichir les amis et la famille du
délégué du gouvernement auprès de la
Communauté ».
Toutefois, il faut ajouter à ces problèmes de
gestion humaine des contraintes techniques. Les inondations fréquentes
de certaine partie du marché sont liées aux difficultés
à gérer l'eau dans cette ville construite sur les
marécages, où tombe beaucoup de pluie alors que le site est plat.
Et ceci est aggravé par la forte croissance démographique. Les
déficiences des services urbains à Libreville ne résultent
pas seulement de l'insuffisance des ressources financières, mais d'abord
de contraintes d'ordre institutionnel. Le plus grave est la forte concentration
du pouvoir de décision au niveau central. Les structures actuelles sont
intrinsèquement incapables d'une gestion attentive des besoins,
même si elles étaient à l'écoute de ceux-ci. Les
préoccupations propres de l'administration centrale s'accentuent au fur
et à mesure que le centre des décisions s'éloigne des
administrés. Les coûts des décisions augmentent avec leur
centralisation et la qualité de l'information se détériore
au fur et à mesure qu'elle passe des agents de terrain au pouvoir
central.
IV.2.1.1 - l'évacuation des déchets
liquides
Malgré les efforts soutenus par les services
compétents de la voirie de Libreville, l'insalubrité dans les
principaux marchés de la capitale persiste et risque de durer encore
longtemps. Le marché de Mont-Bouët est de loin le plus
touché par ce phénomène d'insalubrité. Il faut dire
tout de suite que pour ce marché, la production des ordures et des
déchets est massive et très diversifiée (liquides, solides
et organiques). Les rejets se faisant d'une manière
incontrôlée et le plus souvent à même le sol, on
aboutit à des nuisances de tous ordres qui rendent par la suite le
milieu impraticable. C'est surtout la forte accumulation des déchets qui
pose aujourd'hui de nombreux soucis.
49 Rivière qui traverse le marché
En effet, il manque au sein du marché de
Mont-Bouët les infrastructures nécessaires à la collecte, au
stockage et à l'évacuation dans les meilleures conditions des
déchets. Les rues à Mont-Bouët ne possèdent pas de
bouches d'égouts pour l'évacuation des déchets liquides,
les eaux usées ruissellent librement sur la chaussée
dégageant ainsi des odeurs pestilentielles. Sur toute la Rue Bivouli,
ces nuisances ne semblent pas pour autant déranger les
commerçants qui y sont presque accoutumés. Les parties couvertes
des principaux bâtiments sont très difficiles à nettoyer,
car n'a pas été prévu dans les plans de constructions des
canalisations pour l'évacuation des déchets de quelque nature que
ce soit, alors que c'est sous ces même bâtiments que sont
écoulées une grande partie des marchandises et autres
denrées qui produisent les déchets nocifs à
l'environnement (produits de boucherie, de pêche, fruits et
légumes, etc.).
Aujourd'hui, le marché de Mont-Bouët ainsi que son
air d'influence produisent une quantité impressionnante de
déchets et de rebuts qui ne sont pas évacués à
temps50. Les services de nettoyage paraissent déborder, dans
la mesure où les équipes qui ont en charge le nettoyage du
marché et de ses abords ne remplissent pas efficacement leur mission ;
à cause d'une part du manque de personnel, et d'autre part de la
grandeur du site. Bien que disposant du matériel et des outils (camions,
brouettes, balais, pelles, râteaux, etc.).
Depuis 1979, le marché ferme ses portes pour son
nettoyage quotidien entre 18h et 20 heures. Les pouvoirs publics sont
allés plus loin en instituant un jour spécial dans la semaine
durant lequel le marché est entièrement fermé pour
être nettoyé (lundi).
71
50 Nous n'avons pas pu avoir le volume en
déchet que génèrent quotidiennement le marché de
Mont-Bouët
et son air d'influence.
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Canal d'évacuation des eaux du marché
détourné de sa fonction première et obstrué par des
déchets de toutes sortes.
Effluent de la Loubila
Cliche : Régis Arnaud MOUNDOUNGA, novembre,
2007.
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