2-4-Les marchés
urbains
Les marchés urbains, au sens économique d'un
groupe de consommateurs, correspondent à des marchés
géographiques (Nguegang P.A, 2008). Ils se cristallisent sous forme de
lieux physiques équipés pour servir des échanges entre
consommateurs, producteurs et vendeurs de tout bord. Ces marchés
géographiques, qui occupent une place de choix dans la stratégie
des autorités locales, méritent une attention
particulière. En effet, par leurs multifonctionnalités, ils
imposent aux concepteurs de plan d'urbanisme et aux décideurs qui
gèrent la cité une prise en compte d'intérêts
parfois divergents et contradictoires où les besoins en espaces de
stationnement, de stockage, de jeux, de circulation ou de loisirs
s'imbriquent.
A la création, certains marchés de la ville
apparaissent d'abord comme des marchés des denrées agricoles. On
les appelle alors « marchés de vivres ». C'est
là que les producteurs, tant de l'agglomération urbaine que de
contrées environnantes, viennent écouler leurs produits. C'est
ainsi qu'à Abidjan, plus les marchés sont récents, plus
ils sont consacrés au commerce de vivres. Plus ils sont
périphériques, plus l'achat et la vente de denrées
alimentaires y est l'activité dominante. Ils évoluent dans le
temps et dans l'espace.
KOUASSI E. (1999) observe quatre marchés
planifiés qui sont prévus dans le plan d'urbanisme
d'Abidjan : le marché central d'Attécoubé, le grand
marché de Cocody, le marché de Belleville et le petit
marché de Selmer. Les autres sont qualifiés de spontanés
et s'établissent sur des espaces vacants destinés à
d'autres vocations.
A Abidjan, il existe plusieurs sites de gros. Les sites de
gros sont des structures collectives du commerce de gros. Elles sont
gérées de façon informelle pour les opérateurs
regroupés soit en coopérative, soit en syndicat :
-Les plateformes permanentes,
équipées et gérées par une coopérative de
commerçants, qui sont les structures les plus achevées, du point
de vue de la gestion et de l'équipement. Il s'agit des marchés de
Cocody, Yopougon, d'Adjamé, Marcory et Treichville (belle-ville). Elles
assurent la réception des produits venant des zones de production, leur
éclatement auprès des détaillants, ainsi qu'un stockage de
courte durée ;
-Les plateformes précaires. Ces sites
ne sont pas installés de façon durable dans le paysage urbain.
Ils sont bien souvent situés dans les espaces que les opérateurs
ont pu occuper ou négocier avec les mairies, sans garantie de
stabilité (Abobo, Port-Bouet, Treichville, Yopougon).
Suite à une étude menée par A. HAUHOUOT
A. (1973), on note dix huit (18) points de stockage et de commercialisation des
produits vivriers à Abidjan, disséminés sur un axe
Nord-Sud qui va d'Abobo à Port-Bouet avec une concentration dans les
quartiers d'Adjamé et de Treichville.
Avec les enquêtes effectuées par l'OCPV en 2005,
l'on constate une forte poussée des points de stockage et de
commercialisation des vivriers dans les divers quartiers d'Abidjan sur
près d'une trentaine de coopératives de commercialisation de
vivriers répertoriées à Abidjan, toutes disposent d'une
plateforme dont dix (10) sont leurs propriétés (voir tableau
N°5).
Au niveau des matchés l'on constate une
spécialisation par produit leader : banane plantain, igname,
manioc, céréales et légumes. Il y a également
d'autres spécialisations ethniques et sexuelles ces dernières
années. Les céréales et les ignames sont l'affaire des
hommes (essentiellement malinké) tandis que le commerce des
légumes, du manioc et surtout de la banane plantain est l'apanage des
femmes, notamment des femmes Gouro qui contrôlent les grandes places du
commerce de gros.
Tableau n°5 :
répartition des marchés par commune à Abidjan
COMMUNES
|
NOMBRE DE MARCHES
|
MARCHES DE GROS
|
NOMBRES DE COOPERATIVES
|
ABOBO
|
21
|
10
|
11
|
ADJAME
|
13
|
2
|
1
|
ATTECOUBE
|
8
|
1
|
0
|
COCODY
|
13
|
2
|
3
|
MARCORY
|
6
|
1
|
0
|
PLATEAU
|
3
|
1
|
0
|
PORT-BOUET
|
9
|
2
|
0
|
KOUMASSI
|
11
|
1
|
0
|
TREICHVILLE
|
8
|
2
|
2
|
YOPOUGON
|
52
|
33
|
13
|
TOTAL
|
144
|
55
|
30
|
Source : OCPV, 2007
Dans le souci de disposer d'une banque de données sur
les opérateurs du secteur vivrier, l'OCPV procède tous les dix
(10) ans au recensement général des commerçants
grossistes. Le dernier recensement effectué date de 1997. En 2007,
normalement, on devait disposer des chiffres faisant cas d'un nouveau
recensement, mais du fait de la crise militaro politique, celui-ci n'a pu
être effectué.
Pour la région d'Abidjan, nous disposons des
données suivantes par filière de produit et par sexe (tableau
n°6).
Tableau n°6 :
répartition des opérateurs à Abidjan par filière de
produits selon le sexe
FILIERES DE PRODUITS
|
TOTAL
|
HOMMES
|
FEMMES
|
BANANE PLANTAIN
|
433
|
211
|
222
|
IGNAME
|
112
|
88
|
24
|
MANIOC FRAIS
|
177
|
54
|
123
|
CEREALES
|
170
|
148
|
22
|
FRUITS
|
135
|
67
|
68
|
LEGUMES DE TYPE AFRICAIN
|
76
|
5
|
71
|
LEGUMES DE TYPE EUROPEEN
|
56
|
23
|
33
|
TOTAL
|
1159
|
596
|
565
|
Source : OCPV, 1997
2-4-1-Les infrastructures de stockage et de commercialisation
des produits vivriers
Les problèmes posés par le ravitaillement des
centres de consommation ne se situent pas seulement au stade de la production
et du transport ; ils se prolongent aussi dans le domaine du stockage et
de l'aménagement des aires de vente.
A partir du lieu de production, les vivres empruntent deux (2)
circuits : l'un dit traditionnel et l'autre moderne. C'est le premier qui
concerne la majorité des consommateurs. Du producteur au
détaillant, il y a quatre (4) ou cinq (5) étapes.
a) Le dépôt en gare
Des plantations, les vivres arrivent dans les gares
routières par le soin des transporteurs (camions ou cars de transport en
commun). Aucune infrastructure n'est prévue pour l'entrepôt des
denrées, même les plus fragiles. Tout s'accumule sur le sol nu,
sous d'énormes bâches. Bien souvent, pour échapper aux
méfaits des maraudeurs, les marchands veillent des nuits entières
à côté de leurs produits ou font appel à des
veilleurs de nuit.
L'incapacité des gares à recevoir correctement
les denrées alimentaires est l'une des grandes défaillances de
l'organisation commerciale à Abidjan.
b) Les magasins de vivriers
Ils se concentrent autour des marchés et
particulièrement à la périphérie des marchés
de Treichville, d'Adjamé, d'Abobo, de Yopougon. En
général, les produits hautement périssables comme la
banane et le manioc disposent peu ou pas du tout de magasins de stockage car
les pertes en magasins sont très importantes.
c) Les marchés centraux et
secondaires
L'équipement moderne et fonctionnel des marchés
centraux est particulièrement envié par les autres quartiers. Il
a nécessité souvent de lourds investissements à la
municipalité ou aux coopératives. Cependant, tous les
problèmes n'ont pas été résolus pour
l'équipement :
- L'étroitesse des passages destinés à la
circulation des clients ;
- L'absence d'installations destinées à stocker
les produits.
Les marchés secondaires n'offrent pas un visage plus
reluisant que les premiers. Ils sont relégués au second plan
à cause de la précarité de leurs équipements.
Appelés également petits marchés par les citadins, ces
marchés ne sont autre chose qu'une accumulation de constructions
sommaires en bois.
d) Les bordures des rues
A Abidjan, comme bien d'autres villes africaines, les bordures
de rue jouent un rôle important dans l'accueil et la commercialisation
des produits vivriers. Les principaux axes de circulation attirent un nombre
considérable de détaillants. L'accumulation des marchands le long
des rues est impressionnante à Treichville, Adjamé, Yopougon,
Abobo. Hormis le Plateau qui se veut l'exemple de l'ordre et de la
beauté.
L'examen du ravitaillement des différents quartiers
d'Abidjan prouve que la force des habitudes aidant, il s'est créé
une certaine disparité de l'espace urbain. Elle se fonde sur la nature
des denrées, leurs volumes et les équipements destinés
à les accueillir et à les commercialiser.
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