§1 Le modèle de Harris et Raviv (1988)
Harris et Raviv (1988) se focalisent sur la capacité du
management en place à agir sur les conditions et la probabilité
de succès de l'OPA en augmentant la part des actions qu'il
détient. Si l'entreprise s'endette pour racheter ses propres actions, le
manager ne vend pas les siennes, ainsi il augmente sa participation. Si
l'entreprise s'endette pour verser un dividende spécial, les managers
convertissent généralement le dividende qui leur revient en
actions ; c'est ainsi qu'ils peuvent accroître la part du capital
qu'ils détiennent.
Dans ce modèle, le management en place et l'offreur ont
des compétences différentes pour gérer la firme. La valeur
de l'entreprise dépend de l'issue de l'OPA.
La part du capital détenue par le management
détermine l'une des trois issues possibles :
- Le rival rachète l'entreprise
- Le management en place garde le contrôle
- L'issue est déterminée par le vote des
investisseurs passifs (bataille de procurations) et cela conduit à la
victoire du meilleur candidat (management en place ou offreur)
Ce qui suit est une version simplifiée du modèle
:
Un manager en place ( I ) possède initialement une
fraction 0 du capital d'une entreprise financée exclusivement par des
capitaux propres. Les actions restantes sont détenues par des
investisseurs passifs.
Le management en place retire des profits ( B ) issus du
contrôle de la firme. Ces profits peuvent être vus comme des
profits privés liés au contrôle ou comme la partie du
cash-flow que le management parvient à détourner.
La valeur du cash-flow généré par la
firme (B exclu) dépend de la compétence du manager. Il y a deux
niveaux de compétence possibles : le niveau 1 et le niveau
2 . Les cash-flow correspondants sont notés Y1 et Y2 avec
Y1Y2 .
En plus du management en place et des investisseurs passifs,
il y a aussi un rival ( R ) pour le contrôle de la firme ; si le
rival rachète il obtient aussi les profits liés au
contrôle. Les compétences du rival et du management en place ne
sont pas observables par toutes les parties, mais tout le monde sait que l'un
est plus compétent que l'autre. Plus exactement, tout le monde sait
qu'il y a une probabilité P pour que le management en place ait une
compétence de niveau 1 et une probabilité 1P pour que le rival
ait une compétence de niveau 1. L'autre a une compétence de
niveau 2 .
Si le manager en place a le contrôle, le cash-flow de la
firme correspond à un montant Yi . Si le rival a le contrôle,
le cash-flow vaut Yr où :
Yi = P Y1 + ( 1 P)Y2 et
Yr = (1P) Y1 + P Y2
Quand le rival apparaît, le management en place choisit
une nouvelle fraction des actions de la firme. Cela est possible
grâce à un changement dans la structure du capital (par exemple,
recapitalisation financée par la dette).
Le rival achète des actions aux investisseurs
passifs ; l'issue de la tentative de rachat dépend d'un vote
à majorité simple où les deux concurrents votent chacun
pour eux. Une fraction des investisseurs passifs vote pour le management en
place, le reste vote pour le rival.
L'OPA peut avoir l'une des trois issues possibles :
- la part détenue par le management en place peut
être si petite que même si le rival est moins compétent il
réussira à racheter. Harris et Raviv (1988) parlent d'une OPA
réussie. La valeur du cash-flow dans ce cas est Yr
- la part du capital détenue par le management en place
peut être si grande que même si il est moins compétent il
gardera quand même le contrôle. On parlera d'OPA manquée et
la valeur du cash-flow dans ce cas est Yi
- finalement, pour une valeur intermédiaire de le
management en place gagnera si et seulement si, il est plus compétent
que le rival. Ce cas est appelé bataille de procuration ; dans ce
cas le meilleur candidat (le plus compétent) gagne et la valeur du
cash-flow est Y1
La valeur du cash-flow Y() de la firme est
déterminée par la part du capital détenue par le
management en place, en fonction de son importance l'un des trois cas ci dessus
prévaudra.
Y 1 est supérieur à Yi et à Yr , si
l'objectif est de maximiser la valeur du cash-flow pour les investisseurs
externes, la valeur de qui provoquera une bataille de procuration sera
optimale.
L'objectif du management en place, en choisissant la
participation , est de maximiser ses gains anticipés. Ces gains
correspondent à la valeur des actions qu'il détient
additionnée des profits privés liés au contrôle,
s'il garde le contrôle.
La valeur des actions détenues par le management en
place est 0 Y ( ) où 0 est la part des actions qu'il détenait
initialement, puisque les transactions qu'il a réalisé pour
changer sa part du capital ont une valeur actualisée nette nulle.
Par conséquent :
- les gains V( ) du management en place sont 0 Yr ; si
l'OPA réussit (le management en place perd les profits liés au
contrôle de l'entreprise)
- les gains du management en place sont 0 Yi + B ; si
l'OPA est manquée (le management garde les profits liés au
contrôle)
- Les gains du management en place sont 0 Y1+ PB si il y a une
bataille de procurations (les gains liés au contrôle sont
conservés avec une probabilité P)
La part optimale du capital détenue par le management
en place est celle qui maximise V(). En particulier, si augmente, la
probabilité pour que le management en place garde le contrôle
augmente, mais si augmente trop, la valeur de la firme et par là
même la richesse du management sont réduites.
Chez Harris et Raviv , est déterminé
indirectement à travers la structure du capital de la firme. En
particulier, le management en place est supposé avoir un montant fixe de
richesse représenté par sa participation initiale 0. Il peut
augmenter sa part en organisant des rachats d'actions auprès des
investisseurs passifs ; ces rachats sont financés par la dette. La
dette réduit la valeur des actions, ce qui permet au management en place
d'acheter une plus grande quantité d'actions avec l'argent dont il
dispose.
Pour maximiser les gains des managers, il faut choisir le taux
d'endettement pour lequel est optimal . Dans ce modèle, les
profits B liés au contrôle diminuent quand le niveau de la dette
augmente (il est plus difficile de détourner du cash-flow car les
créanciers contrôlent les managers). Ainsi dans les trois cas
décrits plus haut, il est optimal de choisir le taux d'endettement le
plus faible, adapté au cas .
Il découle des arguments précédents que
si le cas d'une OPA réussie est optimal, la firme n'aura pas à
s'endetter.
On a aussi montré que généralement les
batailles de procurations nécessitent le recours à l'emprunt et
s'assurer que l'OPA sera manquée nécessite un taux d'endettement
encore plus fort.
Ainsi, les cibles d'OPA doivent augmenter leur taux
d'endettement ; les cibles qui parviennent à repousser l'offreur
s'endettent en moyenne plus que celles qui sont rachetées ou connaissent
une bataille de procurations.
Ainsi, les firmes qui augmentent leur endettement subissent
soit une OPA manquée, soit une bataille de procurations. Dans ce dernier
cas la valeur de la firme reste au niveau Yi en moyenne, tandis que sur la fin
elle augmente au niveau Y1. Ainsi, en moyenne l'augmentation du taux
d'endettement s'accompagne d'une hausse du cours des actions .
Finalement, notons que la fraction des investisseurs passifs
qui votent pour le management en place est déterminée par les
informations reçues par les investisseurs passifs à propos des
compétences des deux candidats. Une plus grande proportion votera pour
le management en place si la probabilité P pour qu'il soit plus
compétent que le rival augmente. Par conséquent le taux
d'endettement nécessaire pour provoquer une bataille de procuration est
moins élevé lorsque le management en place a plus de chances
d'être plus compétent. Ainsi la probabilité pour que la
bataille de procuration soit gagnée par le management en place est
positivement reliée à la probabilité pour que le
management en place soit plus compétent. Puisque c'est le plus
compétent qui remporte la bataille de procurations, la victoire du
management en place est aussi associée à un taux d'endettement
moins élevé. Par conséquent dans un échantillon de
firmes dans lesquelles s'est déroulée une bataille de
procurations, on devrait observer un taux d'endettement moins fort parmi les
firmes où les managers en place ont réussi à garder le
contrôle.
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