§5 Les pertes subies par les salariés ont
elles servi à financer les rachats ?
Les rachats dans le secteur du transport aérien ont
entraîné des conflits entre le management des firmes acheteuses et
les syndicats des firmes rachetées. Ces conflits ont contribué
à diffuser l'idée que les primes des OPA étaient
financées par des destructions d'emplois et des baisses de salaires .
Shleifer et Summers (1987) cités par Jarrell, Brickley
et Netter (1988) ont étudié cette question. Ils ont trouvé
que lors du rachat de la TWA , la prime offerte aux actionnaires correspondait
à la moitié des pertes de salaires subies par les salariés
de la compagnie. En se focalisant sur les contrats implicites de long terme
passés entre les salariés et le management en place des cibles,
Shleifer et Summers trouvent que les raiders peuvent quelquefois rompre ces
contrats, une fois qu'ils ont pris le contrôle de la firme, en utilisant
des stratégies pour imposer d'importantes réductions de salaire.
En théorie ces pratiques peuvent être néfastes socialement
car elles ruinent le marché de ces contrats implicites de long terme et
forcent les travailleurs et le management à utiliser des
mécanismes contractuels moins efficaces .
Cette théorie de la redistribution entre travailleurs
et actionnaires n'a pas été largement testée,
néanmoins une étude du NBER réalisée par Brown et
Médoff (1987) portant sur l'emploi et les salaires dans le Michigan
invalide cette théorie.
Bien que cette étude réalisée dans le
Michigan puisse ne pas être représentative de ce qui s'est
passé sur l'ensemble du territoire des Etats Unis, elle conclue que les
salaires et le nombre d'employés ont augmenté, en moyenne, dans
les firmes impliquées dans des rachats .
Les théories redistributives ont fait l'objet de
nombreuses études empiriques, les plus convaincantes sont celles qui
rejettent la théorie de la sous évaluation et la théorie
de la vision à court terme. Les études attribuent aux
économies d'impôts peu d'importance dans l'explication des fusions
acquisitions et invalident les théories selon lesquelles les gains des
actionnaires des cibles correspondent aux pertes subies par les
détenteurs d'obligations et les salariés.
Bien que les managers des cibles soient manifestement perdants
(au moins dans certains rachats), selon Jarrell, Brickley et Netter (1988) la
littérature offre peu ou pas de support à l'idée selon
laquelle les théories redistributives expliquent une part importante des
gains issus des rachats .
Il a été impossible de trouver
systématiquement des pertes qui pouvaient compenser les gains des
actionnaires des cibles et des offreurs lors de fusions, de rachats et autres
activités de prise de contrôle des entreprises. Donc les gains
sont issus du remaniement des actifs des entreprises (Jarrell, Brickley et
Netter 1988). Les résultats ont conduit beaucoup d'économistes
financiers comme Jensen (1986) à qualifier les rachats, les LBO et les
restructurations, d' « activités entrepreneuriales
productives qui améliorent le contrôle et la gestion des actifs et
aident à déplacer les actifs vers des usages plus
productifs. »
Plus précisément, quelles sont les
réformes mises en oeuvre dans une entreprise dont le rachat a
été financé par l'emprunt. L'augmentation du nombre et de
la taille des LBO a été rendue possible par l'utilisation massive
des junk bonds dans le financement des rachats. En 1986, le montant total
des LBO représentait 44.3 milliards de dollars soit 39% du montant total
des rachats d'entreprises cotées. Dans ces LBO il n'était pas
rare d'avoir une dette d'un montant dix fois supérieur à celui
des capitaux propres ; en moyenne la dette représentait 5.25 fois
le montant des capitaux propres. Comment expliquer les très bonnes
performances obtenues grâce à ces montages financiers ?
Jensen considère que les LBO permettent de réduire
considérablement les coûts d'agence.
Un fort taux d'endettement est un très bon vecteur de
changements, le LBO correspond à la meilleure illustration des
réformes au sein de la cible qui sont à l'origine des gains issus
des rachats. Après avoir présenté et défini le LBO,
nous tenterons d'identifier les origines de leurs très bonnes
performances, enfin nous évoquerons les difficultés qu'ils
doivent contourner.
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