2. Les processus cognitifs à l'origine des
discriminations
2.1. La perception des personnes et l'encodage en
catégories sociales
Dans toute interaction sociale, l'individu perçoit une
information et l'encode aussitôt dans une ou plusieurs catégories.
Ces catégories sont socialement construites, fournies par la culture
dans laquelle évolue l'individu. Par exemple, utiliser des indices comme
le prénom, le nom de famille, l'adresse, l'aspect extérieur de la
personne pour la situer dans une catégorie ethnique donnée.
Certaines approches présupposent que ce processus de
catégorisation sociale est conscient, délibéré et
donc modifiable. En réalité, cette proposition a
été en grande partie démentie par des décennies de
recherche empirique en psychologie cognitive. La catégorisation des
objets perçus, qu'il s'agisse d'objets ou de personnes, se produit de
manière automatique, inconsciente et indépendamment de toute
volonté individuelle.
Comme l'a observé la psychologue Eleanor Rosch de
l'Université de Californie à Berkeley, « étant
donné qu'aucun organisme ne peut traiter une diversité infinie,
l'une des fonctions les plus fondamentales de tout organisme est de
découper le monde environnant en classes permettant de traiter comme
équivalents des stimuli non identiques »v (Rosch, 1977).
La question est de savoir ce qui détermine les catégories que
nous allons utiliser dans ce processus d'encodage. Pourquoi un chef du
personnel va voir « une femme », « un noir », « un
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Arabe » quand il a en face de lui un candidat ou un de
ses salariés ? Et si un employeur catégorise d'emblée
selon ce genre de critères, cela révèle-t-il simplement
qu'il a des prédispositions racistes ou sexistes, ou bien est-ce la
manifestation d'un phénomène plus complexe ? Telles sont les
questions auxquelles ont tenté de répondre les chercheurs
à travers leurs études sur le processus de catégorisation
sociale et ses effets.
2.2. Les effets de la catégorisation sociale
Le classement de la « cible » dans une certaine
catégorie engendre chez le sujet porteur de préjugés des
réactions affectives négatives à son égard : rejet,
hostilité, malaise ou crainte. Ces réactions affectives donnent
naissance à des intentions comportementales conscientes : celle
d'exclure la cible, de la réduire à une position
subordonnée ou de la tenir à distance. La cible se trouve ainsi
« pré- jugée », non en tant qu'individu mais en tant
que membre de son groupe. Dans ce sens, un employeur n'accordera pas un regard
aux qualifications d'un candidat issu de tel ou tel autre groupe : les attentes
de rôle social associées à l'appartenance au groupe
l'emportent sur toute autre considération.
Les recherches menées depuis près d'un
demi-siècle dans les domaines de la psychologie empirique
démontrent que la discrimination est, pour une large part,
indépendante des convictions conscientes et assumées de type
raciste, sexiste etc. En d'autres mots, la discrimination ne résultent
ni de sentiments d'animosité ni de convictions consciemment
assumées, mais de « biais cognitifs »
relatifs à la catégorisation, qui sont susceptibles de fausser le
jugement des personnes concernant les membres de groupes
stéréotypés.
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