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Les finalités éducatives des professionnels et les enjeux liés à  la résilience dans l'accompagnement socio-éducatif. Une étude de cas au lycée Ettore Bugatti (Illzach) et au saj (Neuf-Brisach).

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par Holly & Anne MANY & HERMMANN ISRAEL
Université de Haute Alsace - Master 2 Sciences de là¢â‚¬â„¢éducation 2016
  

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3.2.2. Le « Moi social » ou « Didactique » dans l'éducation scolaire

En effet, le « Moi social » semble être une entité répandue dans tout milieu éducatif notamment dans le milieu scolaire, car dès l'accueil de l'enfant à l'école, celui-ci est amené à être éduqué selon un savoir, un savoir-faire et un savoir-être normé par l'Education Nationale. Par conséquent, cela signifie que tout notre système socio-éducatif est régulé selon les principes du système « Moi social ». Historiquement, l'école républicaine a vu le jour dans un contexte réactionnaire face aux institutions ecclésiales qui détenaient le monopole de l'éducation des enfants (Meirieu, 2000). L'un des objectifs de Jules Ferry et de ses affidés appartenant au cénacle des lumières, fut d'arracher la France à l'emprise de l'Église. Chalmel (2000 p. 298) explique ceci dans son ouvrage intitulé « La petite école dans l'école » : La construction de la IIIe république se fait dans le cadre d'une importante laïcisation de la société française, en opposition ouverte avec l'église catholique et les partis cléricaux. En clair, les instigateurs de l'école laïque et obligatoire ont voulu que « chaque village soit doté d'une école républicaine dans laquelle les instituteurs, formés comme des séminaristes laïques, puissent instiller dans l'esprit des générations à venir les valeurs universelles des lumières, de la nation et du progrès » (Meirieu, 2000 p. 81). Comme cela a été mentionné antérieurement, l'école républicaine de Jules Ferry ne s'inscrivait pas dans une logique égalitaire. L'école républicaine formait de deux types de citoyens : Les enfants issus du peuple et ceux issus de la bourgeoisie ou de la haute société. En effet, le système scolaire mis en oeuvre par Jules Ferry visait un élitisme républicain (Ibid., p. 83). L'idéal républicain a donc pour finalité éducative la fabrique « des meilleurs » et ce n'est pas non plus une coïncidence si 30% du budget de l'enseignement supérieur est alloué aux étudiants des grandes écoles qui représentent seulement 6% de l'effectif des élèves inscrits au supérieur (Fauconnier, 2004 p. 33). D'ailleurs, Les résultats d'une enquête internationale montre que la France, en matière d'éducation, aurait volontairement négligé les premières années de scolarité qui permettraient à l'élève de maitriser l'acquisition des savoirs fondamentaux, c'est-à-dire lire, écrire, compter (Morel S., 2014). Or, une maitrise de ces savoirs

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favoriserait la réussite scolaire et réduirait ipso facto l'échec scolaire. Ainsi, un extrait de cette étude soulève la problématique suivante : « La France n'aurait pas prêté une attention particulière suffisante à l'apprentissage des connaissances de base et cela expliquerait les piètres performances et le caractère très inégalitaire de son système éducatif 138 ». Le système scolaire tel qu'on le conçoit aujourd'hui, a toujours tiré « les bons élèves vers le haut et ceux qui ne sont pas bons vers la sortie » ou vers le bas (Meirieu, 2000 p. 84).

En clair, le système éducatif préconisé par les politiques éducatives françaises se fondent essentiellement sur une philosophie de performance (évaluation-notes-diplôme) qui s'articule avec la culture du monde du travail dans une société postmoderne comme le montre les schémas ci-après.

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Performance

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Evaluation

 

Notes

 

Diplôme

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Schéma du système scolaire classique

Evaluation

Travail

Diplome

Performance

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Schéma du monde de l'entreprise

Schéma n°40 : La performance, finalité éducative et professionnelle

138 La médicalisation de l'échec scolaire, Stanilas Morel 2014, p. 60.

189

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Jean Houssaye (1992) dans sa thèse intitulée « le triangle pédagogique » pointe du doigt ce système, qu'il considère comme rigide, stable, normatif, créateur de règles, bureaucratique, protégé, dirigé et orienté. C'est ce que nous appelons le « Moi social » sur un plan idéologique-philosophique et « didactique ». Dans l'éducation scolaire, ce système dénature le « Moi » de l'enfant en transformant celui-ci en « Moi social » au détriment de sa personne, sa culture et son individualité propre. De l'école maternelle jusqu'à la terminale le parcours scolaire de l'enfant est jalonné et orienté par la didactique constituée d'un ensemble de méthodes, programmes, contenus et évaluations. La culture éducative française privilégie encore aujourd'hui, que ce soit dans les lycées ou les collèges un savoir livresque où les connaissances sont évaluées par des examens « couperet » (Fauconnier, 2004 p. 68). D'un autre côté, on constate que « les scandinaves n'utilisent quasiment pas de notes dans le secondaire et que le système éducatif américain est organisé autour du concept de motivation dont le but est de faire émerger des vocations et des talents » (ibid., p. 69). En effet, le « Moi social » ou « Didactique » laisse peu de place à l'épanouissement et la valorisation du « Moi » de l'élève. Une étude de l'OCDE en 2013 montre que la formation des enseignants en France est trop académique ou encore didactique et met très peu d'accent sur le savoir-faire ou l'enseignement des compétences en formation initiale. Cette enquête souligne que 90% des enseignants s'estiment bien ou très bien formés par rapport au contenu de la matière enseignée contre 40% qui se sentent insuffisamment formés à l'accompagnement ou à la pédagogie appliquée aux matières enseignées139. Ce qui représente « la proportion la plus élevée des 34 pays » ayant participé à cette étude comme nous le montre le tableau ci-après.

139 Série «Poliques meilleures» France 2015 (c) OCDE 2015 p. 13-14

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Figure n°41 : Enquête OCDE auprès des enseignants

Note : Les pays sont classés par ordre décroissant du pourcentage d'enseignants du premier cycle du secondaire qui estiment avoir été« très peu préparés » ou « pas du tout préparés » quant à la pédagogie appliquée à la ou aux matières enseignées

(Sources : OCDE, OCDE-TALIS 2013, tableaux 2.3 et 2.4, http://dx.doi.org/10.1787/9789264214293-fr.) 140

Selon cette même étude, on constate que le niveau d'instruction de la population française a considérablement augmenté au cours de ces 40 dernières années. Ainsi, les diplômés de l'enseignement supérieur représentent 43% parmi les 25-34 ans contre 39 % pour la moyenne OCDE et 20 % parmi les 55-64 ans contre 24 % pour la moyenne OCDE. Malgré la démocratisation de l'accès à l'enseignement, la France reste l'un des pays les plus inégalitaires de l'OCDE en matière d'éducation au cours de ces dix dernières années. On constate que « le système éducatif français est maintenu par les élites ». Ceux qu'on considère comme de « bons élèves » représentent « 1/3 des effectifs scolarisés de 15 ans ». En revanche, l'étude poursuit en soulignant que « les élèves issus de familles défavorisées sont trois fois plus susceptibles de

140 Ibid., p. 14

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devenir des décrocheurs que ceux qui issus de milieux aisés »141. Fauconnier (2014 p. 68) souligne que le système didactique établi en France tire les meilleurs vers le haut et d'un autre côté « soutient les plus faibles étant soutenus par des tuteurs ou renforcés par des engrais ». En clair, les élèves de SEGPA ou de lycée professionnel sont condamnés à rester dans une voie professionnelle et n'ont quasiment aucune chance de pouvoir intégrer un jour une Grande Ecole. En effet, le « Moi social » ou « Didactique » dans notre système éducatif se caractérise par « un apprentissage autoritaire et douloureux » (Ibid., p. 76). Ainsi, l'école républicaine met en exergue la discipline et les épreuves au détriment d'un « apprentissage adapté et facilité » (op.cit.). Toujours, selon Fauconnier (2004 p. 78) le « Moi social » ou la « didactique » tient son origine depuis l'Antiquité à partir de l'école de Platon avec la finalité « une quête éperdue de pureté et de perfection » (op.cit.). Cette école est disciplinaire, théorique, livresque, didactique. Elle ne laisse aucune place aux émotions et met l'enseignant ou l'expert dans une posture d'expert, celui ou celle qui maitrise un savoir et qui a le pouvoir. Pour Platon, l'homme civilisé est un intellectuel qui « contient ses sentiments d'une main de fer et qui maitre de soi » (Ibid., p.79). De cette approche, Platon met en exergue la « prééminence de la pensée sur le ressenti, les émotions, l'apprentissage pratique et privilégie la raison, l'abstrait et l'enseignement théorique » (op.cit.).

La conception platonicienne induite en « Moi social » ou « didactique » a un impact considérable sur l'école républicaine et la société française. Celle-ci a engendré pendant des siècles et encore aujourd'hui des générations de personnes enfermées dans un raisonnement dogmatique manquant cruellement de souplesse d'esprit (Ibid., p. 91). Fauconnier (2004 p. 93) explique que ce système éducatif « prépare les citoyens à l'arrogance et ne les prépare pas à affronter l'échec ». En clair, le décrocheur ou le décroché n'a jamais été préparé à faire face à son échec, son crash social. Fauconnier (2004) poursuit sa réflexion en pointant du doigt une école française « pétrie de l'insolente conviction d'être dépositaire et vectrice de la vérité universelle ». Ce qu'on obtient finalement comme résultat d'un tel système, selon le l'auteur

141 Série «Poliques meilleures» France 2015 (c) OCDE 2015 p.3

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cité précédemment, c'est la fabrication « d'esprits rigides qui sont de surcroit de mauvais perdants refusant de se mettre en cause ou de se questionner ».

Tout cela emmène à une forme de sectarisme intellectuel que Fauconnier (2004 p. 81) traduit par la phrase suivante : « Si j'ai raison et que tu ne penses pas comme moi tu as tort ». Par voie de conséquence, Fauconnier montre que le « Moi social » ou la « Didactique » met l'accent sur la compétition, l'arrogance, l'autoritarisme, la passivité de l'élève au détriment de l'engagement, de l'émotion et du profil psychologique de la personne, de son « Moi ». En effet, l'auteur souligne que tout cela a également des conséquences néfastes sur la santé mentale des français engendrant « un climat social déprimant ». Notons que la dépression est la maladie psychique la plus répandue en France, touchant plus de 3 millions de personnes selon une étude de Inpes en 2007142.

À la vue de certains indicateurs présentés par Fauconnier (p. 81) sur la conception idéologique de l'école Platonicienne, nous avons dressé le schéma suivant sur la finalité éducative du « Moi social » ou « didactique » :

Conception

Individualisme
Spéculation/déduction
Raisonnement hypothético déductif
Tête /Raison
Ingénierie de la formation

Compétition/ remédiation

Tête bien pleine
culture de supériorité

Intelligence abstraite

Savoir théorique

Dogmatique

Sélection

142 http://drees.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er860.pdf p. 2

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Finalité = Raffinerie, fabrique des meilleurs

Figure n°42 : Conception platonicienne, la didactique

En définitive, l'élève en difficulté scolaire qu'il soit un « décrocheur » ou un « décroché » est une victime du « Moi social ». C'est celui ou celle qui ne parvient pas à se conformer au système, à entrer dans ce moule afin de devenir un citoyen républicain performant. L'élève décrocheur n'a donc pas retrouvé sa place dans ce système et a connu un « crash social ». On pourrait relier le vocable « crash » aux termes souvent employés par les spécialistes en éducation comme : Décrochage scolaire, fracas scolaire, échec scolaire, etc. Le « Moi » du décrocheur a été dénaturé par le système scolaire en « Moi social ». Après le crash, le « Moi social » est fracassé, il n'existe plus et devient un « Moi Marginal ». A ce stade de marginalité, l'élève peut sortir complètement du système scolaire ou peut être présent physiquement en étant absent avec son esprit. Il faut souligner également que notre système éducatif ne prépare pas l'enfant à gérer ou confronter l'échec.

Ainsi, Chalmel (2015 p. 11) précise ceci : « Ni l'école, ni la famille, ni les institutions sociales, ne nous apprennent à tomber. L'échec n'a aucune valeur dans l'ascension sociale ». En conséquence, l'élève décrocheur ou en échec scolaire se retrouve fracassé, brisé dans son for intérieur par le système. Ainsi, celui-ci nécessite d'un accompagnement spécifique pouvant l'aider à rebondir et vivre une expérience de résilience en tenant compte de son « Moi » (Modèle op.cit., Chalmel, 2015)143. Il faudra souligner également que les concepts savoir, savoir-faire et savoir-être préconisés comme finalités éducatives dans la formation professionnelle relèvent de la conception Platonicienne ou de la « didactique » (Chalmel, 2015). En effet, sur le plan didactique, ces trois concepts peuvent se définir comme nous le montre le tableau ci-après.

143 Cité en début de partie sur le Moi social, page 153.

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Didactique
(Moi social)

Savoir

Somme de connaissances à assimiler.

L'apprenant doit apprendre pour apprendre. La plupart des notions apprises en cours ne font pas sens pour l'apprenant et celui-ci ne parvient pas faire le lien entre le savoir acquis et le concret.

Savoir-faire

Somme de représentations mentales à

réactualiser par l'apprenant face à une tâche selon une procédure spécifique et préétabli

découlant soit de l'expérience ou d'un
référentiel de compétences construit par des experts. Dans cette configuration une seule et même méthode s'impose : Celle qui est préconisée par la procédure. Se limite à un geste professionnel. 144

Savoir-être

Ensemble de convenances sociales à

respecter selon une culture d'entreprise ou la

politique d'organisation. Dans ce cadre,

l'apprenant apprend à réagir à son
environnement de travail en fonction des normes implicites ou explicites imposées.

Tableau n°43 : Principes de base de la didactique

144 (Le Boterf, 2000 p. 76)

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In fine, aucun de ses concepts ne tient compte des aspirations personnelles ou du « Moi » de l'apprenant. Dans ce système, l'apprenant doit être confronté en permanence à une déstructuration de son « être » pour se conformer aux exigences du « Moi social ». Dans son ouvrage sur l'éducation thérapeutique, Chalmel (2015 p.14) précise que le « savoir est universel, invariable et que la compétence est inhérente à un contexte ou un problème particulier ». En d'autres termes, être bien formé ne signifie nullement « être expert ou détenteur d'un savoir ». En l'occurrence, la personne bien formée est celle qui sera capable de résoudre un problème en tenant compte du contexte. Or, dans notre système scolaire fondé essentiellement sur la didactique on constate qu'on continue encore aujourd'hui à « évaluer les quantités de savoirs ou des performances et non des compétences » (Ibid., p. 14). Ainsi, notre réflexion nous ouvre à de nouvelles perspectives en matière éducative qui nous emmènent à poser la question suivante : Est-ce que l'école doit enseigner le savoir ou les compétences aux élèves ? A partir de ce questionnement, nous tenterons de définir le concept « Moi » par opposition au « Moi social », et nous définirons également le concept « pédagogie » par opposition à la « didactique » dans le champ de l'éducation spécialisée et le champ scolaire.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore