Partie III
Questionnements théoriques
? Conceptualisation
? Les finalités des pratiques d'accompagnement des
lycéens en risques de décrochage, des adultes en situation de
handicap et des professionnels qui les accompagnent, visent-ils
l'éducation au « Moi social » ou au « Moi
» ? Comment sont-elles opérationnelles dans l'accompagnement
au « Moi » ? Et quelles sont les répercussions sur la
résilience des personnes ?
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PARTIE III :
QUESTIONNEMENTS THEORIQUES
3. Conceptualisation de l'accompagnement :
3.1 L'accompagnement
3.1.1 Un regard historique
Le terme « accompagnement » est apparu sous
la forme latine «ac » (vers), « companio
» ou « cum (avec), pains (pain) ». Evocation
faisant référence au partage (du pain) avec le « compain
» (ancien français, 11ème siècle) qui
signifie « compagnon », celui qui accompagne ou le compagnon
de voyage.
L'une des premières pratiques d'accompagnement a
été toutefois découverte bien avant l'an 1200 sur des
rouleaux de papyrus. Elle proviendrait de la pratique du compagnonnage apparue
un millénaire avant Jésus-Christ lors de la construction du
Temple de Jérusalem commanditée par le Roi Salomon, fils du Roi
David, en signe de reconnaissance à Dieu pour la sagesse, la
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prospérité et la paix. Le compagnonnage a vu le
jour grâce à une étonnante « hiérarchie
ouvrière 122» (De Castéra, 2002, p.7)
soutenue par la coopération de milliers d'ouvriers du Roi de Tyr,
Hiram.
En 1239 apparaît le vocable « contrat de
pariage »123 signifiant accompagnement, dans lequel deux
parties d'inégales puissances s'appropriaient une terre commune pour
viser une parité. En 1606, le terme « accompaignement
» est nommé par Jean Nico dans le sens d'« aller
ensemble, être assidu envers, faire cortège ».
L'étymologie d'accompagnement accorda ainsi une
terminologie temporelle (aller vers), relationnelle (se joindre
à quelqu'un), partagée (Répartir, de
manière équitable) et intentionnelle, sans compter la
dimension temporelle et opérationnelle (pour aller où il va,
en même temps que lui), selon Paul (2009, p.96).
Son vocable a suppléé les termes «
prise en charge » et « aide » (qui
désigne les notions de bénévolat, de caritatif,
d'assistanat) de par sa terminologie (professionnelle, technique, visant
l'autonomie de la personne, selon Paul, 2004124.
Vers la fin du XXème siècle, suite à la
faillite des grands intégrateurs (famille, religion, école,
travail, idéologie collectiviste) entre 1950 et 1970
évoqués par Paul (2004)125, l'accompagnement a
été mis en oeuvre à travers des dispositifs de formations
pour adultes (dans les années 1970), puis dans une visée de
projets (individuels et non plus linéaires ou collectifs) une
décennie plus tard.
122 Sainte bible, 1 Rois 9 : 15.
123 In Paul (n.d.), Trésor de la Langue Française,
volume 12, p.999.
124 In Paul, M. (04/2004), Le concept d'accompagnement,
Note de synthèse effectuée à partir de l'intervention
de Maela Paul, R Bourgogne, Dijon.
125 Paul, M. (2004). L'accompagnement : Une posture
professionnelle spécifique. Paris : L'Harmattan.
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C'est dans les années 1990 face au développement
de la responsabilité individuelle, de la crise
généralisée des identités sociales et
professionnelles et dans un monde qui ne se tient plus fermement selon
l'expression de Paul (2009, p.103) que l'accompagnement est devenu «
une offre qui permet d'encadrer les autonomies menacées, de les suivre,
voire de les guider, dans leurs cheminements, quelque peu chaotiques.
»126, si tant est que l'accompagnant a cette «
capacité de se tenir soi-même » (op.cit.)
L'accompagnement a ainsi quitté l'approche
traditionnelle, où l'individu se conformait aux autorités dont il
dépendait (autorité parentale, autorité religieuse, etc.)
vers une démarche intra et inter personnelle de l'individu.
Ce changement a induit des « situations de dialogue,
d'interlocution, d'intersubjectivité » auprès
d'individus (professionnels ou non) pour la recherche de critères de
positionnement personnel, qui supposent une connaissance de soi et sa propre
gouvernance (Olivier, 2008, p.103)127. A ce titre, la notion
d'accompagnement tente d'être « un remède à la
perte de cette tierce référence » et de «
fédérer » (ibid).
En termes d'accompagnement professionnel, auparavant
fondé sur le principe d'une relation dissymétrique entre les deux
personnes, d'une approche experte de l'accompagnant (théorie-pratique,
contenu du savoir, posture empathique), l'accompagnement professionnel se
présente actuellement sous la forme d'une relation plus
égalitaire, dans une posture réflexive (visant le processus) et
basée sur les savoirs d'action (Paul, 2009). Ceux-ci sont centrés
sur l'autonomisation de la personne par sa propre compréhension du sens
des actions, avec une approche coopérative de l'accompagnant. (Op.cit.,
p.101)
Selon le même auteur, le recours à
l'accompagnement professionnel « peut contribuer à
opérer un tournant dans une vie et avoir des retombées
au-delà de l'individu sur son environnement
126 Boutinet et al., in Gonnin-Bolo, A. (2010). Recherche et
formation. L'accompagnement dans la formation. N°62. P.17.
Collectif.
127 In Paul, M. (2009).
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relationnel et social. », promouvant la
responsabilisation de la personne (par l'articulation
activité-réflexion) avec le risque toutefois d'exercer «
le contrôle des subjectivités » (Blaevoet, 2004).
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