II. Le mandement de l'évêque de Mende, la
retranscription religieuse d'une calamité
Exposé dans toutes les églises à partir
du 6 janvier 1764, le mandement de l'évêque de Mende est
accompagné de la récitation de prières publiques de
quarante heures. Le contenu de cet écrit est signifiant car il s'inscrit
dans la continuation d'une tradition et d'une rhétorique. En effet,
depuis le Moyen Âge, l'interprétation religieuse des
calamités n'est autre que le « fléau de Dieu » 363.
Ce terme, que l'on peut noter à plusieurs reprises au cours dudit
mandement ne laisse aucun doute sur le sens profond que l'Eglise entend donner
aux attaques de la Bête. Il s'agit bien ici d'une punition
infligée par Dieu, la citation ci-après ne laisse aucun doute sur
cela : « (...) Mais toutes ces choses n'étaient que le
commencement et le prélude d'un malheur plus terrible encore que ceux
qui ont précédé. Vous ne l'éprouvez que trop,
hélas ! Nos Très Chers Freres, ce fléau extraordinaire, ce
fléau qui nous est particulier et qui porte avec lui un
caractère si frappant et si visible de la colère de Dieu
(...) » 364.
Le fléau de Dieu, qui n'est selon
l'exégèse qu'une traduction matérielle du non-respect des
règles édictées par l'Eglise trouve dans
l'interprétation de Mgr de Choiseul Beaupré une justification
très précise. C'est bien la dissolution des moeurs qui en est la
cause 365. Bien que naturelle dans le cadre de la rhétorique
cléricale, cette justification est inscrite dans un discours
théologique complexe, celui du mandement de l'évêque de
Mende. Le tout a, pour être compris par la population, donc
demandé un effort pédagogique important de la part des
prêtres. En effet,
dangereuse et ce trait particulier a frappé sa
Majesté au point qu'elle désire savoir à qui cet enfant
appartient et s'il a déjà eu quelque éducation, ou s'il
serait susceptible d'en recevoir une convenable et d'être utilement
formé à l'art militaire auquel ses talents naturels et ses
dispositions semblent le rendre propre(...) ». Laverdy contrôleur
général des finances. BONET, « Chronodoc »,
Loc cit., p. 162.
363 Le fléau de Dieu se dit d'une calamité qui
s'abat sur une population. Suivant la culture du Moyen Âge, la cause de
la calamité serait induite par le non-respect des règles
données par les textes religieux. (CROUZET, 1963).
364 Extrait du mandement de l'évêque de Mende
365 Tiré du mandement de l'évêque de
Mende, la citation qui suit l'affirme sans ambages, le péché et
le dérèglement des moeurs sont bien la cause des malheurs qui
frappent le Gévaudan : « Quelle dissolution et quel
dérèglement dans la jeunesse de nos jours ! La malice et la
corruption se manifestent dans les enfants avant qu'ils aient atteint
l'âge qui peut les en faire soupçonner. Ce sexe dont le principal
ornement fut toujours la pudeur et la modestie, semble n'en plus
connaître aujourd'hui ; il cherche à se donner en spectacle, en
étalant toute sa mondanité et il se fait gloire de ce qui devrait
le faire rougir ». BONET, « Chronodoc », Loc cit., p.84.
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une grande partie de la population ne parlant pas le
français correctement 366, c'est au prêtre qu'il
incombe de traduire et d'expliquer un écrit qui pour la plupart est
incompréhensible. La tâche est ardue. En effet, la traduction d'un
texte est soumise à des contraintes multiples.
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