Les insuffisances de la constitution burkinabè du 02 juin 1991.( Télécharger le fichier original )par Guetwendé Gilles SAWADOGO Université Privée de Ouagadougou - Licence ès Sciences Juridiques et Politiques 2014 |
B. La question de la gestion de la période de transitionLa gestion de la période transitoire a été monopolisée par le Front populaire à qui le constituant originaire a attribué la gestion de la transition (1). Le comble est qu'il y a eu une scission au sein de la classe politique sur la question, un consensus n'ayant pas été trouvé (2). 1. L'accaparement de la gestion par le pouvoir en placeDès l'élaboration de la constitution, le Front Populaire s'est arrogé le pouvoir de gérer la période transitoire, c'est-à-dire la période entre l'adoption de la constitution et la mise en place des institutions. En effet, le constituant qui rédigeait la constitution sur la base de directives et de matériaux mis à sa disposition par le Front Populaire a disposé à l'article 170 de la Constitution que« le Chef de l'Etat et le Gouvernement sont habilités à prendre les mesures nécessaires à la mise en place des institutions ». En plus l'article 172 dispose que« jusqu'à la mise en place des institutions, le Chef de l'Etat et le Gouvernement continuent d'agir et prennent les mesures nécessaires au fonctionnement des pouvoirs publics, à la vie de la Nation, à la protection des citoyens et à la sauvegarde des libertés ». C'est donc une érection du capitaine Blaise Compaoré et de son gouvernement en organes de transition. Cela est critiquable en ce que cette période est délicate et méritait d'être négociée et gérée par l'ensemble de la classe politique pour la mise en place d'institutions stables, impartiales et transparentes. Cet accaparement de la transition par le Front populaire ou du moins l'attribution de la gestion de la période transitoire par la Constitution au pouvoir révolutionnaire en place a contribué à dégrader le crédit de la Constitution ainsi que des institutions qui en émanent. Ailleurs, la transition depuis l'élaboration de la constitution a été gérée par l'ensemble de la classe politique dans le cadre d'une conférence nationale souveraine : c'est l'exemple du Bénin. Au Burkina Faso, malheureusement, cette transition s'est effectuée sans qu'il n'y ait jamais eu ne serait ce qu'un compromis s'apparentant à un consensus. 2. L'absence d'un consensusLa gestion de la période de transition ayant été confiée au pouvoir en place, des problèmes surgiront aussitôt. L'opposition politique ne tarda pas à contester cet accaparement. « Après l'adoption et la promulgation de la constitution, la scène politique burkinabè a connu un regain d'agitation avec des alliances et des manoeuvres de tous genres. On retiendra plusieurs gouvernements dits de transition pour calmer la tension politique ou pour contourner certaines questions »17(*). Tous ces gouvernements d'union nationale échouèrent, un consensus n'ayant jamais été trouvé sur les principes de gestion de la transition. Il y a d'une part un Front populaire qui croit avoir le monopole de la transition qu'il détient de la constitution18(*) et d'autre part, une opposition qui veut profiter du gouvernement d'union nationale pour revendiquer une instance souveraine. Pour l'opposition, le processus démocratique chemine dans la pénombre. Elle exige donc « la clarté et la transparence » dans la conduite du processus. Le pouvoir en place ne lâchera jamais prise et l'opposition démissionnera de ces gouvernements mais cela n'a pas empêché le Front populaire de poursuivre le processus. Comme on le voit, il n'y a jamais eu de consensus sur les règles du jeu durant cette période. Ce n'est donc pas étonnant que des institutions mises en place sans consensus éprouvent des difficultés à fonctionner. La Constitution n'était donc pas en mesure d'installer un véritable régime constitutionnel du fait des conditions de son établissement. La révision de la constitution est aussi importante dans un processus constitutionnel, pourtant la constitution du 02 juin 1991 présente des lacunes en la matière. * 17 Les manoeuvres de « transition démocratique » sous Blaise Compaoré, MUTATIONS N°47 du 15 février 2014 * 18 Article 70 de la constitution du 02 juin 1991 |
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