Les insuffisances de la constitution burkinabè du 02 juin 1991.( Télécharger le fichier original )par Guetwendé Gilles SAWADOGO Université Privée de Ouagadougou - Licence ès Sciences Juridiques et Politiques 2014 |
§2. Les modalités d'adoption de la constitutionL'établissement de la constitution pose nécessairement la question du pouvoir constituant. Selon qu'il est plus ou moins démocratique, on parle de constitution ou de charte octroyée. La constitution du Burkina Faso peut être classée dans le camp des « constitutions octroyées » (A). Toujours dans le cadre de l'établissement de cette constitution, la transition n'a pas été gérée de façon efficiente (B). A. Le caractère octroyé de la constitutionSi une commission constitutionnelle a été créée pour l'élaboration de la constitution burkinabè de la IVème république, il n'en demeure pas moins que cette constitution est un acte de volonté exclusif du capitaine Blaise Compaoré et du Front Populaire (1). La consultation populaire n'avait pour objet que de légitimer ou plébisciter (2) la volonté du « prince ». 1. La constitution, acte de volonté du Front PopulaireLe capitaine Blaise Compaoré, président du comité exécutif du Front Populaire déclarait ceci le 1er mars 1990 lors de son discours d'ouverture du congrès du parti : « l'approfondissement de la démocratie requiert l'élaboration et l'adoption d'une constitution, loi fondamentale du pays, qui devra consacrer les bases du régime social présent et réaffirmer notre projet de société ». Par ailleurs, il donne « mandat à la coordination et au comité exécutif du Front Populaire pour procéder à la formation d'une commission constitutionnelle (...) qui rédigera un texte constitutionnel conforme aux réalités et aux aspirations de notre peuple ». Par Kiti n°an VII 0279/FP/CFP/CE, du 20 avril 1990, la commission constitutionnelle est créée. Cet acte présidentiel crée unilatéralement la commission constitutionnelle, détermine sa composition et ses attributions. Ainsi, il ressort de l'article 4 que la commission constitutionnelle est « chargée de rédiger un avant projet de constitution sur la base des directives et des matériaux mis à sa disposition par le comité exécutif du Front Populaire ». La commission constitutionnelle fonctionnait donc sur la base de « directives » et « matériaux » émanant du Front Populaire. En clair, c'est la volonté du Front Populaire qui déterminait le fonctionnement de la commission. Un congrès du Front Populaire devrait par ailleurs examiner l'avant projet de constitution12(*). Il est aussi prévu que le président de la commission constitutionnelle, nommé par le Président du comité exécutif du Front Populaire13(*), devrait rendre compte régulièrement à ce dernier « du déroulement et de l'avancement des travaux »14(*). Cette façon d'organiser la commission constitutionnelle et le processus d'élaboration de la constitution ne correspond pas à une conception démocratique des modes d'établissement de la constitution. En effet, en l'espèce c'est la volonté du Front populaire qui a été la plus déterminante, et au Professeur Abdoulaye SOMA d'affirmer que « le Front Populaire a été l'alpha et l'oméga de l'adoption de cette constitution ». Cette position est d'autant plus vraie quand on sait que la commission constitutionnelle était composée de 104 membres dont 64 étaient membres du Front Populaire et donc acquis à sa cause, sans compter les membres issus des services techniques étatiques tout aussi acquis au regard d u contexte sociopolitique. Le Front Populaire a donc initié l'élaboration et l'adoption de la constitution, en a déterminé le contenu par des moyens qui sont les siens, la volonté populaire étant manifestement minimisée. La consultation populaire engagée ultérieurement n'avait vraisemblablement pour mission que de légitimer cette volonté du Front Populaire. * 12 Article 4 alinéa 2 du Kiti n°an VII 0279/FP/CFP/CE, du 20 avril 1990. * 13 Le Président et le vice président de la commission ont été nommés par Kiti n°an VII-288 FP/CFP/CE du 02 mai 1990. Le médecin commandant B. Arsène YE fût nommé Président et Benoît LOMPO vice Président. * 14 Article 5 du Kiti n°an VII 0279/FP/CFP/CE, du 20 avril 1990 |
|