1.4.3 Plans et stratégies de gestion de crises
L'un des plus importants élément dans la gestion
de crises est d'abord de reconnaître qu'il est nécessaire
d'adopter une vision systémique et complexe afin de capturer la
complexité du concept de crises (Morin, 1976; Deschamps et al., 1997;
Pauchant et Mitroff; 2001; Fischbacher-Smith, 2011; Topper et Lagadec, 2013).
Avant de présenter une suggestion de plans ou stratégies de
gestion de crises, il est également essentiel de souligner l'importance
du rôle de l'individu et la culture dans ce processus (Bell, 1978;
Lagadec, 1991; Pauchant et al., 2015; Guntzburger et Pauchant, 2014). En effet,
il est primordial d'avoir une approche systémique pour une gestion
préventive et éthique de systèmes pouvant être en
situation de crises (Guntzburger et Pauchant, 2014). Cette approche
systémique est fondamentale dans la prévention et
l'éthique des crises, menant à un nouveau type de
développement, de formation et d'éducation (Saleh et Pendley,
2012). Ce type d'éducation nécessite d'aller au-delà du
cadre administratif de référence où tous les risques et
enjeux sont supposés être bien définis afin
d'implémenter des solutions qui résolvent des problèmes
bien connus (Denis, 2002; Lundberg et al., 2009; Fischbacher-Smith, 2011;
Lagadec, 1991). D'autres auteurs soulignent également l'importance
d'aller au-delà des règles ou des prémisses de base
existantes dans la gestion stratégique des organisations et des crises
en adoptant une vision systémique des crises et reconnaissant le
rôle de l'individu (Bell, 1978; Lagadec, 1991; Pauchant et al, 2015) :
« Il y a là une leçon de prudence tout
à fait essentielle, mettant en garde contre l'idée que la gestion
de crise pourrait être réduite à une panoplie de
règles et de théorèmes pouvant être enseignés
aux décideurs. Les facteurs de succès sont plutôt
l'imagination historique, la créativité intellectuelle et la
capacité à percevoir les signaux des partenaires. Ces aptitudes
sont difficiles à enseigner, et assurément, la tendance à
fonder la réponse sur un système de règles,
elles-mêmes fondées sur des précédents connus, peut
avoir un effet très contre-productif. La gestion de crise doit donc,
sans aucun doute, être enseignée comme un art ou un savoir-faire,
non comme une science; comme pour les autres arts, le succès peut
dépendre de la capacité à s'écarter des
règles et des précédents» (Bell, 1978, p.
51-52).
En prenant comme exemple la crise financière de
2007-2008, cette dernière a entraîné un mouvement de
réflexion sur le risque, l'intégrité et l'éthique
dans les milieux des affaires et même l'administration publique (Engelen
et al., 2011; Reynolds, 2011; Roubini et Mihm, 2010). Ceci a été
confirmé par d'autres études qui ont mis en avant la
nécessité de reconnaître que le niveau culturel est aussi
important que l'aspect réglementaire dans la prévention des
crises (Pauchant et al., 2015). Par exemple, il a été
évalué que 24 % des employés des
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institutions financières américaines et
anglaises sont tentés de contourner les règles pour maximiser le
rendement et déclarent que 39 % de leurs compétiteurs le font
régulièrement (Labaton Sucharow, 2012). À Wall Street, ce
qui a entraîné en partie la crise est le leadership qui
encourageait la maximisation des profits à court terme, les agences de
notation ou les organismes de réglementation qui ont mal assuré
leurs fonctions et les nombreux Conseils d'administration qui ont
approuvé des prises de risques évaluées «
insensée » par la suite (Pauchant et al., 2015). Tel que nous avons
vu avec le principe de désengagement moral, le respect de la loi et les
aspirations éthiques proviennent de processus naturels, individuels et
sociaux qui se propagent sur le bien être de chaque individu et sur la
communauté (Bandura, 1999). Or lorsque les mécanismes de
désengagement moral sont partagés dans une organisation ou un
groupe restreint, cela procure aux individus « l'illusion, sans
dégout ni remords, que leurs actions sont à la fois «
légales » et « éthiques », leur permettant de
pratiquer leurs affaires à un coût supérieur pour le public
et en abusant des populations » (Pauchant et al., 2015, p. 12).
En ce qui attrait aux plans de gestion de crises, Pauchant et
Mitroff (2001) par exemple ont identifié trois concepts fondamentaux :
le premier concept est la première génération qui
met l'emphase sur la préparation aux crises, autrement dit le pilotage
et la gestion des effets négatifs d'une crise. Le deuxième
concept est qualifiée de seconde génération,
beaucoup moins répandue que la première dans les
organisations, et qui vise notamment à plus prévenir et anticiper
les crises et les facteurs paradoxaux générés directement
ou indirectement par les organisations en termes de production, de
développement d'affaires et de création de richesse. Le
troisième concept fondamental est de « développer, dans
une entreprise, l'apprentissage profond que tout effort de production ou de
productivité amène de manière irrémédiable
vers un accroissement de destruction, un paradoxe fondamental »
(Pauchant et Mitroff, 2001, p. 17) En se fondant sur ces concepts, Pauchant et
Mitroff (2001) ont élaboré le modèle de gestion de crise
organisationnelle, dit de l'oignon, composé de quatre niveaux
(individus, culture, structure, stratégie) que nous utiliserons
ultérieurement pour analyser le processus de gestion de crises des
banques coopératives choisies.
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