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La gestion systémique de la crise financière internationale de 2008: le cas de deux banques coopératives

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par Nabila Ouchene
HEC Montréal - Master 2015
  

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1.3 La crise financière internationale de 2007-2008

Cette section traite de la revue de la littérature sur la crise financière mondiale déclenchée en 2007 lors de la crise des subprimes aux États-Unis. Nous aborderons les principales origines, causes, conséquences et révélations sur le fonctionnement du système interbancaire et du marché financier. Cette section introduit le contexte de crise systémique internationale dans lequel prend place notre étude. De nombreux auteurs ont exposé les différentes facettes de cette crise financière dont les effets sont encore présents aujourd'hui (Ho, 2009; Roubini et Mihm, 2010; Lewin, 2011; Reynorlds, 2011; Sachs, 2011; Pauchant et Franco, 2014; Morin, 2015). L'un des principaux facteurs de cette crise fut le gonflement d'une bulle immobilière et la création de produits financiers structurés à partir, entre autres, de prêts hypothécaires, dits subprimes (Pauchant et al., 2015), d'où l'appellation de la crise des subprimes qui s'est déclenchée en 2007. Or dès 2004, certains analystes ont commencé à percevoir les premiers signes d'une crise sur le marché immobilier. Cependant, certaines banques se sont protégées contre l'effondrement de leurs propres titres, sur le marché immobilier, en continuant à vendre les produits toxiques à leurs clients, tout en pariant sur leurs baisses à travers l'achat de produits dérivés tels que les CDS ou Credit Default Swap12 (Pauchant et al., 2015). La crise financière est survenue avant tout en raison d'un contexte économique et financier qui se caractérisait principalement par un accroissement des flux de liquidité dans le secteur financier dont les parts étaient amplement supérieures à celles de la croissance économique réelle (Ricol, 2008).

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D'après Salin (2009), la crise n'est pas en partie due à un manque de réglementation mais bien due à un interventionnisme excessif de l'État. L'auteur explique que la cause majeure de cette crise provient directement de la variabilité de la politique monétaire américaine au cours des années 2000, précisément à partir de la crise d'internet en 2002. En effet, la Fed (banque centrale américaine) est passée d'un taux d'intérêt de 6,5 % en 2000 à un taux de 1,75 % fin 2001 et à 1 % en 2003. Puis, le taux d'intérêt a augmenté au ralenti jusqu'à atteindre 4,5 % en 2006 (Salin, 2009). C'est cette diminution du taux d'intérêt initié par la Fed qui a favorisé le crédit facile et une abondance de liquidités favorisant une croissance expansionniste telle qu'expliqué par Ricol (2008). Cette politique monétaire américaine s'est alors transformée en une opportunité de gains faciles pour les établissements financiers, qui ont accordé des crédits à des emprunteurs de moins en moins fiables comme l'a révélé la crise des subprimes en 2007. Par conséquent, même si à la base un système capitaliste n'est pas foncièrement stable, il est plus stable qu'un système centralisé et étatique étant donné que c'est l'imperfection de la politique monétaire qui a eu un effet déstabilisateur sur le fonctionnement du libre marché dans le système financier international (Salin, 2009).

Cependant, Salin (2009) manque de souligner que les réglementations et dérégulations au niveau de l'industrie financière et les politiques monétaires des institutions étatiques telles que les banques centrales, sont effectuées et mis en places par des dirigeants et responsables politiques très souvent issus du secteur bancaire par le passé. Aux États-Unis par exemple, Robert Rubin, qui a codirigé la banque Goldman Sachs, a été nominé Secrétaire du Trésor par Bill Clinton et ce durant les deux mandats présidentiels dans les années 1990. Son successeur, Henri Paulson a suivi le même parcours lorsque George W. Bush est devenu Président des États-Unis. En 2008, Henri Paulson a organisé le plus grand sauvetage des banques jamais réalisé et bien évidemment, a veillé à ce que Goldman Sachs en profite largement. À l'arrivée de Barack Obama, de nombreux dirigeants de Goldman Sachs entrent dans la Maison blanche et au gouvernement (Léon, 201113). D'où, lorsque certains anciens employés de banques comme celle de Goldman Sachs deviennent les gendarmes du marché financier, cela revient à « nommer un renard pour protéger le poulailler » (Léon, 2011). Cela ne s'arrête pas seulement aux États-Unis, puisqu'ils sont des centaines du secteur bancaire, particulièrement de Goldman Sachs, à occuper des postes clés au niveau des institutions gouvernementales. Au Canada, le gouverneur de la banque du Canada, Mark Carney, est un ancien de Goldman Sachs. Au Nigeria, le ministre du Commerce, Olusegun Aganga, est un ancien de Goldman Sachs. Au Royaume-Uni, un des dirigeants de la banque d'Angleterre, Ben Broadbent, est un ancien de Goldman Sachs. En Europe, le nouveau président de la banque européenne, Mario Draghi, est un ancien de Goldman Sachs (Léon, 2011).

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La figure 1 ci-dessous, intitulée «Masters of the eurozone » (Foley, 2011) représente la carte des principaux pays européens, où d'anciens employés de Goldman Sachs occupent des postes clés au niveau gouvernemental.

Figure 1: « Masters of the eurozone ». Source : The Independant (Foley, 2011).

Selon Carey (2009), la cause primaire de la crise de 2008 réside en partie dans la spéculation du secteur immobilier, en particulier les produits dérivés tels que les « collateral debt obligation » ou titres garantis par des créances14 et « credit default options » communément appelés CDOs ou option sur défaillance15. Ces produits

Par ailleurs, la financiarisation accrue de l'économie, comme mentionnée à la précédente section de la littérature, a également été souligné par des institutions internationales reconnues telles que la Banque mondiale,

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dérivés complexes n'étaient pas seulement vendus par les financiers de Wall Street, mais également par des milliers de personnes non issus du milieu financier : par exemple des livreurs de pizza vendaient aussi ces produits financiers (Carey, 2009). Ces produits dérivés issus de l'ingénierie financière ont été décrits par l'investisseur Warren Buffet comme des « outils de destruction massive » (Roubini et Mihm, 2010, p. 198). La crise a révélé que plusieurs acteurs économiques étaient responsables de la crise financière de 2008 aux États-Unis dont les institutions financières, le gouvernement américain, la Fed (banque centrale américaine) et les agences de notation (Carey, 2009). Au niveau des institutions financières, l'une des causes de la crise découle en partie du fait que pendant un certain temps, les bonus et dividendes étaient réelles, mais les profits sur lesquels ces bonus et dividendes étaient supposés être basés, ne l'étaient pas (Carey, 2009).

Au niveau du gouvernement américain par exemple, selon Carey (2009), ce dernier n'a pas assuré le processus de régulation pour maintenir la sécurité et la stabilité du système financier américain. En effet, au Congrès américain, depuis les années 1980, des Sénateurs autant républicains que démocrates ont prôné la dérégulation afin d'éliminer les restrictions régulatrices du marché financier. Ainsi, en 1999, le Glass-Steagall Act16, qui obligeait les banques à séparer leurs activités commerciales (de dépôt des particuliers et financement des particuliers et entreprises) de celles d'investissement (courtage, spéculation et assurances), a été abrogé par le Gramm-Leach-Bliley Act (Carey, 2009). En 1997, Brooksley Born, qui a dirigé la Commodity and Futures Trading Commission (CFTC), a commencé à être préoccupé par les produits financiers dérivés et explorer des pistes pour les réguler. Cette tentative a rencontré une forte opposition du président de la Federal Reserve, Alan Greenspan, secondé par Robert Rubin, qui ont rejeté cette initiative en expliquant que cela pourrait causer une crise financière. En 1999, ces derniers ont recommandé que le Congrès retire de manière définitive à la CFTC l'autorité de régulation sur les produits dérivés (Carey, 2009).

Enfin, en ce qui concerne les agences de notation, ces dernières ont joué un rôle central dans la crise financière de 2008, car non seulement elles comprenaient peu les produits dérivés CDOs, mais aussi les « bons » crédits d'hypothèque et prêts à risque, dits subprimes, ont été combinés en paquets pour être vendus aux investisseurs (Carey, 2009). D'où, tout le monde s'est fié à ses agences pour un tampon d'approbation de ces paquets financiers. Cependant, les frais de notation pour ces instruments financiers sont bien élevés et la compétition entre les agences de notation est intense. Donc si un fournisseur d'hypothèques tel que Countrywide Financial se plaignait à propos d'une notation faible, l'agence de notation l'augmentait. Ainsi, les notations sont devenues autant non fiables que les instruments financiers eux-mêmes (Carey, 2009).

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le Fonds monétaire international (IMF) et le Forum de Davos. Selon ces dernières, cette financiarisation du marché mène à un déficit démocratique, à un accroissement des inégalités, à un contexte mondial d'incertitude, de manque de confiance et de crises majeures (IMF, 2014; WEF, 2013; Mussa, 2009). D'autre part, plusieurs critiques ont été adressées à l'encontre du mythe de l'autorégulation (Krugman, 2009; Stiglitz, 2010), supposément fondé sur le concept économique d'Adam Smith de la main invisible du marché, et prônée par la théorie économique néoclassique. En effet, pour plusieurs auteurs, Adam Smith, considéré comme le père de l'économie moderne, préconisait à travers ses écrits une réglementation des banques et de la finance sur la base de six régulations (Carey, 2009; Charolles, 2006; Chavagneux et Martimache, 2012; Mussa, 2009; Rockoff, 2011; Sen, 2009; Walch, 2014; Pauchant et Franco, 2014). D'où, certains auteurs proposent le rétablissement du Glass-Steagall Act car cette réglementation, séparant les activités bancaires commerciales de celles d'investissements, permettrait de mieux gérer les risques financiers grâce à la mise en place de pare-feu (Mussa, 2009; Roubini et Mihm, 2010). Selon Charolles (2006), à la source de la crise financière de 2007-2008 entre autres, ce modèle de gouvernance capitaliste-financier, fondé sur l'accumulation du capital par un petit nombre au détriment du plus grand nombre, va à l'encontre du libéralisme équilibré et soucieux d'équité prôné par Smith (Charolles, 2006).

Toutefois, dans le contexte de la crise financière de 2008, les banques coopératives ont dans l'ensemble bien résisté aux chocs financiers. Excepté quelques banques coopératives qui ont été affectés par la crise en raison de leur implication dans les activités financières à haut risque, notamment en France telles que le Crédit Mutuel, la Caisse d'épargne, la Banque populaire, et en particulier le Crédit agricole dont les pertes financières sur les entités cotées de ces banques se chiffrent à des milliards d'euros. Cependant, la plupart des institutions financières coopératives dans le monde ont regagné en popularité en raison de leur modèle bancaire plus stable et responsable socialement. C'est le cas de Desjardins au Québec, les Credit unions aux États-Unis et les banques coopératives en Suisse telles que Raiffeisen, Banque Coop ou Banque Migros. Au lendemain de la crise financière, la presse a ainsi relaté le retour vers les banques coopératives.

L'Expansion par exemple, titrait « Changer de banques, oui, mais pour laquelle? » (Raim, 2010) et rapportait la campagne d'un collectif particulier qui avait pour but d'encourager les Français à transférer leur argent des banques « nuisibles » aux banques « recommandables » telles que Banque postale ou bien la NEF pour Nouvelle économie fraternelle et le Crédit Coopératif. Un article de Radio-Canada titrait également « Des citoyens exaspérés quittent leur banque pour le Bank Transfer Day » (Radio Canada, 2011 (a)) aux États-Unis dans la foulée des mouvements de contestation contre la cupidité des grandes institutions financières. Cela a eu pour résultat dès les quatre premières semaines, à encourager 650 000 Américains à ouvrir un compte dans les credit unions, en retirant ainsi 4,4 milliards de dollars aux banques commerciales. L'article « Suisse : La crise financière relance la banque coopérative » (Mombelli, 2012), relatait que les banques coopératives, perçues

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comme un modèle de gestion désuet et inadapté au contexte évolutif et concurrentiel des marchés financiers, ont réussi à renforcer leur position en temps de crise du secteur financier. En effet, ces institutions ancrées dans l'économie locale, « offrent une alternative solide aux excès de la finance spéculative internationale » (Mombelli, 2012).

Par ailleurs, comme nous l'avons mentionné à l'introduction du mémoire, pour 77 % d'économistes issus des plus prestigieuses universités américaines (en 2005), l'économie est considérée comme la science sociale la plus scientifique. De plus, le rapprochement de l'économie et la finance ces dernières décennies a aboutit à une financiarisation de l'économie ou du marché pour de nombreux auteurs (Maillard, 2011; Lacroix et Marchildon, 2013; Piketty, 2013; Servan-Schreiber, 2014; Geithner, 2014; Fourcade et al., 2014; Pauchant et Franco, 2014; Naim, 2015; Zingales, 2015; Cecchetti et Kharroubi, 2015; Taylor, 2015). Sur le plan académique, cela signifie que l'économie se réfère plus à la finance qu'à d'autres sciences sociales telles que la sociologie ou la science politique (Fourcade et al., 2014). Sur le plan de la gouvernance, ce rapprochement de la finance et l'économie a sculpté un système de gouvernance économique où le secteur financier tient une place prépondérante et dépasse la croissance économique réelle (Pauchant et Franco, 2014; Cecchetti et Kharroubi, 2015).

Cette institutionnalisation de la finance en tant que pouvoir central et intellectuel de l'économie découle en partie de la base d'enseignement de la finance dans les établissements supérieurs des affaires depuis la deuxième moitié du XXe siècle (Fourcade et al., 2014). En effet, un sondage datant de 2004 a révélé que 549 doctorants en économie enseignaient dans le top 20 des écoles de commerce aux États-Unis, comparé à 637 doctorants en économie enseignant dans le top 20 des départements d'économie (Blau, 2006). Dans les années 1950, seuls 3,2 % des chercheurs en économie enseignaient les affaires dans les établissements supérieurs, mais depuis les années 2000, ce chiffre a augmenté à 17,9 %, laissant une part marginale à la contribution d'économistes issus d'agences gouvernementales (Fourcade et al, 2014).

Ces facteurs décrits ci-dessus ayant entraîné la crise financière internationale 2007-2008 révèlent la complexité du système financier international et l'interdépendance de l'économie et la finance sur le plan macroéconomique. Nous pouvons également ajouter des facteurs de type organisationnel ayant favorisé la crise qui s'appliquent notamment à la gestion interne des banques de par les individus, la culture de l'entreprise, la structure organisationnelle et la stratégie (politique de l'entreprise). Ces éléments clés seront abordés dans la prochaine section de cette revue de littérature, relative à la gestion de crises.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon