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La gestion systémique de la crise financière internationale de 2008: le cas de deux banques coopératives

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par Nabila Ouchene
HEC Montréal - Master 2015
  

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4.2 Le Mouvement Desjardins et la gestion de crises

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du PCAA qui a déclenché une crise systémique sur le marché financier canadien. Cette affaire révèle l'impact de l'individu sur le marché financier, et ce en dépit de la nature « rationnelle » et « sophistiquée » des opérations dîtes de haute finance. En effet, dans un contexte de crise, la panique et la méfiance, aspects irrationnels émanant des individus, ont pris le dessus sur le rationnel en provoquant une crise systémique. Comme nous l'avons vu, l'affaire du PCAA a révélé dans un contexte de crise l'importance de la réaction et des mécanismes de défense des individus. En dépit du fait que le PCAA au Canada était lié aux subprimes à près de 7 % seulement des transactions (Desjardins, 2009), la crise est survenue en raison d'un manque d'informations sur le marché canadien et des réactions « incontrôlées » des individus. Les investisseurs canadiens, sociétés et individus y compris, ont réagi à l'annonce de la crise des subprimes aux États-Unis de manière « irrationnelle », ce qui contribué à amplifier également la crise.

Cependant, deux ans après l'affaire du PCAA, la présidente du Mouvement Desjardins, Monique F. Leroux, avait alors reconnu qu' « à la réflexion et en bout d'analyse, l'élément central, celui qui fait la différence entre la bonne conduite des métiers financiers et les aventures difficiles, c'est la personne » (Canada Newswire, 2010, p. 1) et que « c'est ainsi que le cadre d'interaction multipartite (les conseils d'administration, les directions, les autorités réglementaires, les organismes sectoriels, les gouvernements et les vérificateurs) permettra d'en arriver à un cadre prudentiel où la connaissance et l'intelligence de chacun permettra, dans une approche proactive, d'anticiper et d'éviter des crises et de renforcer la gestion prudentielle des institutions » (Canada Newswire, 2010, p. 1). Ces affirmations venant de la dirigeante du Mouvement Desjardins reconnaissent le rôle de l'individu non seulement dans un contexte difficile tel que la crise, mais également dans une approche proactive et surtout coopérative entre différents acteurs afin de prévenir les crises et les éviter. En revanche, les mécanismes observés auparavant tels que le déplacement ou diffusion de responsabilités ne sont pas constatés dans le cas de Desjardins. Néanmoins, ceci peut être nuancé par le fait que Desjardins a été beaucoup moins exposé à la crise au niveau individu que le Crédit Agricole, nous détaillerons plus tard ce point. Toutefois, ces affirmations de la présidente de Desjardins pourraient également expliquer le fait que Desjardins a moins été affecté par la crise en raison d'une gestion prudentielle au niveau de l'individu de son organisation. Ceci pourrait expliquer la différence du degré d'impact de la crise entre Desjardins et le Crédit Agricole qui, au niveau de l'individu, a été plus exposé à la crise et que nous traiterons davantage ultérieurement.

En effet, lors d'un entretien mené par l'AFP en octobre 2011, Monique Leroux a estimé que dans le contexte de la crise financière et économique du capitalisme financier, les coopératives offrent une « réponse tangible » à la crise selon la PDG du Mouvement Desjardins (Lavallée, 2011). Elle affirmait également que «quand on regarde ce qui ce passe actuellement, on sent une forme de déconnexion entre les grands enjeux financiers» et «une grande partie de la population. Cela nous semble parfois aussi bien loin des réalités de

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l'économie réelle» (Lavallée, 2011). Ces affirmations confortent la position de Desjardins pendant la crise puisque le Mouvement a été peu affecté par la crise financière comparé au Crédit Agricole. Le fait que Desjardins a été moins impliqué sur le marché financier international, cela a renforcé le positionnement de Desjardins comme coopérative et dont le modèle d'affaires peut être considéré comme un modèle tangible et être une « réponse tangible » à la crise tel que l'a énoncé Monique Leroux. Cette dernière avait également exprimé que les coopératives avaient montré « leur résilience » pendant les périodes de tumultes de la crise et que «prendre des décisions à court terme, trimestrielles, pour faire monter le prix de l'action, ce n'est pas du tout une motivation autour de la table des conseils d'administration (des coopératives, ndlr), ni même dans les équipes de direction» (Lavallée, 2011). De plus, lors d'un entretien télévisuel sur Radio Canada en avril 2011, dont le sujet portait sur la fusion des caisses au Québec qui avait amené un mouvement de contestation des membres, Monique Leroux s'est défendue entre autres en évoquant que Desjardins avait réussi à gérer la crise en répondant au présentateur (Gérald Fillion) que « dans un contexte où toutes les dimensions si vous voulez par exemple de productivité, de performance, de solidité financière sont éminemment importantes, nous avons comme d'autres passé à travers la crise financière, au fonds, sans être trop préoccupés. Et ça, c'est un point très très important, je pense, pour la confiance de nos membres » (Radio Canada, 2011). Tous ces éléments au niveau individuel du modèle de gestion de crise permettent d'observer que Desjardins a été moins affecté par la crise financière, puisque sur le plan individuel, la PDG de la banque coopérative ne s'est pas retrouvée à se défendre de son rôle ou responsabilité par rapport à des conséquences considérables de la crise. Ceci n'a pas été le cas du Crédit Agricole, étant donné que la banque française a été plus affectée par la crise, son PDG George Pauget a dû, dans le but de se défendre de l'implication du Crédit Agricole sur le marché américain, intenter un vote de confiance déclenché exceptionnellement en 2008, puis publier un livre défendant les banquiers et leur profession en 2009.

Cependant, dans un autre entretien de Monique Leroux par Co-operative News en octobre 2012 (voir entretien intégral à l'Annexe 7), la journaliste (Anca Voinea) a demandé à la PDG de Desjardins comment les coopératives ont géré la crise et comment Desjardins a fait face à la récession. Monique Leroux a répondu qu'« en se basant sur les informations collectées dans le monde sur la manière dont les coopératives bancaires et financières ont géré la crise de 2008, la plupart ont récupéré mieux et rapidement que la majorité des banques commerciales. La raison de cela est que les coopératives sont orientées vers des objectifs à long terme, tandis que beaucoup de banques [commerciales] étaient impliquées dans les investissements spéculatifs pour des gains à court terme » (Voinea, 2012, p. 2). Le premier élément que l'on peut observer ici et que Monique Leroux a répondu à la question en évoquant seulement les coopératives de manière générale, et n'a pas répondu à la question concernant spécifiquement Desjardins. Cela peut correspondre au mécanisme de projection sur les coopératives dans l'ensemble concernant le rôle de Desjardins pendant la crise financière, puisqu'elle n'évoque pas explicitement comment Desjardins a fait face à la crise. Le deuxième élément est qu'au travers de ces

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entretiens, le dossier du PCAA qui a affecté le Mouvement Desjardins et ses résultats financiers en 2009 en particulier n'a pas été mentionné, ce qui peut être considéré comme une forme de déni en tant que mécanisme au niveau de l'individu de la gestion de crise.

Au niveau de la culture de la gestion de crise chez Desjardins, un des premiers éléments observés durant la crise financière est le discours contradictoire de Desjardins vis-à-vis du gouvernement. D'une part, Desjardins exhortait le gouvernement fédéral de ne pas désavantager les institutions financières canadiennes comparé à leurs concurrentes américaines et européennes qui bénéficiaient de plans de relance de leurs gouvernements. Ce fait révèle la 11e rationalisation en gestion de crise au niveau culturel, et que nous avons décrite à la section (B) de la méthodologie liée à la croyance que « si une crise majeure arrive, nous serons secourus par nos amis et partenaires » (Pauchant et Miroff, 2001). Desjardins a clairement communiqué sa volonté de bénéficier de l'aide fédéral dans la gestion de la crise financière mais aussi dans l'affaire du PCAA. Selon l'agence de notation Moody's, Desjardins bénéficiait d'un « soutien implicite » d'Ottawa et Québec. Ces éléments viennent conforter la 11e rationalisation qui suppose que les organisations ont tendance à croire qu'en cas de crise majeure, elles seront secourues par leurs amis et partenaires tels que nous l'avons également souligné avec les autres institutions financières américaines et européennes secourues par leurs gouvernements respectifs.

D'autre part, Desjardins avait une position tout à fait contraire à la première énoncée précédemment. En effet, lorsque le gouvernement fédéral a annoncé la mise en place d'une réglementation centralisée des valeurs mobilières au Canada, le Mouvement Desjardins s'y immédiatement opposé en justifiant par un document publié que la proposition du gouvernement n'est pas justifiable. Desjardins opère depuis plusieurs années dans le secteur des valeurs mobilières avec sa filiale Valeurs mobilières Desjardins (VMD). C'est à se demander si le fait que ça soit le fédéral, sachant que le Mouvement Desjardins est historiquement ancré dans la province québécoise, Desjardins aurait vu cette proposition du gouvernement fédéral comme une ingérence? Desjardins avait dès lors déclaré que passer à un système centralisé de réglementation serait « inutile au mieux, contre-productif au pire » car cela aurait entrainé d'importants coûts (Larocque, 2008 (a), p. 1). La banque coopérative québécoise avait également ajouté qu'il faudrait s'attendre à une contestation constitutionnelle d'une centralisation imposée par Ottawa et que dans un tel cas, l'institution coopérative entrevoyait que le « Québec ferait bande à part, avec d'autres provinces », ce qui reproduirait justement «une balkanisation que l'on voulait au départ éliminer » (Larocque, 2008 (a), p. 1).

Par ailleurs, nous avons également observé que durant la crise financière, Desjardins a fait valoir la solidité et la crédibilité de sa culture organisationnelle interne. En 2008, la banque coopérative avait été classée parmi les 50 Employeurs de choix au Canada suite à un sondage de mobilisation, effectué par la firme Hewitt, et

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envoyé à près de 20 000 employés Desjardins (Canada Newswire, 2008(a)). Ce fait révèle qu'à l'interne, la gestion de la culture organisationnelle formelle et informelle est maîtrisée, avec une stratégie de communication efficace qui a permis à Desjardins de maintenir sa réputation d'institution financière viable et crédible dans un contexte de crise économique. Cependant, sur le plan externe, la culture organisationnelle présentait des caractéristiques parfois contradictoires avec l'identité coopérative. Premièrement, ceci était observable par exemple à travers le discours de l'économiste en chef de Desjardins, François Dupuis. Ce dernier avait déclaré en 2008 dans un article paru dans Les Affaires, en pleine crise financière : «diminuez les impôts des compagnies; laissez davantage de place aux forces (sic) du marché par le recours à l'état minimal; privatisez davantage les services publics et tarifiez ceux qui resteront publics, afin d'habituer la population à payer le prix du marché (sic) et augmentez les tarifs d'électricité et les frais de scolarité» (Lauzon, 2009, p. 1). Ces affirmations émanant d'une personnalité représentante de Desjardins sont assez éloignées de la culture coopérative. Comme nous l'avons vu à la revue de littérature, en théorie, un des rôles fondamentaux d'une banque coopérative est de préserver l'intérêt de ses membres tout en prenant en considération les citoyens, les parties prenantes et de contribuer au bien-être et au développement des collectivités. Ceci implique une culture qui prône des valeurs qui vont dans le sens de sa mission. Or la mission de Desjardins, telle qu'énoncée officiellement, est de « contribuer au mieux-être économique et social des personnes et des collectivités dans les limites compatibles de notre champ d'action ». Cette dernière ne rejoint pas vraiment les affirmations du chef économiste représentant Desjardins dont la politique économiste peut s'avérer inadéquate avec la mission coopérative, puisqu'il avait déclaré : « [...] privatisez davantage les services publics et tarifiez ceux qui resteront publics, afin d'habituer la population à payer le prix du marché (sic) et augmentez les tarifs d'électricité et les frais de scolarité » (Lauzon, 2009, p. 1). En dépit qu'il affirme cela du point de vue d'une politique économiste vis-à-vis du gouvernement et de la gestion de l'économie publique, cette vision ne prend pas réellement en considération les intérêts des citoyens mais vise plus les intérêts d'une minorité qu'est le privé, puisqu'il encourage à privatiser davantage de services publics et de faire payer le prix du marché de ces services à la population, tout en augmentant les tarifs d'électricité et des frais de scolarité. L'économiste en chef de Desjardins a aussi déclaré qu'il faut envisager une hausse des tarifs et des taxes, notamment sur l'essence et que c'est à ce prix que les Québécois peuvent conserver les acquis sociaux auxquels ils tiennent. Il a par ailleurs recommandé au gouvernement de réduire les taux de croissance de ses dépenses (St-Gelais, 2010). En d'autres termes, du point de vue de la culture organisationnelle, l'approche économiste de Desjardins qu'exprime son chef économiste induit que la culture coopérative, prenant en compte les citoyens et leurs intérêts, est laissée au second plan.

Deuxièmement, nous pouvons également observer une contradiction au niveau de la culture organisationnelle de Desjardins par l'intermédiaire de son processus de fusion des Caisses entamé dans les années 1990. Ce processus a eu pour conséquence de réduire le nombre de caisses dans une optique de coûts, et aussi de

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changer la culture organisationnelle au niveau des caisses. En effet, selon Marc Vallières, professeur d'histoire à l'Université Laval, il existe un fort sentiment d'appartenance coopératif dans les communautés rurales, des villages et petites villes, mais qui a été diminué par ce processus de fusion de caisses (La Presse Canadienne - Le fil radio, 2011). Dès lors, ces regroupements de caisses ont coïncidé avec un changement de culture car lorsque les initiateurs du mouvement auprès des caisses ont pris leur retraite, ces derniers ont été remplacés par des spécialistes en administration et économie, ce qui a eu pour effet de changer la philosophie coopérative. Par conséquent, cela a crée donc une distance entre les membres et leur coopérative, ce qui rejoint un des point soulevé dans la revue de littérature en ce qui concerne le cycle de vie des coopératives et la taille de ces dernières. En effet, lorsque les coopératives atteignent la deuxième phase du cycle « adolescent », la distance entre la coopérative et ses membres tend à augmenter car le management devient plus professionnel. Durant cette phase, la professionnalisation du management, caractérisée par un processus de consolidation et d'économies d'échelle en quête d'efficience économique, permet au personnel et gestionnaires d'émerger comme une nouvelle classe de sociétaires avec des intérêts qui ne sont pas nécessairement alignés avec ceux des membres (Brazda et Schediwy, 2001; Heflebower, 1980; IMF, 2007). De plus, la troisième phase « mature » du cycle de vie de la coopérative est également caractérisée par l'accroissement de divisions internes, un affaiblissement de l'idéologie collective et la disparition de la raison d'être initiale de la coopérative (Brazda et Schediwy, 2001; Heflebower, 1980; IMF, 2007).

Enfin, lorsque les coopératives financières deviennent plus grandes et poursuivent la croissance et la diversification, elles ont tendance à perdre leur avantage de confiance car elles commencent à se « comporter » comme des institutions financières commerciales (Kay, 2006; IMF, 2007). Ce dernier élément a été confirmé chez Desjardins puisque de plus en plus de personnes dénoncent le comportement « commercial » de la banque coopérative ou veulent quitter le Mouvement Desjardins (La Presse Canadienne - Le fil radio, 2011; St-Gelais, 2010; Lauzon, 2009; Radio Canada, 2011 (b)). Selon Claude Béland, ancien président du Mouvement Desjardins (1987-2000), la fusion des caisses a aboutit dans certains cas à créer des mégas-caisses au détriment de la participation des membres (Radio Canada, 2011 (b)). Le facteur de la culture organisationnelle du modèle de l'oignon en gestion explique en partie le changement qui s'est opéré chez Desjardins engendrant une culture hybride alliant le bancaire « coopératif » et « commercial». Pourtant, Desjardins a été moins affecté par la crise financière en partie grâce à sa structure organisationnelle, mais aussi sa culture coopérative qui a résisté durant la crise.

Au niveau de la structure organisationnelle, nous avons observé que la crise a joué un rôle de levier pour modifier la structure du Mouvement Desjardins. Ce dernier a bien eu une gestion de crise, mais non pas via une unité de crise chez Desjardins puisqu'inexistante, mais en mettant en place des plans de restructuration interne. Cependant, la structure de base coopérative de Desjardins lui a permis de limiter considérablement les effets de la crise financière et de manière significative. En effet, un des avantages du système coopératif de Desjardins, est

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qu'elle n'a pas d'actions sur le marché financier, ce qui lui permet de se protéger contre les fluctuations boursières et la spéculation, lui garantissant ainsi un capital propre plus solide et une stabilité financière. De plus, pendant la crise, le réseau des Caisses Desjardins a beaucoup contribué à stabiliser et limiter les pertes financières puisqu'en 2008, les revenus totaux du Mouvement Desjardins étaient de 2,24 milliards de dollars canadiens, soit une hausse de 10,5% comparé à 2007 (Larocque, 2008 (c)). Ces résultats étaient en grande partie dus aux caisses locales et dont la direction Desjardins a reconnu le rôle moteur. Ce constat vient conforter ce que nous avions vu à la revue de littérature concernant la crise financière et les banques coopératives puisqu'il a été démontré que ces banques ont été beaucoup moins affecté par la crise en raison de leur modèle organisationnel. Ceci a conduit la direction de Desjardins, après la nomination de Monique F. Leroux comme présidente du Mouvement en 2008, à lancer le plan « Coopérer pour créer l'avenir » dès 2009. Ce dernier visait à intégrer une nouvelle structure qui avait pour principal objectif de rapprocher le Mouvement de ses caisses locales qui en sont « la force motrice » selon Monique F. Leroux, et les membres de leurs caisses (Canada Newswire (a), 2009). Cette réorganisation avait également pour but de générer des gains de productivité récurrents de plus de 150 millions de dollars canadiens. Sur la base de ce plan, Desjardins a supprimé 900 postes sur trois ans avec des départs à la retraite et volontaires selon Desjardins, et dont l'objectif était d'aplanir la structure décisionnelle jugée lourde et coûteuse (Canada Newswire (a), 2009).

À ce niveau structurel du modèle de gestion de crises, nous pouvons observer que la structure mis en place par le Mouvement Desjardins lui a permis de contrer les chocs de la crise financière de 2008. Premièrement, en maintenant une structure coopérative axée sur le bancaire coopératif et de détail éloignée d'activités financières boursières, ce qui suggère que la culture coopérative demeure assez dominante en dépit de l'apparition d'une culture « commerciale ». Deuxièmement, en mettant en place le plan de structuration « Coopérer pour créer l'avenir » dès 2009 afin de consolider le Mouvement Desjardins avec son réseau de caisses, dont le rôle moteur et stabilisateur en pleine crise financière a été révélé. Ainsi, c'est en partie la structure coopérative représentée par le réseau de caisses qui a permis à Desjardins de résister à la tempête de la crise financière et de s'en relever assez rapidement dès 2010. Mentionnons également ici le niveau culturel coopératif représenté par le réseau de caisses. Finalement, cette double stratégie au niveau de la structure organisationnelle, qui a permis en partie à Desjardins de gérer la crise financière, a été élaborée par des individus, en l'occurrence la haute direction de Desjardins. Ces éléments suggèrent le rôle joué par le niveau individuel du modèle de l'oignon dans la gestion de crise autant au niveau structurel que culturel.

Enfin, en ce qui concerne le niveau stratégie organisationnelle chez Desjardins, nous n'avons pas pu observer l'existence d'un plan de gestion de crises selon les données et sur la base d'une gestion stratégique qui intègre de manière visible la gestion de crises. Durant et après la crise financière, Desjardins a eu recours a un

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plan de gestion de crise sous forme de trois actions successives et parallèles entre 2007 et 2011. La première action a consisté à bénéficier de l'aide du gouvernement fédéral dans le cadre de l'affaire du PCAA en 2007 et également d'un soutien implicite d'Ottawa et Québec durant la crise selon l'agence de notation Moody's. En 2009, le Mouvement Desjardins a eu aussi recours aux caisses pour augmenter sa capitalisation durant la crise, et ce en demandant aux caisses de réduire les ristournes versées à leurs membres de 40 % (La Presse Canadienne - Le fil radio, 2009 (b)). Cette mesure a été décrétée par la banque coopérative à cause de la forte détérioration des marchés financiers et des lourdes dépréciations liées au PCAA de ses comptes. La deuxième action sur laquelle le Mouvement Desjardins s'est appuyé pour gérer la crise fut la communication. Il s'est avéré que la banque coopérative maîtrise bien cet outil comme moyen de communication stratégique pour démontrer la transparence et reporter des faits, des mesures et des résultats positifs. Des communiqués de presse étaient régulièrement publiés pour annoncer des partenariats, des résultats positifs, des actions concrètes et les classements internationaux par lesquels Desjardins se distinguait.

La troisième action entamée par Desjardins dès 2008 consistait à se lancer définitivement et ouvertement dans le développement international sur le plan affaires en créant des partenariats avec les organismes coopératifs internationaux. Cette action stratégique a été pour la première fois et ouvertement annoncée par Monique F. Leroux en 2008, nouvelle présidente du Mouvement Desjardins, dans un contexte de consolidation mondiale où la taille des entreprises sera de plus en plus importante. C'est aussi dans cette optique qu'a été mis en place le plan de restructuration interne en 2009 « Coopérer pour créer l'avenir » afin de rapprocher le Mouvement de ses caisses, puisque 75 % des excédents du Mouvement sont générés par les caisses (Turcotte, 2008). Or l'appui des caisses locales était indispensable afin de les intégrer dans la stratégie de développement international du Mouvement Desjardins. En 2011, l'internationalisation du Mouvement Desjardins s'est concrétisée avec la création d'un partenariat stratégique avec la banque coopérative française le Crédit Mutuel. En 2012, c'est la consécration pour Desjardins étant donné que les Nations Unies avaient déclaré l'année 2012 comme « Année internationale des coopératives » et avaient choisi le Mouvement Desjardins comme hôte du premier Sommet mondial sur les coopératives.

Au niveau stratégie organisationnelle du modèle de gestion de crises, Desjardins a implanté une stratégie de gestion de crise fondée sur le renforcement du Mouvement Desjardins et son réseau de caisses dès 2009. Conscient du potentiel générateur et stabilisateur des caisses, la direction de Desjardins a établi un plan de structuration visant le rapprochement avec les caisses. Une fois cette étape stratégique validée et que les caisses ont été intégrées autant structurellement que stratégiquement, le Mouvement Desjardins est alors passé à la deuxième étape et en se lançant à l'international sur le plan « affaires coopératives » assez rapidement après la crise financière en 2011. Monique F. Leroux, PDG du Mouvement Desjardins, avait alors déclaré que les

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coopératives offrent une « réponse tangible » pour relancer l'économie mondiale et que « quand on regarde ce qui se passe actuellement, on sent une forme de déconnexion entre les grands enjeux financiers [et] une grande partie de la population [...] Cela nous semble parfois aussi bien loin des réalités de l'économie réelle » (Reibaud, 2011 (b), p. 1). Cette affirmation de la présidente de la banque coopérative québécoise vient également renforcer le bilan de la crise financière et ce que celle-ci a permis de révéler telle que cela avait été vu dans la revue de littérature. Autrement dit, dans l'ensemble, les banques coopératives ont émergé comme modèle alternatif au développement économique plus stable et plus connecté à l'économie réelle. Ceci rejoint le paradoxe évoqué dans la revue de littérature et il y a vingt ans par Pauchant et Mitroff (2001) dans la gestion de crise, en soulignant l'importance du concept fondamental de troisième génération et très peu présent dans les organisations qui consiste à «développer, dans une entreprise, l'apprentissage profond que tout effort de production ou de productivité amène de manière irrémédiable vers un accroissement de destruction, un paradoxe fondamental » (Pauchant et Mitroff, 2001, p. 17).

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe