1.1.2 La gouvernance coopérative
Selon le FMI (2007), le courant littéraire et les
législateurs accordent peu d'attention aux défis liés
à la gouvernance spécifique des coopératives. En effet, il
n'y a pas assez de travaux internationaux d'uniformisation et d'organismes
d'élaboration de politiques sur la gouvernance des coopératives
et mutuelles (Cornforth, 2002). Les principes de gouvernance corporative de
l'OCDE se focalisent sur la gouvernance externe des sociétés
cotées. Les
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Comités de Bâle I et II se concentrent davantage
sur les mécanismes de gouvernance internes des banques en
général. Ceci implique donc des risques potentiels de gouvernance
dans les banques coopératives qui peuvent échapper à
l'attention or être mal compris par les gestionnaires (IMF, 2007).
Cependant, tel que vu précédemment, dans une optique de
gouvernance corporative fondée sur les responsabilités
stratégiques, fiduciaire et juridique/éthiques, nous allons
tenter de présenter un aperçu littéraire de certains
auteurs sur la gouvernance du mouvement coopératif.
Le mouvement coopératif est apparu au courant du XIXe
siècle et lancé par des acteurs économiques, issus souvent
de la classe moyenne, ayant pour objectif de réorganiser collectivement
leurs activités (approvisionnement, emploi, commercialisation,
financement etc.) dans le contexte de la révolution industrielle et
l'expansion de l'économie de marché (Vienney, 1980 (a)).
Dès 1900 lors de l'Exposition universelle de Paris, les
coopératives ont été présentées comme
composante non seulement d'une économie coopérative, mais
également d'une économie sociale. Le mouvement coopératif
s'est inscrit très tôt dans une mouvance internationale
entraînée par la dynamique associative du mutualisme et
syndicalisme (Malo et al., 2006).
Juridiquement, la gouvernance des coopératives est
caractérisée par des principes coopératifs uniques
découlant d'un ensemble de postulats moraux et dont les règles
juridiques dérivent (Desroche, 1976). La législation sur les
coopératives a été initiée par les pionniers de
Rochdale8 qui ont émis des principes coopératifs
lorsqu'ils ont fondé leur Société des pionniers
équitables de Rochdale en 1844 (Malo et al., 2006). Ces principes
coopératifs étaient caractérisés par une vision
différente concernant les rapports entre l'économie et la
personne humaine et ont donné lieu à des règles juridiques
coopératives telles que l'adhésion libre du membre à la
coopérative, le contrôle démocratique (un membre
égale un vote), des ristournes au prorata des achats des membres et un
taux limité de rémunération du capital (Lambert, 1965).
Par la suite, les principes coopératifs sont devenus une source
d'inspiration pour les lois nationales portant sur les coopératives,
pour les règlements de régie interne coopérative et des
pratiques coopératives en général (Malo et al., 2006).
Aujourd'hui, avec la financiarisation de l'économie et la mondialisation
de la production et des marchés, cela crée davantage de pressions
sur l'emploi et la consommation. Cela aboutit à de nouvelles
générations de coopératives aux côtés des
associations prenant source dans la nouvelle économie sociale et
solidaire (Malo et al., 2006). Dans ce contexte, la notion d'éthique
coopérative est devenue de plus en plus présente dans la
littérature et présentée comme une responsabilité
face aux défis posés par l'économie de marché
vis-à-vis des coopératives et de leur identité sociale et
économique. En effet, à la fin du XXe siècle, il y a eu
une augmentation du nombre d'écrits portant sur l'éthique
coopérative dans le courant de la responsabilité sociale de
l'entreprise (Malo et al., 2006). Nous consacrerons une section
littéraire portant sur l'éthique coopérative
ultérieurement à ce chapitre à la section des banques
coopératives.
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Du point de vue de la gouvernance stratégique, le
mouvement coopératif revêt une panoplie de formes
coopératives. Il y a d'abord les anciens mouvements coopératifs,
principalement agro-alimentaires et financiers. Ces derniers se sont
transformés avec l'avènement de l'économie de
marché en grands groupes coopératifs contrôlant des
filiales d'actionnariat et dont la propriété peut être
partagée entre des acteurs capitalistes (Malo et al., 2006). D'autre
part, avec l'émergence de la nouvelle économie sociale et
solidaire en réponse au mouvement de l'altermondialiste, nous
retrouvons, en particulier via la responsabilité équitable, une
autre forme de coopérative aux côtés des organismes
à but non lucratif (Malo et al., 2006). En définitive, dans le
contexte de l'économie de marché, la coopérative
détient un rôle d'agent de transformation et d'adaptation car elle
permet à l'entrepreneur et aux catégories sociales
défavorisées ou perturbées par le marché
capitaliste (artisans, paysans, agriculteurs etc.) d'accéder à un
certain pouvoir et de s'autonomiser. Elle permet également aux membres
coopératifs de réorganiser leurs activités pour pouvoir
s'adapter au marché et s'y intégrer (Vienney, 1980 (a)). En
d'autres termes, la coopérative englobe un ensemble de liens de par ses
responsabilités stratégique, fiduciaire et juridique et/ou
éthique. Dans cette optique de gouvernance des coopératives, nous
allons explorer les contextes de la finance de marché et la crise
financière 2007-2008 dans lesquels ont évolué les deux
banques coopératives choisies.
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