Chapitre 1 : Revue de littérature
Les perspectives d'analyse de la gestion de crises et
l'éthique coopérative d'une part, le modèle d'affaire des
banques coopératives d'autre part, seront traitées après
avoir introduit la gouvernance corporative et le contexte financier
international dans lesquels évoluent les banques coopératives. En
effet, le marché financier actuel est caractérisé par
l'« effet de levier supérieur du capitalisme financier
», mécanisme principal qui est à la base du
système financier international. Il s'agit d'une forme de capitalisme de
marché dont les capitaux et les flux de liquidités sont hautement
concentrés au niveau de l'industrie financière depuis la fin des
années 1980 (Nielson, 2010). Ensuite, nous exposerons une revue
littéraire traitant des mécanismes qui ont conduit à la
crise financière internationale de 2007-2008 et comment les banques
coopératives ont en été affectés. En second lieu,
nous verrons la gestion de crises, l'éthique coopérative et le
modèle organisationnel des banques coopératives. Notamment,
l'objectif principal de la revue de littérature est de mettre en
lumière :
? le fonctionnement du marché financier international;
? les mécanismes de la crise financière et ses
effets sur les banques coopératives;
? le modèle organisationnel des banques
coopératives;
? les stratégies de la gestion de crises et
l'éthique coopérative;
Le management et la finance sont des disciplines appartenant
à une autre discipline académique bien plus large : la
gouvernance corporative (Verstegen et al., 2010). La gouvernance corporative
comprend les rôles, responsabilités et balance de pouvoirs entre
les cadres supérieures, directeurs et les actionnaires (Verstegen et
al., 2010). Les trois dimensions, loi, management et finance sont essentielles
à la compréhension et la maîtrise de la gouvernance
corporative et sont inter-reliées.
1.1 La gouvernance corporative
À cette section, nous allons d'abord introduire la
gouvernance corporative sur laquelle est fondée toute organisation
privée ou publique. Ensuite, nous présenterons la gouvernance
coopérative et ses spécificités sur laquelle sont
bâties les coopératives en général et les banques
coopératives.
1.1.1 La gouvernance corporative
11
prenantes de la firme » (Semmae, 2011, p.1). La
gouvernance d'entreprise ou corporative est définie, selon l'OCDE, comme
étant :
« [des] relations entre la direction d'une
entreprise, son conseil d'administration, ses actionnaires et parties
prenantes. Il détermine également la structure par laquelle sont
définis les objectifs d'une entreprise, ainsi que les moyens de les
atteindre et d'assurer une surveillance des résultats obtenus. Un
gouvernement d'entreprise de qualité doit inciter le conseil
d'administration et la direction à poursuivre des objectifs conformes
aux intérêts de la société et de ses actionnaires et
faciliter une surveillance effective des résultats obtenus »
(Semmae, 2011, p. 1-2).
Par ailleurs, la gouvernance corporative peut être
également définie selon une vision autre que celle actionnariale
de la gouvernance telle que définie précédemment. En
effet, selon une vision partenariale de la gouvernance, celle-ci peut
être abordée comme étant une structure des droits et des
responsabilités entre les parties prenantes d'une firme (Semmae,
2011)5. La gouvernance corporative est ainsi composée de
trois formes de responsabilités : stratégique, fiduciaire et
juridique.
La responsabilité stratégique
est établie par l'agencement stratégique des rapports
entre la direction, conseil d'administration, actionnaires et parties prenantes
en vue de minimiser les conflits et maximiser la création de richesse.
D'où la théorie d'agence qui représente un socle
fondamental à la gouvernance corporative, du point de vue de la
responsabilité stratégique, puisqu'elle permet d'illustrer la
relation entre dirigeants et actionnaires afin d'expliquer des conflits
susceptibles d'influencer la performance de l'organisation, appelés
coûts d'agence (Semmae, 2011). La responsabilité
fiduciaire est déterminée par la manière dont la
sphère publique perçoit la valeur et la validité
économique de l'organisation fondées sur la confiance. Ainsi, une
compagnie ou entreprise se doit de maintenir sa responsabilité
fiduciaire vis-à-vis des différentes parties prenantes, de sorte
que ces dernières aient confiance en ses capacités à
remplir ses engagements et obligations économiques (Hansell, 2003; Monks
and Minow, 2003). La responsabilité juridique fait
référence aux droits régissant les responsabilités
entre les parties prenantes de la firme et les règlements issus des
autorités ou institutions publiques que la firme doit appliquer. Cette
responsabilité de la gouvernance corporative inclut également la
notion de déontologie ainsi que l'éthique corporative.
12
La gouvernance corporative du secteur bancaire est
particulière car les banques sont soumises à une gouvernance dont
les contraintes des mécanismes internes et externes sont plus
accentuées. Ceci est lié à l'orientation de leurs
activités caractérisées par les risques inhérents
à leurs opérations financières (Semmae, 2011). En effet,
les banques instaurent des mécanismes internes et externes dont
l'objectif principal est de contrôler l'activité du dirigeant afin
de mieux orienter « stratégiquement » son comportement dans le
but de générer du profit. Les mécanismes internes sont
relatifs à des dispositifs imposés par des réglementations
d'ordre interne (contrôle interne, audit externe, chartes et statuts,
etc.). Les mécanismes externes sont des règlements à
caractère « juridique » le plus souvent issus d'entités
et/ou autorités publiques nationales et internationales (Accords de
Bâle (I; II; III)6, normes IAS/IFRS7, règles
de transparence d'information financière, lois bancaires,
autorités des marchés financiers, etc.) (Semmae, 2011).
Cependant, à la différence des banques commerciales, les banques
coopératives sont sujettes à une gouvernance corporative plus
démocratique au niveau des dirigeants et des sociétaires tel que
nous le verrons ultérieurement à la revue de littérature.
De ce fait, ce type de gouvernance est plus axé sur les
responsabilités fiduciaires et juridiques et/ou éthiques.
Le rôle éthique de la gouvernance consiste
à encourager les aspirations profondes d'une communauté qui vise
le « mieux vivre » et ce, en prenant en considération
l'ensemble de valeurs telles que l'intégrité, le respect, la
liberté, la prudence, l'équité, la solidarité etc.
(Pauchant, 2008). L'éthique, émanant de la philosophie morale et
la politique, demeure l'aspect de la gouvernance le moins
développé comparé aux aspects fiduciaire,
stratégique et juridique (Chait et al., 2004; Gold and Dienhart, 2007).
En effet, dans le domaine scientifique de l'éthique, de nombreux auteurs
ont une vue pluraliste de l'éthique (Airhart et al., 2002; Bevan and
Hartman, 2008; Boisvert, 2007; Fontaine et Pauchant, 2008; Gibbs, 2003; Gold
and Dienhart, 2007; Hinman, 1998; Philipps, 2008; Samuelson, 2006; Taylor,
1989). Dans un contexte de gouvernance, ces traditions morales influencent les
perceptions et les décisions. Cependant, cette influence demeure
cachée car ces morales sont fondées sur l'identité
existentielle et la culture profondément ancrée chez les
individus (Taylor, 1989). Ces différences entre les traditions morales
deviennent particulièrement cruciales et marquées dans un
contexte international, multiculturel et global. Cela suggère que les
individus appartenant à différentes cultures auraient des
principes moraux influencés par leur culture, mais ce domaine
nécessite davantage de recherche académique (Robertson and
Crittenden, 2003; Pauchant et al., 2007).
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