1.5.1 Racines historiques
Les banques coopératives sont apparues en Europe au
XIXème siècle, époque à laquelle le système
bancaire ne se préoccupait que de la haute finance : financement de
l'État ou des grands travaux etc. (CRESS, 2015). Tout ce qui se
rapportait aux besoins en crédit des paysans, ouvriers ou artisans
était dès lors assuré par les usuriers. En 1849, Proudhon
fonde la première « banque du peuple » mais cela n'a pas
fonctionné longtemps. C'est en Allemagne où deux grands
modèles de crédit mutuel ont été mis en place sous
la supervision de Raiffeisen19 et Shulze-Delitzsch20
(CRESS, 2015). Le modèle de Raiffeisen s'appuie
précisément sur la responsabilité illimitée des
sociétaires, le bénévolat des administrateurs et une
circonscription géographique
34
restreinte. Le modèle de Schulze-Delitzsch est
caractérisé quant à lui par un rayonnement plus
étendu, et la possibilité de verser des dividendes aux
sociétaires. Ces deux modèles ont entraîné la
fondation de deux principales institutions bancaires coopératives en
France : les Crédits Mutuels et les Banques Populaires (CRESS, 2015).
Puis, de l'Allemagne, le concept du coopératif bancaire s'est
graduellement étendu au reste du continent européen et les pays
Nordiques. En Grande-Bretagne, les banques coopératives ont des racines
historiques différentes : les credit unions ou unions de
crédit sont apparues seulement durant la moitié du XXe
siècle et ont été basées sur le modèle des
unions de crédit américaines, qui elles-mêmes
étaient inspirées par les adaptations canadiennes du concept de
la coopérative bancaire allemande (Hansmann, 1996).
1.5.2 Caractéristiques et avantages
De ces principes et caractéristiques coopératifs
mentionnés précédemment, les banques coopératives
ont un modèle de gouvernance particulier qui lui confère
plusieurs avantages comparatifs qui ont assuré le succès des
banques coopératives, mais qui ont été
érodés avec le temps, tout en engendrant de nouveaux avantages
(IMF, 2007). Ces avantages sont exposés ci-dessous.
Les banques coopératives ont un avantage
comparatif informationnel mais peuvent le perdre à long terme à
mesure que la coopérative s'accroit en taille. C'est
l'engagement et l'implication des membres, la relation étroite avec eux
et le degré de l'exposition financière des membres qui
confèrent aux banques coopératives leur avantage comparatif en
termes d'informations et d'exécution. Cependant, ces facteurs avantageux
ont tendance à disparaître à mesure que les
coopératives gagnent en économies d'échelle et que la
distance avec les membres s'accroit (IMF, 2007). Les banques
coopératives ont un coût plus faible du capital car elles
ont seulement besoin de rémunérer la part de leur
propriété qui est représentée par les parts des
membres. Elles ne rémunèrent pas non plus les parts des membres
de manière généreuse et n'ont pas besoin de le faire car
dans la plupart des cas, les membres n'acquièrent pas des parts dans le
but d'investir. Ce coût faible du capital devrait en théorie
permettre aux coopératives de vendre leurs produits en dessous des prix
du marché ou en d'autres termes, d'incorporer leurs profits dans leurs
produits. Cependant, en raison de l'augmentation des pressions sur les
coopératives afin qu'elles accroissent leur niveau de
profitabilité sur le marché, cet avantage a perdu de sa valeur
(IMF, 2007).
Les banques coopératives ont solidement
établi un positionnement sur le marché de détail et la
loyauté des consommateurs, mais dépendent davantage de ces
derniers que les autres banques. En général, les banques
coopératives ont des positions solides sur le marché bancaire de
détail, en particulier dans leur marché ou segment cible. De
plus, les membres-clients sont supposément plus loyaux que les clients
des banques commerciales puisque la relation que ces premiers ont avec leur
coopérative va au-delà de la relation de
35
consommation du client avec sa banque commerciale. Cependant,
étant donné que le marché bancaire de détail
devient plus compétitif, cette loyauté des membres n'implique pas
forcément que ces derniers vont nécessairement avoir des services
bancaires qu'avec leur coopérative. Par ailleurs, la nature
démocratique des banques coopératives et leur focus historique
sur des marchés spécifiques et restreint géographiquement
peut réduire leur capacité à atteindre d'autres segments
de marchés. Ce qui n'est pas le cas des banques commerciales qui n'ont
pas ces restrictions et qui détiennent plus de flexibilité et de
liberté afin de sélectionner des cibles de consommateurs avec une
plus value élevée (IMF, 2007).
Les branches de réseaux donnent aux banques
coopératives un avantage comparatif important sur le marché de
détail, mais qui tend à décliner. Les banques
coopératives ont établi leur positionnement solide sur le
marché de détail en partie grâce à leur large
réseau coopératif. Cependant, dans un monde où la
présence physique devient de moins en moins nécessaire, les
branches de réseaux ne procurent plus le même avantage comparatif
qu'auparavant. Ce point a été relevé avant la diffusion
des technologies de l'information et communication (IMF, 2007). Une des
forces de nombreuses coopératives est leur capacité à
mobiliser et accumuler les dépôts. Ceci leur
confère des niveaux confortables de liquidité, des ratios de
dépôt et crédit élevées et d'être des
prêteurs solvables sur les marchés interbancaires.
Ceci leur permet également de bénéficier d'une
plus grande stabilité financière (Contamin et Roche, 2005; IMF,
2007).
Les banques coopératives ont un
désavantage comparatif à accéder aux marchés
financiers. C'est le cas des petites coopératives qui manquent
d'expertise et de levier financier car leur capacité de prêt est
plus adaptée au marché de détail et n'est pas toujours
appropriée pour les produits financiers, la syndication21 ou
le refinancement. Cependant, ce désavantage comparatif tend à se
réduire en raison de la disparition des restrictions légales sur
les coopératives dans la conduite d'activités financières
de marché. Les réseaux de banques coopératives ou des
groupes coopératifs se sont intégrés sur les
marchés financiers via leurs filiales spécialisées ou
entités cotées. Cependant, cette tendance hybride peut être
une épée à double tranchant pour les coopératives
car l'accès aux marchés financiers accroit, certes, les
possibilités de refinancer leurs portefeuilles de crédit, mais
cela réduit également l'avantage comparatif qui provient de leurs
activités de détail (IMF, 2007). Les banques
coopératives ont un avantage comparatif fondamental via leur
capacité à surmonter des problèmes liés au
comportement opportuniste des autres banques (commerciales et
d'affaires). Les produits financiers sont devenus très
complexes, ce qui confère aux institutions financières une
ressource considérable d'avantages sur leurs clients. Ceci a aboutit
à de nouvelles formes d'asymétries de l'information et un pouvoir
post-marché détenu par les institutions financières.
Étant donné que les lois de protection des consommateurs ne sont
pas toujours suffisantes pour protéger les clients, le degré de
confiance envers ces institutions est devenu un critère essentiel dans
le choix des consommateurs de leur banque. Les banques coopératives se
sont positionnées comme des
36
institutions financières appartenant à leurs
membres et qui énoncent publiquement qu'elles ne recherchent pas
seulement la maximisation des profits. Ceci confère aux banques
coopératives l'avantage de la confiance. Ces dernières en sont
bien conscientes puisqu'elles positionnent leur marketing sur le fait qu'elles
sont « différentes » des autres banques commerciales. En
conséquence, les consommateurs pourraient être enclins à
payer plus cher pour des produits financiers offerts par une banque
coopérative car les coûts de risque et de surveillance sont
supposés être plus faibles. D'où, les banques
coopératives ont un avantage comparatif à établir la
confiance. Cependant, lorsque les coopératives financières
deviennent plus grandes et poursuivent la croissance et la diversification,
elles ont tendance à perdre leur avantage de confiance car elles
commencent à se « comporter » comme des institutions
financières commerciales (Kay, 2006; IMF, 2007).
|