Les attributions sociales du capitaine de navire( Télécharger le fichier original )par darly Russel KOUAMO Université de Nantes - Master droit et sécurité des activités maritimes et océaniques 2014 |
CHAPITRE I LES MECANISMES DE CONTROLE DE L'EXERCICE DESATTRIBUTIONS SOCIALES DU CAPITAINE. Le travail à bord des navires met en présence des acteurs hétérogènes. Non seulement, le personnel a une formation assez disparate, mais il est aussi souvent composé de diverses nationalités. C'est au capitaine de gérer tous ces paramètres. Il s'avère souvent que cette situation crée des distorsions dans le traitement social des marins. C'est en ce sens que les procédures de contrôles sont érigées. L'on examinera successivement le contenu du contrôle (section 1) et les institutions de contrôle (section 2). Section 1- Le contenu du contrôle.Le contrôle de l'exercice des attributions sociales à bord des navires vise à faire disparaître les distorsions observées dans le traitement social des marins. L'on recherche une meilleure application des normes internationales par les gouvernements et les armateurs afin d'éviter le fardeau inégal en cas de conditions de travail décentes. Le principe fondamental d'une concurrence loyale nécessite des règles égales pour tous110. Le transport maritime s'effectue dans un cadre hautement mondialisé. Il ne faudrait pas que certains opérateurs, puissent avoir des navires dont le personnel ne soit pas socialement bien traité. Une telle situation créerait une concurrence déloyale au détriment de ceux qui respectent les normes. Car l'on ne doit pas oublier que respecter ces normes a un coût. Pour ce faire, un contrôle documentaire (paragraphe 1) et un contrôle pratique ont été érigés (paragraphe 2). §1 Le contrôle documentaire. Le contrôle documentaire vise à s'assurer de la conformité des documents sociaux tenus par le capitaine. Conformité au regard des règlements en vigueur. Partant des vérifications sur les qualifications de l'équipage (A), l'on aboutira à l'organisation du travail (B). A- Le contrôle des qualifications de l'équipage. Il est à rappeler que c'est l'armateur qu'il revient de prendre la décision d'effectif que l'administration maritime va valider. Il s'agit là d'un contrôle à priori. Mais il pourrait y avoir un contrôle à posteriori, notamment quand le capitaine prend les commandes. Le contrôle des qualifications est l'opération qui consiste à vérifier que le personnel embarqué est professionnellement apte à exercer les postes pourvus à bord et ce dans les proportions recommandées. D'après l'article L5522-2 du code des transports, il est fait obligation à tout 110 Patrick Chaumette, « la convention du travail maritime OIT 2006 », journées d'études marseillaises de 2006 de l'observatoire des droits des marins. p.70. 52 navire de s'armer avec un effectif de marins suffisant en nombre et en niveau de qualification professionnelle pour garantir la sécurité et la sûreté du navire et des personnes à bord ainsi que le respect des obligations de veille, de durée du travail et de repos. De nos jours, on parle d'effectif minimal à observer111. Cette exigence date de la convention n°180 de l'OIT de 1958. Par la suite l'on a eu la convention 185 de l'OIT112 sur les papiers d'identité des gens de mer. Ainsi, les membres de l'équipage doivent être qualifiés. C'est ce qui sera le premier objet du contrôle. Il est à noter que, contrairement aux autres branches d'activités, le droit maritime oblige le capitaine du navire à embarquer uniquement les marins qualifiés. Au plan communautaire, la directive 2012/35/UE113 du parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012, permet aux Etats membres de contrôler les gens de mer servant à bord des navires utilisant les ports européens. Il s'agit de vérifier la conformité de leurs brevets, conformément aux standards internationaux. Le capitaine lui-même est astreint à une qualification. C'est d'ailleurs le premier marin dont le statut fut réglementé. Comme le prévoit la convention internationale STCW 95 le capitaine devra être titulaire du brevet de capitaine en adéquation avec le tonnage du navire qu'il commande. Par exemple en France, pour les navires de jauge inférieure à 200 UMS114, le capitaine devra être titulaire brevet de capitaine 200, pour ceux de jauge inférieure à 500 UMS, il devra posséder un brevet de capitaine 500. A noter qu'il existe aussi le brevet de capitaine (dit "illimité") permet de commander les navires de jauge supérieure à 3000 UMS, c'est-à-dire sans limite de taille. Les membres de l'équipage devront aussi être qualifiés conformément au poste qu'ils occupent. A titre illustratif, sur un navire marchand, on aura obligatoirement le service du pont, un service machine et un service hôtellerie restauration115. Chaque service devra être animé par des personnes qualifiées et régulièrement embarquées. En plus de ça, il faudrait une 111 V. Article L5522-2 du Code des transports, modifié par loi n°2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable- art. 23. 112Communément appelé C185, la Convention (n° 185) sur les pièces d'identité des gens de mer adoptée à Genève lors de 91ème session CIT le19 juin 2003. Cette Convention révise la convention sur les pièces d'identité des gens de mer, 1958. Elle est entrée en vigueur le 09 févr. 2005. 113 La Directive 2012/35/UE du parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 modifie la directive 2008/106/CE concernant le niveau minimal de formation des gens de mer, laquelle constituait une refonte de la directive 2001/25/CE, concernant le niveau minimal de formation des gens de mer. 114 UMS signifie Universal Measurement System c'est l'unité de mesure du tonnage utilisée pour les navires de longueur supérieure à 24 mètres effectuant des voyages internationaux. 115 Hubert ARDILLON, « La fonction de capitaine à bord d'un navire de grande dimension », DMF, n° 735 Avril 2012, p. 345. 53 54 équipe médicale qualifiée. Les exigences en matière de qualification existaient déjà dans l'antiquité. Les coutumes maritimes nous font état de ce que l'équipage comprenait deux bordées soit le double de l'effectif nécessaire strictement à la manoeuvre, mis à part certaines activités suivant le rythme du travail de jour : cuisiniers, charpentiers, voiliers, barbier ou chirurgien116. Quoi qu'il en soit, la preuve des qualifications des membres de l'équipage sera fonction du rang qu'ils occupent dans le navire. Les brevets seront examinés pour les cadres exerçant les fonctions de direction. Alors que, les titres de formation professionnelle maritime seront requis pour ceux qui exercent des fonctions d'appui à l'instar des matelots. En dehors des qualifications propres des membres de l'équipage, les autorités de contrôle doivent s'assurer que les membres de l'équipage ont été régulièrement mis à la disposition de l'armement. Il sera ainsi question de contrôler les contrats de mise à disposition de personnel. Comme nous l'avons précédemment évoqué, le capitaine était aussi appelé à vérifier cela, mais nous pensons que la dévolution de ce contrôle aux inspecteurs, rendra cela plus effectif. B- Le contrôle des documents de bord. Le capitaine devra communiquer des papiers et certificats aux autorités de contrôle, ce qui implique une obligation de coopération de sa part. Il sera procédé à un examen de conformité aux normes internationales. L'on aura l'inspection du rôle d'équipage. Délivré par l'administration des affaires maritimes, ce document constitue un titre de navigation obligatoire pour les navires qui pratiquent la navigation maritime et dont l'équipage est composé de marins professionnels. C'est grâce au rôle d'équipage que l'on pourrait contrôler l'application de la règlementation relative à l'exercice de la profession de marin, à la composition de l'équipage et au navire. Il permet également d'enregistrer les services des marins et de déterminer leurs droits sociaux117. Le rôle d'équipage à bord du navire se compose de divers documents retraçant les événements de bord survenus dans l'année tels que les listes d'équipages, les listes des marins débarqués, les décisions d'effectif, ou tout autre document prévu par la réglementation. Le contrôle social étant destiné à s'assurer de la conformité du navire aux règlements en vigueur, il est tout à fait logique que le capitaine du navire les tienne à jour pour les inspections. 116Patrick Chaumette, « L'organisation et la durée du travail à bord des navires », DMF 2003 633, lamyline.fr, consulté le 20/03/2014 à 14h24, p.1. 117 Jean Haddock, « précis de connaissances administratives maritimes », disponible sur le lien http://www.afcan.org/dossiers reglementation/precis connaissances.html, consulté le 26 mars 2014 à 00h50. En outre, il sera opéré le contrôle des contrats d'engagement maritimes annexés au rôle d'équipage. Il sera aussi fait un examen du registre des réclamations : ce registre est tenu par le capitaine et sert à enregistrer les réclamations des membres de l'équipage. L'on aura aussi un tableau qui précise l'organisation du travail à bord. Il doit être affiché à un endroit facilement accessible comme le prévoyait déjà la convention 147 de l'OIT. Les registres des heures quotidiennes de travail ou de repos doivent être tenus, émargés par le capitaine du navire. Dans ce registre, doit clairement ressortir, le détail des heures quotidiennes de travail ou de repos des marins. L'accomplissement de cette formalité fera l'objet de vérifications. Le capitaine tient ce tableau, à la disposition de l'inspecteur du travail en charge du suivi du navire ou le lui communique sur sa demande, par voie de courrier électronique ou autre moyen118. Le tableau de service est annexé au livre de bord (également appelé journal de bord) et affiché dans les locaux réservés à l'équipage. Le tableau indique pour chaque fonction ; le programme de service à la mer et au port ; le nombre maximal d'heures de travail ou le nombre minimal d'heures de repos prescrits par la réglementation ou la convention collective applicable. Les modifications apportées à ce tableau en cours de voyage sont mentionnées dans le livre de bord et affichées dans les locaux de l'équipage119. Une fois la conformité des documents faite, le contrôle des attributions sociales du capitaine sera porté sur la mise en oeuvre pratique à bord. §2-Le contrôle pratique. Avec le contrôle pratique, il ne sera plus question de se limiter aux documents présentés par le capitaine. L'on devra s'assurer de l'effectivité des prescriptions réglementaires. L'objectif étant de s'assurer que les conditions d'emploi, de travail et de vie à bord déclarées par l'armement dans la déclaration de conformité sont conformes à ce que l'inspecteur observe de manière apparente le jour de l'inspection. Cela passe par l'évaluation de l'organisation du travail d'une part(A) et l'évaluation du bien-être de l'équipage d'autre part (B). 118 Idem. 119 Ibidem. 55 A- L'évaluation de l'organisation du travail. L'évaluation de l'organisation du travail est d'une importance capitale. Elle a été érigée pour les raisons de sécurité, mais nous ne saurons l'occulter en raison de ce qu'elle a des incidences sur les fonctions sociales du capitaine. En effet, le contrôle doit permettre de voir si le capitaine du navire équilibre convenablement le temps du travail et le temps du repos des marins. De plus il sera aussi question de s'assurer que le temps de travail des jeunes marins est conforme à la réglementation. Le temps de travail des gens de mer est encadré par la convention OIT 180 de 1996, puis par la convention MLC. Le nombre maximal d'heures de travail est de 14 heures par périodes de 24 heures, 72 heures par période de sept jours ; le nombre minimal d'heures de repos ne doit pas être inférieur à 10 heures par période de 24 heures, 77 heures par période de sept jours. La Norme A2.3 de la MLC n'ignore ni la journée de 8 heures, ni le repos hebdomadaire, ni les jours fériés. Tous ces aspects feront l'objet d'un contrôle. Il est impératif que le capitaine puisse rigoureusement appliquer ces exigences, dans le cas contraire, des observations en sa défaveur peuvent être portées lors des inspections. La récurrence de telles observations sont susceptibles décroitre la cote du navire. Ce qui devrait sans doute déplaire à l'armement qui pourrait sanctionner le capitaine. Comme le prévoit la norme A5.2.1, ce contrôle ne pourra intervenir que lorsque l'inspecteur trouve des indices de mauvaises conditions de vie des marins, c'est-à-dire s'il est jugé ou allégué qu'elles ne sont pas conformes et pourraient constituer un réel danger pour la sécurité, la santé ou la sûreté des gens de mer, ou lorsque l'inspecteur a des raisons de croire que tout manquement constitue une infraction grave aux prescriptions de la convention, y compris les droits des gens de mer. Il sera alors organisé une visite approfondie. L'on est sans ignorer que cette visite implique une immobilisation du navire, ce qui entraine des manques à gagner. Par conséquent, les capitaines devraient s'atteler à ce qu'il y ait le moins de visites sur leurs navires. Depuis le moyen âge, il a été instauré une organisation du travail en équipes successives, les bâbordais et les tribordais. Plus tard, l'on vit apparaître des accords collectifs qui fixèrent certaines limites, comme le contrat de Marseille du 21 août 1900. La loi du 17 avril 1907 imposa une durée maximale journalière de travail de douze heures en mer, et au port de dix heures pour le personnel du pont, de huit heures pour le personnel de la machine. La durée quotidienne de travail des agents du service général n'était pas envisagée. Elle n'apportait 56 aucun bouleversement à l'organisation des quarts des bordées, chaque bordée assurant alternativement son quart de six heures, soit une durée journalière de douze heures de travail120. Peu à peu, ce système de bordée va disparaître ou du moins se moderniser. Suite à l'imbrication avec le droit terrestre l'on verra apparaitre les limitations d'heures de travail.121 En droit français il est fixé des limites de durée du travail. Ayant abandonné l'organisation par bordée, l'article 13 du décret n°2005-305 du 31 mars 2005 relatif à la durée du travail des gens de mer dispose que le travail peut être organisé sous forme de cycles alternant périodes d'embarquement et périodes à terre. Il est fait à un renvoi aux dispositions des articles L312110 et L3121-34 du Code du travail qui prévoient la possibilité de fixation de la durée du travail par conventions et accords collectifs. En plus de l'examen du temps de travail, il y'aura aussi une évaluation du bien être des marins. B- L'évaluation du bien-être de l'équipage. L'isolement du navire, les dangers de la navigation, la vie à bord mêlant travail et repos dans une grande promiscuité, les risques d'épidémie ont conduit à mettre l'accent sur l'organisation du travail à bord et le contrôle des effectifs. On n'ignore pas que la durée du travail et les conditions des travailleurs déterminent et garantissent la sécurité du navire. Il s'avère donc aussi nécessaire qu'un contrôle soit envisagé sur le bien être des marins. C'est le bien être qui détermine un rendement optimal dans le travail. L'environnement du travail, la santé, l'alimentation constituent des axes prioritaires. Il va donc être question d'apprécier le cadre de vie des marins. Comme le prévoit l'article L5545-9 du code des transports : « les lieux de travail et de vie à bord des navires sont aménagés et entretenus de manière à ce que leur utilisation garantisse la santé physique et mentale ainsi que la sécurité des gens de mer. Ils sont tenus dans un état constant de propreté et présentent les conditions d'hygiène et de salubrité qui assurent la santé des intéressés ». Si l'adéquation aux normes de construction relève exclusivement de l'armement, l'entretien en revanche sera sous la responsabilité du capitaine du navire, étant entendu que l'armateur n'est pas embarqué. Même si de toute évidence, le capitaine ne va pas 120 Patrick Chaumette, « L'organisation et la durée du travail à bord des navires », DMF 2003 633, lamyline.fr, consulté le 20/03/2014 à 14h24, p.1. 121 idem, p.2. 57 personnellement s'ériger en agent d'entretien, il devra obligatoirement veiller au bon entretien des lieux. C'est dans cette optique qu'il lui est permis d'accéder par exemple aux lieux qui servent d'habitation. Le bien-être apparaît, juridiquement, soit comme le vecteur d'une amélioration du contexte général d'activité du travailleur, soit comme le vecteur d'obligations effectives et sanctionnées en matière de santé au travail, d'hygiène et sécurité122. La Convention du travail maritime consolidée sur ce point, fait état non seulement des exigences d'hygiène et sécurité, mais aussi du confort au travail ou durant les temps de repos. Le droit communautaire se préoccupe ainsi de la protection de la santé et de la sécurité au travail, notamment depuis l'Acte unique européen de 1986, qui a permis, sur le fondement de l'article 118A, l'adoption de directive à la majorité qualifiée. La Directive cadre 89/391 du 12 juin 1989 définit l'obligation générale de prévention pesant sur l'employeur. En matière maritime, l'isolement est apparu comme la principale difficulté en matière de sécurité et de secours, en cas d'accident ou de blessures. La Directive du Conseil 92/29 du 31 mars 1992 concerne les prescriptions minimales de santé pour promouvoir une meilleure assistance médicale à bord des navires123. Lorsque la situation à bord présente clairement un danger pour la sécurité ou la santé, l'autorité compétente de l'État membre du port peut décréter une interdiction de quitter le port. Un rapport est communiqué au gouvernement de l'État du pavillon. Après avoir cerné le contenu du contrôle des attributions sociales exercées par le capitaine, nous allons nous intéresser aux institutions en charge de ce contrôle. |
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