VI.2.2. La pédagogie des proverbes et l'approche
mixte
Si auparavant, l'apprentissage par les proverbes se faisait
à travers les écoles sans murs, c'est-à-dire dans la
nature par le biais des différents regroupements villageois, des actions
sociales et de l'entraide familiale, la question se pose maintenant quant
à sa continuité. Le mariage traditionnel-ôrimbato
commence à ne plus pratiquer. Et, s'il y en a encore, on a tendance
à négocier pour faciliter la procédure ou le
rasavölaña. Nous avons écrit plus haut que seuls
les tsaboraha et les veillées mortuaires constituent
actuellement un motif de regroupement villageois. Mais, là encore, son
aspect éducatif commence à disparaître. Compte tenu de
l'insécurité qui règne presque sur la totalité du
territoire national, un grand nombre de personnes hésite à
quitter leur foyer pour rester toute la nuit chez la famille du
défunt.
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En plus, puisque la plupart des enfants fréquentent
aujourd'hui un autre type d'école, l'école de type occidental,
ils devraient se réveiller tôt pour aller à l'école.
Donc, leur participation à une veillée mortuaire est
généralement déconseillée.
Nous comprenons maintenant que les principes éducatifs
véhiculés à travers les öhabölaña
pourraient se situer actuellement en phase de disparition si nous ne
trouvons pas de solutions afin de fusionner la « pédagogie des
proverbes » et celle des autres pédagogies modernes. Et, c'est ce
que nous allons proposer maintenant.
Nous considérons qu'un objectif éducatif est de
faire intervenir les proverbes dans le processus d'apprentissage en classe.
Notre analyse montre que cette approche-mixte est compatible avec certaines
matières enseignées comme le Malagasy, le Civisme et
l'Histoire, notamment lorsqu'on veut mettre en évidence la relation de
cause à effet. Si dans les deux premières disciplines, cette
approche n'est pas vraiment nouvelle, sa mise en application dans
l'enseignement de l'histoire, quant à elle, est un
phénomène assez-nouveau et ne se voit pas souvent.
Voici quelques exemples qui reflètent ce que nous
venons de proposer. En étudiant les origines de l'insurrection de
194769 à Madagascar, par exemple, on apprend aux
élèves du collège que la promesse non tenue du
Général De Gaule lors de la Conférence de Brazzaville en
1944 constitue un des principaux facteurs cette insurrection. En effet, selon
les Betsimisaraka, voire les Malagasy en général : « Aza
mañano ririñin-dasaña tsy tsaroaña » (ne
fait pas oublier l'hiver de l'année dernière). Une allusion est
faite à quelqu'un qui a traversé un moment difficile dans le
passé et qui fait semblant de l'oublier une fois le problème
résolu. Pendant la guerre, lorsque la France et les alliés
étaient en difficultés, De Gaule a promis qu'il accordera
l'indépendance aux colonies françaises qui participeraient
à la guerre contre les Allemands. C'est une promesse qui n'a pas
été tenue à la fin de la guerre. On pourra
69 L'insurrection de 1947 est un des remarquables mouvements
de lutte contre l'ordre colonial à Madagascar.
également avancer d'autres raisons comme la
création du parti MDRM70 qui a été
considéré comme l'initiateur du mouvement. « Ny
hitsikitsika tsy mandihy foaña fö ao raha » (une
crécerelle ne danse pas pour rien, si elle danse, c'est parce qu'elle a
ses raisons). Toute initiative de créer une organisation quelconque doit
être motivée par un objectif. Si les Malagasy ont
décidé de créer un parti politique, c'est pour faire de la
politique, donc de prendre le pouvoir.
Les exemples sont multiples et nous pouvons dire que cette
approche mixte est valable dans tous les domaines de l'enseignement de
l'histoire. C'est aussi le cas dans la création de la
confédération betsimisaraka. En épousant la princesse du
clan Tatsimo, Ratsimilaho, chef de clan Tavaratra a pu
combattre facilement le clan des Tsikoa, au centre. « Izay
mitambatra vato, izay misaraka fasika » (ceux qui s'unissent forme
une pierre, ceux qui se séparent deviennent sable) ou encore «
Ny firaisankiña no hery » (l'union fait la force). Les
Tsikoa se trouvent seuls face aux Tavaratra et aux Tatsimo
qui ont déjà uni leur force.
L'intérêt de cette approche est double. D'abord,
elle permet aux élèves, donc à la jeunesse de toujours se
familiariser avec les proverbes ainsi qu'avec les messages qu'ils tentent de
transmettre. Ensuite, elle offre de nouvelles pistes éducatives quant
à l'objectif de l'enseignement de l'histoire. En apprenant l'histoire,
les jeunes sont également en mesure de choisir une attitude face
à une situation similaire.
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70 MDRM : Mouvement Démocratique pour la Rénovation
de Madagascar.
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