IV.2.Les proverbes au quotidien en pays betsimisaraka
Les proverbes donnent également tonalité et
couleur à la vie communautaire. Non seulement ils consolident le
sentiment d'appartenance à une même culture, à un
même terroir, mais ils servent également de repères dans le
parcours de vie de tout un chacun (car ici il faut apprendre à tout
âge). Les proverbes dans leur étonnante variété
s'adressent à toutes les classes d'âge, à toutes les
classes sociales : tout le monde peut se ressourcer intellectuellement dans les
proverbes pour mieux rebondir dans la vie.
IV.2.1. Pour une pédagogie de l'image
Il est question maintenant de montrer la place des images dans
les proverbes betsimisaraka. Nous avons affaire ici à la «
pédagogie du regard » (apprendre à regarder le monde).
Certains proverbes nécessitent une réflexion à partir
d'images. Le résultat de cette réflexion ou de cette
étude, qui peut être également une simple observation de la
vie quotidienne, devient une norme, un exemple ou un modèle de vie
à appliquer ou à éviter.
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Voici quelques proverbes reliés pédagogie de
l'image, tirés de l'article de FANONY Fulgence :
- « Kakazo mandriandry, tsy latsaham-baratra
» (la foudre ne tombe pas sur un arbre couché). Il s'agit
d'une allusion faite à une personne pacifique qui ne veut faire
éclater la guerre avec qui que ce soit. En restant pacifique,
tranquille, calme et silencieux, on ne risquera pas de rendre les autres
furieux. Ainsi, on est à l'abri de tout conflit social.
- « Vato fisaka an-tany tsy mivaringariñy,
ôlo-mariñy mantom-pô » (pierre plate enfouie garde
son équilibre, le juste a le coeur serein). Allusion à la paix de
la conscience. Il s'agit aussi d'un proverbe qui parle d'une personne de
confiance, qui respecte sa parole et son engagement. Si on dit qu'un individu
est comme un « vato fisaka an-tany », c'est parce qu'on
pourra lui faire confiance.
IV.2.2. Sur les voies des savoirs d'expérience et de
la sagesse
Dans cette analyse, nous sommes convaincu que les savoirs
d'expérience et la sagesse se rejoignent dans la vision du monde de la
communauté villageoise de Rantolava. Ces savoirs
d'expérience s'acquièrent tout au long de la vie et à
chaque occasion de notre quotidien. Les proverbes sont comme une sorte de
« livre ouvert » qui veut se mettre à la portée de
l'ensemble de la communauté villageoise (dont Rantolava), tout
âge confondu et toute classe sociale confondues. Les proverbes ne sont
pas là uniquement dans la dimension d'une joute oratoire, mais ils sont
également dans leur dimension pédagogique et de recherche.
Les pratiques proverbiales sont presque les mêmes dans
l'ensemble du territoire betsimisaraka, Rantolava que dans d'autres
villages. Et, il est étonnant de constater que l'expérience de la
population se rejoint sur une même finalité pédagogique.
Nous relevons la présence d'une sorte de standardisation de normes
à
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inculquer aux enfants ainsi qu'à l'ensemble des membres
de la société. Par le biais des proverbes, on peut arriver
à certaines conclusions sur les pratiques quotidiennes. En plus,
à travers des proverbes, nous pouvons faire de recherches aussi bien
dans le domaine éducatif, social ou encore organisationnel, etc.
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TROISIEME PARTIE : DISCUSSIONS ET
PERSPECTIVES
« Il est vain de vouloir élever l'enfant pour
lui-même, comme s'il pouvait échapper aux
nécessités sociales qui l'enserreront de toutes parts ; il n'est
pas possible de fermer les yeux à tout ce que la
société humaine dans son ensemble, et
chaque collectivité nationale en particulier, ont
élaboré de biens précieux,
matériels, intellectuels, artistiques, moraux ».
Leif, Rustin (1970). Philosophie de l'éducation,
p.132
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CHAPITRE V - LA PLACE DES TRADITIONS ORALES ET DES
VALEURS MALAGASY DANS LE PROGRAMME SCOLAIRE
Même si on observe qu'au village de Rantolava, voire
dans l'ensemble des villages betsimisaraka, les proverbes tiennent
encore une place non négligeable, nous ne pouvons cependant de ne
signaler au passage la dégradation de cette tradition orale.
L'utilisation de ces proverbes émane généralement des
aînés issus des générations
précédentes. La plupart des jeunes commencent à ne pas se
préoccuper, non seulement des proverbes, mais aussi de l'ensemble des
traditions orales.
Cette situation nous amène à analyser la raison
de cette dévalorisation de la culture traditionnelle
betsimisaraka. La première idée qui nous arrive à
l'esprit c'est de prendre connaissance des programmes scolaires et de
vérifier si la valorisation et l'étude des traditions ainsi que
les valeurs traditionnelles malagasy figurent ou non parmi les
préoccupations du système éducatif formel.
La société étudiée qu'est la
société betsimisaraka ne dispose pas encore d'un
établissement d'enseignement supérieur, autre que les instituts
de formation professionnelle. Et, le village de Rantolava, notre site
d'exemple, ne dispose que d'établissements pour l'enseignement primaire.
C'est la raison pour laquelle nous avons limité notre analyse
documentaire par aux programmes de l'enseignement secondaire (lycée et
collège) et de base (primaire).
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