IV.1. Une pédagogie de deux ordres
L'approche pédagogique de l'école sans murs au
village betsimisaraka se distingue à celle de l'école de type
occidental. Les proverbes présentent deux catégories d'approches
: les proverbes à pédagogie directe et les proverbes à
pédagogie indirecte.
IV.1.1.Les proverbes a « pédagogie directe
»
Les proverbes sous formes d'interdiction à forte valeur
métaphorique se présentent comme un « impératif
catégorique ». Ici, le sujet est pris de force, sans lui laisser la
moindre alternative dans le comportement à prendre. Il est pris en
laisse, sans la possibilité de bifurquer par ici ou par là. Les
proverbes s'énoncent comme un ordre à suivre
impérativement (d'où le terme d'« impératif
catégorique »). Quelques exemples de proverbes de cette
catégorie : « Aza mañano karaha fary » (ne sois pas
comme la canne à sucre); « Aza mañano
fôdilahy mena » (ne sois pas comme le moineau rouge). Ces
proverbes commencent toujours par une formule de mise en garde « Aza
» (ne ... pas) et couvrent tous les domaines de la vie. Mais à
regarder de près, derrière cet « impératif
catégorique », il y a tout de même une explication pour
essayer de convaincre le sujet à suivre à la lettre la
recommandation. Autrement dit, on demande au sujet de tirer lui-même la
conclusion qui s'impose. La démarche pédagogique consiste ici
à inciter progressivement le sujet à trouver la conclusion
à partir d'une prémisse. En reprenant les deux exemples de
proverbe cités plus haut, on peut remarquer que le sujet à qui on
dit ces proverbes doit arriver à une conclusion qui va effectivement le
convaincre de suivre scrupuleusement la recommandation qu'on lui fait.
Formulés dans leur intégralité, ces trois proverbes
à « pédagogie directe » se présentent
respectivement ainsi : « Aza mañano fary : lohany
indraiky
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matsatso » (ne sois pas comme la canne à
sucre : la tête est la moins sucrée) ; « Aza
mañano fôdilahy mena : mandrara hömaña » (ne
sois pas comme le moineau rouge : interdit, mais consomme quand
même). Il serait intéressant d'observer et de
décrire comment les aînés opèrent pour enseigner et
faire passer leur message proverbial à leurs cadets.
Grace à l'exemple de ces deux proverbes, nous pouvons
déduire que, pour la population betsimisaraka,
l'éducation commence par un témoignage de vie. L'éducateur
n'est pas uniquement celui qui dicte ce qu'il faut faire, mais par ses actions,
il se montre comme modèle à suivre par son cadet. En termes
d'approches, ces proverbes à pédagogie directe s'adressent
généralement aux enfants et aux jeunes considérés
encore immatures. L'éducation, étant un instrument de
transmission et de la conservation de la culture du groupe,59 ne
devrait pas être conçue comme une simple recommandation, elle doit
être pratiquée quotidiennement.
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