WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Gratuité de l'enseignement primaire et qualité des apprentissages au Cameroun: une perception des enseignants et des parents.

( Télécharger le fichier original )
par Emile MESSI
Université de Yaoundé 1 - Diplôme d'études approfondies 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CHAPITRE I :

PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE

« Pour vous, chers jeunes compatriotes, il n'y a, je le répète, d'autre voie que d'acquérir la meilleure qualification possible pour entrer dans la compétition ».

Biya Paul, message à la jeunesse, le 10 février 2009

Ce chapitre aborde la problématique de l'étude. Successivement, il présente le contexte, la position du problème, les objectifs visés et les questions de recherche.

I.1. CONTEXTE DE L'ETUDE

Dans la lutte contre la pauvreté, tous les acteurs au développement sont unanimes sur le rôle que peut jouer l'éducation. Il n'est donc plus étonnant de constater que les pays en développement dans leurs différentes stratégies pour sortir les populations de la pauvreté placent au centre des politiques, l'amélioration de l'offre éducative.

Au Cameroun cette amélioration de l'offre éducative constitue un fait à la fois soutenue par les organismes internationaux et les politiques nationales.

Au niveau international, l'Assemblée Générale des Nations Unies a adopté et proclamé le 10 décembre 1948 la déclaration universelle des droits de l'homme. Cette déclaration précise en son article 26 ce qui suit : « l'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire... »

Par ailleurs, la convention relative aux droits de l'enfant adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies le 20 novembre 1989 énonce en son article 28.1a que

« Les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation, et en particulier, en vue d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et sur la base de l'égalité de chance, ils rendent l'enseignement obligatoire et gratuit pour tous. »

Il ressort donc de la législation internationale que la gratuité et l'obligation de l'enseignement élémentaire constituent le principal cheval de bataille. Il est également nécessaire de souligner que le Cameroun a ratifié tous les accords et conventions internationaux en matière d'éducation

Au niveau national, plusieurs lois ont été votées relativement à l'obligation et à la gratuité de l'enseignement primaire. A ce compte, on pourrait citer :

- La loi n°63/cor/5 du 3 juillet 1963 portant organisation de l'enseignement primaire élémentaire. L'article 1 de ladite loi stipule clairement et sans équivoque que « l'enseignement primaire est laïc et gratuit. Il est ouvert à tous sans discrimination de sexe, de confession ou de race ».

- La loi n°2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 2 juin 1972, précise dans son préambule que « l'Etat assure à l'enfant le droit à l'instruction. L'enseignement primaire est obligatoire. L'organisation et le contrôle de l'enseignement à tous les degrés sont des devoirs impérieux de l'Etat ». On peut cependant regretter que la constitution même révisée de 2008 n'intègre pas la notion de gratuité de l'enseignement primaire.

- La loi n°98/004 du 14 avril 1998 sur l'orientation scolaire au Cameroun stipule en son article 7 que « l'Etat garantit à tous l'égalité de chance d'accès à l'éducation sans discrimination de sexe, d'opinion politique et religieuse, d'origine sociale, culturelle, linguistique ou géographique. » l'article 9 précise que « l'enseignement primaire est obligatoire. »

Outre les législations internationales et nationales, plusieurs conférences et fora ont été organisés par les Organisations internationales oeuvrant dans l'éducation pour réfléchir sur une offre quantitative et qualitative de l'éducation. Nous revisitons ici la conférence mondiale de Jomtien et le forum de Dakar.

Convoquée conjointement par les chefs de secrétariat de l'UNICEF, du PNUD, de l'UNESCO et de la Banque Mondiale, la conférence mondiale de l'éducation pour tous s'est tenue à Jomtien en Thaïlande du 5 au 9 mars 1990.

Le consensus réalisé à cette occasion a relancé le combat mené partout dans le monde pour universaliser l'enseignement primaire et éliminer l'analphabétisme des adultes. Il était également question de s'efforcer d'améliorer la qualité de l'éducation de base et trouver des méthodes d'un coût/efficacité pour répondre aux besoins éducatifs fondamentaux de diverses catégories défavorisées.

Dans la déclaration de Jomtien, l'article 1 souligne que

«Toute personne, enfant, adolescent ou adulte doit pouvoir bénéficier d'une formation conçue pour répondre à ses besoins éducatifs fondamentaux. Ces besoins concernent aussi bien les outils d'apprentissage essentiels (lecture, écriture, expression orale, calcul, résolution de problème) que les contenus éducatifs fondamentaux (connaissances, aptitudes, valeurs, attitudes) dont l'être humain a besoin pour survivre, pour développer toutes ses potentialités, pour vivre et travailler dans la dignité... »

En somme, la conférence a recommandé d'universaliser l'accès et promouvoir l'équité, de mettre l'accent sur la réussite de l'apprentissage, d'élargir les moyens et le champ de l'éducation fondamentale. A la suite de Jomtien, un forum a été organisé à Dakar pour évaluer les résolutions prises.

Le forum de Dakar sur l'éducation s'est tenu du 26 au 28 avril 2000 au Sénégal. Les 185 pays qui y participent, partent d'un constat alarmant. Sur les 113 millions d'enfants qui n'ont jamais été à l'école dans le monde, 42 millions vivent en Afrique. Koichiro Matsura (2000) affirme que « nous sommes bien loin d'une éducation de base pour tous, ce n'est encore qu'un rêve pour des centaines de millions d'enfants, de femmes et d'hommes. »

Le sommet de Dakar a mis l'accent sur l'éducation de base pour tous. Le cadre d'action de Dakar affirme que d'ici 2015, tous les enfants doivent pouvoir suivre et terminer un cycle d'étude primaire. Il préconise l'élimination des disparités entre les sexes. Alors que la déclaration de Jomtien ne mentionne pas la gratuité de l'école primaire, le cadre de Dakar souligne que d'ici 2015, tous les enfants devraient pouvoir suivre jusqu'au bout « une éducation primaire de bonne qualité, gratuite et obligatoire. »

A la suite de Jomtien et de Dakar, les autorités camerounaises ont adopté en octobre 2000 et faisant suite au discours présidentiel annonçant la gratuité de l'école primaire public, une stratégie sectorielle de l'éducation visant à élargir l'accès à l'éducation en corrigeant les disparités entre les filles et les garçons et à accroître la qualité de l'offre d'éducation de base.

C'est dans ce contexte qu'un Ministère de l'Education de Base a été crée le 8 décembre 2004 à la suite d'un remaniement du gouvernement dans le tout de rendre plus visibles et lisibles les actions de ce secteur de l'éducation.

Dans le cadre du document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP, 2003) confectionné avec l'aide des Bailleurs de Fonds, qui restent des partenaires privilégiés du Cameroun et s'inspirant des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en matière d'éducation, il est prévu d'assurer une éducation pour tous, un taux d'accès et d'achèvement à l'école primaire à 100% à l'horizon 2015.

Au Cameroun, lorsque la déclaration de 2000 sur l'école gratuite par le Président de la République est faite, le volet qualité de l'éducation est totalement absent de tous les discours politiques de l'éducation de base. Il a donc fallu attendre près de dix ans pour que les séminaires se tiennent pour réfléchir sur la notion de qualité dans l'éducation pour tous.

Dans le rapport mondial de suivi de l'éducation pour tous (2005), l'UNESCO met l'accent sur l'importance de la qualité de l'éducation. Le rapport souligne que

« La qualité de l'enseignement dispensé aux élèves et la quantité de ce qu'ils apprennent peuvent avoir un impact crucial sur la durée de leur scolarité et sur leur assiduité à l'école. De plus, la décision des parents d'envoyer ou non leurs enfants à l'école a des chances de dépendre de l'opinion qu'ils se font de la qualité de l'enseignement et de l'apprentissage qui y sont dispensés ».

On peut donc dire que la qualité de l'éducation détermine ou influence fortement le maintien ou l'achèvement dans un cycle d'étude. De ce fait, les parents sont prêts à ajouter des frais supplémentaires s'ils sont rassurés de la qualité des apprentissages.

Ainsi, l'UNESCO dans son rapport recommande-t-il de

« faire en sorte que d'ici 2015, tous les enfants en particulier les filles, les enfants en difficulté et ceux qui appartiennent à des minorités ethniques, aient la possibilité d'accéder à un enseignement primaire obligatoire et gratuit de qualité et de le suivre jusqu'à son terme ».

Il est donc question ici, d'améliorer sur toutes ses formes la qualité de l'éducation dans un souci d'excellence, de façon à obtenir des résultats d'apprentissage reconnus et quantifiables, notamment en ce qui concerne la lecture, le calcul et les compétences indispensables dans la vie courante.

La fermeture par les pouvoirs publics à la suite de la crise économique, des écoles de formation des instituteurs entre 1989 et 1995 a crée un déficit assez énorme en enseignants. La reprise de la formation dans ces écoles et surtout l'intégration ou la contractualisation de ces instituteurs s'est faite dans la douleur. Les maîtres d'écoles formés ont attendu entre 5 et10 ans voire plus pour se faire recruter dans la fonction publique camerounaise. Cette longue attente peut s'expliquer par le fait que le Cameroun était encore sous ajustement structurel au vue des différents accords avec les Institutions de Breton Wood.

Les recrutements massifs de ces instituteurs ces dernières années (13000 en 2007 ; 5500 en 2008 ; 5525 en 2009 et 6492 en 2010) ont été possibles grâce à un accord de partenariat avec la France dans le cadre du contrat développement désendettement (D) et la Banque mondiale. Dans la même logique, le Japon a construit plusieurs salles de classes connues sous le vocable « don japonais ».

Dans le budget d'investissement, l'Etat a entrepris de construire 2500 salles de classe par an dans le primaire. Les écoles de formation des instituteurs qui étaient menacées de fermeture pour manque d'engouement des candidats dû au traitement frustrant des produits issus de ces écoles, ces dernières ont repris de l'ampleur depuis la contractualisation massive desdits produits.

Au regard de ce qui précède, il est indéniable que le gouvernement du Cameroun consacre d'importants moyens pour améliorer l'offre d'éducation, car plus d'un tiers du budget national est alloué à l'ensemble des Ministères en charge de l'Education. Cependant, il est regrettable de constater que « les aspects quantitatifs de l'éducation aient mobilisé l'attention des Responsables de la formulation des politiques », comme le souligne le rapport de l'UNESCO. Malgré les gros moyens qui sont déployés en faveur de l'éducation de base, nous constatons que rien n'est réellement fait pour améliorer la qualité de l'éducation.

C'est sans doute pour toutes ces bonnes intentions que dans son traditionnel message à la jeunesse, le 10 février 2000, Paul Biya annonçait à la Nation que « l'enseignement primaire sera désormais gratuit au Cameroun ». Cette mesure dès la rentrée scolaire 2000/2001 était officiellement appliquée dans les écoles primaires publiques de l'ensemble du territoire camerounais.

Dans un environnement mondial prônant une école gratuite et de qualité telle que recommandée et soutenue par les bailleurs de fonds qui en font une conditionnalité pour l'aide au développement, la décision de revenir à l'école primaire gratuite est prise au Cameroun sous la pression de l'obligation d'atteindre le point d'achèvement de l'initiative Pays pauvres très endettés (IPPTE). Signalons que l'IPPTE est un programme d'aide économique de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire International visant à soulager le poids de la dette des pays en difficulté. Cette aide se fait sous un ensemble de conditionnalités dites « facilités » que le pays demandeur doit remplir.

Le fait le plus marquant dans cette décision va être la suppression des frais d'écolage dans l'enseignement primaire public. Cette décision n'est pas fortuite. Elle découle de l'opportunité qu'offre la constitution au Président de la République.

A ce sujet, le préambule de la loi n°96/06 du 15 janvier 1996 portant révision de la constitution dispose que « l'Etat assure à l'enfant le droit à l'instruction. L'enseignement primaire est obligatoire.».

De même, l'article 2 alinéas 1 et 2 de la loi n° 98/004 du 14 avril 1998 précise que « l'éducation est une grande priorité nationale. Elle est assurée par l'Etat. »

On constate cependant que la notion de gratuité n'est pas une nouveauté même si Ntchamande (2006) pense que « la gratuité de l'école primaire n'a jamais été une option politique du gouvernement », on constate cependant comme nous l'avons vu, qu'elle est inscrite dans la loi n° 63/cor /5 du 03 juillet 1963 portant organisation de l'enseignement primaire élémentaire. L'Etat avait-il simplement oublié cette loi ? Ou faisait-il semblant de l'oublier ? De toutes les façons, on peut dire que l'Etat a pris ses responsabilités pour rendre l'école gratuite et accessible à tous. Mais qu'en est-il réellement ?

L'élaboration de la stratégie sectorielle de l'éducation a révélé un certain nombre de points faibles concernant l'enseignement de base en dépit de toutes les mesures salutaires prises par l'Etat.

Il ressort du Document de stratégie sectorielle de l'éducation (2006) que l'éducation de base (enseignement primaire) est loin d'être assurée pour tous les enfants d'âge scolaire. Le taux de scolarisation dans l'enseignement primaire reste faible soit 78 % en 2004. Par contre, le taux d'achèvement avoisine les 60 %. Il existe toujours une inégalité d'accès à l'école notamment des filles ainsi que les enfants issus des milieux défavorisés. Les disparités régionales sont encore importantes tant en ce qui concerne la localisation des structures d'accueil, des équipements que la distribution des enseignants. Les taux moyens de redoublement approchent les 30 %. L'efficacité interne reste faible à tous les niveaux d'enseignement.

« Pire, depuis la suppression des 1500 fcfa, les Directeurs d'Ecoles, les inspecteurs de l'enseignement primaire et les Présidents d'APE conditionnent l'inscription des élèves au versement obligatoire des frais parfois 3 fois supérieurs à ceux supprimés. Bref, l'école primaire public est abandonnée aux parents d'élèves », conclut Ntchamande (2005).

Les conditions d'apprentissage et de travail sont mauvaises. La faible possession des manuels et autres matériels didactiques essentiels par les élèves et les enseignants reste préjudiciable au système éducatif camerounais.

Le ratio maître/élèves est fortement diversifié. Il existe une forte concentration des enseignants dans les zones urbaines alors qu'en milieu rural, le manque d'enseignants qualifiés se pose avec acuité.

Siakeu (2006) analyse les disparités observées dans la gestion des enseignants en faisant savoir que 

« les indemnités qui étaient auparavant accordées aux enseignants travaillant dans les provinces qui ne sont pas leur province d'origine ont été supprimées, ce qui a provoqué un repli graduel des enseignants des régions les plus éloignées vers les grandes villes et par conséquent, la fermeture d'école rurale».

Devant une telle situation, les parents les plus pauvres doivent payer les salaires des enseignants dits vacataires ou temporaires dans les écoles pour une « qualité d'éducation inférieure à celle des villes. Dans l'Extrême Nord, région la plus sinistrée, 61% des enseignants sont rémunérés par les parents...contre 13% dans le centre».

Dans les grandes villes, la situation n'est pas très reluisante même s'il y a un effectif assez élevé d'enseignants. On observe des classes à effectif pléthorique parce qu'il n'existe pas de salles de classe en nombre suffisant. A Yaoundé par exemple ou dans les environs immédiats, il n'est pas rare de rencontrer de salles où les effectifs avoisinent ou dépassent 120 élèves. Alors que le ratio institutionnel souhaité est de 1 maître pour 40 élèves maximum.

Ces disparités sont confirmées par une étude des coûts et financements du Ministère de l'Education de Base. Cette étude (2005) révèle que « le coût par élève supporté par le gouvernement varie de 3567 FCFA dans les écoles primaires de l'extrême nord, à 30000 FCFA dans les écoles urbaines du centre avec une moyenne nationale de 22409 FCFA. 

Cette situation fait que beaucoup d'écoles primaires publiques en zone rurale manquent toujours d'Enseignants qualifiés. Quand bien même ces derniers sont affectés, ils s'obstinent parfois à rester à leur poste de travail à cause des conditions de vie qu'ils jugent très peu favorables. Comme le souligne Siakeu (2005) dans son étude du temps d'apprentissage dans les écoles qu'« à cause de l'absentéisme des Enseignants, les enfants reçoivent en moyenne les deux tiers de l'instruction qu'ils sont supposés recevoir. »

Pour les enseignants non qualifiés, nous assistons à une baisse de niveau des acquisitions à cause de la faiblesse des méthodes pédagogiques. La rareté des matériels pédagogiques, notamment les manuels scolaires, menace à la fois la qualité de l'éducation et l'équité de l'accès à l'éducation.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle