La notion de fonds libéral en droit camerounais( Télécharger le fichier original )par Sébastien AGBELE NTSENGUE Université de Yaoundé 2 - Diplôme d'études approfondies en droit des affaires 2008 |
CONCLUSION GENERALE165. La patrimonialisation des activités libérales amorcée en pratique pour les raisons sus-évoquées, ne s'est pas encore traduite en droit par la reconnaissance de la validité de ce mouvement. Malgré ce retard du droit sur les faits393(*), on peut souligner que d'importances mutations sont entrain de s'opérer tant en jurisprudence qu'au niveau des textes. Et parmi celles-ci, on peut notamment citer l'extension par le législateur de certaines règles et institutions d'essence commerciale aux activités traditionnellement civiles394(*), la réification jurisprudentielle de la clientèle civile. En effet, triomphant des arguments, d'extra commercialité voire d'impossible commercialité de la clientèle classiquement invoqués, la jurisprudence n'hésite plus à reconnaître la validité des opérations de transmission de clientèles libérales395(*). De même, n'hésite-t-elle plus à intégrer le cabinet du praticien libéral non seulement dans la masse successorale, mais également dans la communauté conjugale. 166. Mais il est à noter que toutes ces mutations ne se sont pas encore traduites sur le plan juridique par la reconnaissance d'une notion de fonds libéral en droit camerounais. D'ailleurs, ni la doctrine, ni les juges, ni a fortiori le législateur n'évoquent cette notion. Si cette étape n'a pas encore été franchie, ce n'est point tant par rigueur scientifique, c'est davantage parce que le droit camerounais voudrait toujours maintenir inaltérées la pureté et l'orthodoxie des professions libérales. Cependant, si cette hostilité jurisprudentielle à l'égard de la patrimonialisation des activités libérales peut se justifier, elle ne se comprendrait plus pour au moins deux raisons. La première raison viendrait du fait que, le fonds libéral, à l'instar du fonds de commerce, serait potentiellement porteur d'avantages à la fois pour le praticien et pour les tiers396(*). La seconde raison résulterait du fait que d'autres fonds voisins au fonds de commerce sont entrain d'être consacrés dans certains pays comme la France. On pense notamment au fonds artisanal, au fonds agricole. De plus en plus, une réflexion est même menée sur la possibilité de la consécration en France d'un « fonds d'enseignement»397(*). Mais il est à noter que, si la consécration de la notion de fonds libéral est souhaitable parce que dictée par les faits et une bienveillance du juge et du législateur, celle-ci ne doit pas néanmoins se faire par mimétisme aveugle à la notion de fonds de commerce. De manière plus explicite, la réglementation du fond libéral ne devrait pas recopier à l'identique le régime du fonds de commerce, au risque pour celle-ci de reproduire les limites de cette notion398(*). Le législateur devrait donc certes s'inspirer de la législation relative au fonds de commerce, mais il devrait faire un choix judicieux entre toutes les règles régissant cette dernière notion. Il ne devrait donc retenir que celles qui peuvent permettre une meilleure valorisation de l'activité des praticiens libéraux, sans toutefois remettre fondamentalement en cause les piliers classiques des professions libérales. 167. Au demeurant, on pourrait penser que si ces mutations sociale et juridique s'accentuaient, il arriverait un jour où une notion de « fonds professionnel » pourrait être consacrée. Ce qui érigerait la profession en critère de la commercialité399(*) et constituerait un pas important vers la fusion du droit civil et du droit commercial. C'est dire que si le législateur consacre la notion de fonds libéral, il y aurait progrès du droit400(*)civil et commercial. * 393 ATIAS (C) et Linotte (D), Le Mythe de l'adaptation du droit aux faits, Dalloz 1977, Chron. 35, pp 251-258 ; DEKKERS (R), Le fait et le droit, Travaux du centre National de Recherche Logique, Bruxelles, Bruylant, 1961, p. 13. * 394 JAUFFRET (A), L'extension du droit commercial à des activités traditionnellement civiles, Mélanges KAYSER, 1979, pp. 59-76. * 395 Cass. Civ. 1ère , 7 Novembre 2000,Bull. Civ., I, n° 283, p. 183. * 396 Supra. * 397 REYGROBELLET (A), Fonds de commerce, Paris, Dalloz, 2005, pp. 185-195. * 398 Le FLOCH (P), Le fonds de commerce. Essai sur le caractère artificiel de la notion et ses limites. actuelles, Paris, LGDJ, Coll. Biblio. droit privé, T192, 1986, cité par AUGUET (Y), op. cit. * 399 KONE (M), Op. cit, p. 59 et s. Pour cet auteur le droit commercial n'est ni un droit des commerçants, ni un droit des actes de commerce, il est les deux à la fois. C'est un droit à la recherche d'un critère. * 400 LEBRETON (G), Y' a-t-il un progrès du droit ? Recueil Dalloz, 1991, Chron. pp. 99-104. |
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