La notion de fonds libéral en droit camerounais( Télécharger le fichier original )par Sébastien AGBELE NTSENGUE Université de Yaoundé 2 - Diplôme d'études approfondies en droit des affaires 2008 |
Section II : La bienveillance du juge à l'égard d'une notion de fonds libéral141. La patrimonialisation des activités libérales a été empiriquement initiée par les professionnels libéraux ; « Armature intellectuelle établie sur un certain consensus »346(*), le droit n'a pas suivi l'évolution des faits : les textes législatifs ou réglementaires sont restés quasiment muets sur la question de la patrimonialisation des activités libérales. Saisis d'une quantité importante de questions liées à la patrimonialisation des activités libérales, les magistrats ont fait montre d'une grande ingéniosité pour pallier ces lacunes textuelles. Ils vont ainsi se prononcer sur des interrogations fort variées, et dont certaines apparaissent comme étant essentielles347(*) ; il s'agit notamment de la question de la validité des opérations de transmission de clientèles civiles d'une part (paragraphe I) et de celle relative au sort du cabinet dans la communauté conjugale d'autre part (paragraphe II). Paragraphe I : La reconnaissance de la validité des opérations de transmission de clientèles civiles142. Malgré l'hostilité apparente des juges au processus de patrimonialisation des activités libérales, l'apport prétorien est des plus capital dans la construction d'une notion juridique de fonds libéral. En dépit du fait qu'il est presque unanimement admis que la clientèle - et peut-être aussi la clientèle commerciale - n'est pas un bien, qu'elle est par nature volatile donc inappropriable et incessible348(*), il va se développer sous le regard bienveillant du juge de véritables opérations de transmission de clientèles civiles tant du vivant du praticien (A) qu'après sa mort (B). A/ Les cessions de clientèles civiles réalisées par le praticien lui-même.143. La conception classique des professions libérales ne s'accommode pas de toute idée de patrimonialité, de vénalité. Et pendant longtemps, cette conception a exercé une influence considérable sur le droit, particulièrement sur la jurisprudence, dont l'hostilité à l'égard du mouvement de patrimonialisation se manifestait - et se manifeste encore ? - par l'interdiction de cession de clientèles civiles. Mais depuis quelques années, le mouvement de matérialisation des professions libérales a entraîné l'amenuisement de ce principe classique. Le juge a dû ainsi accéder à la demande des praticiens en validant a posteriori les cessions de clientèles civiles, même si cette reconnaissance s'est faite par paliers. Elle a d'abord été indirecte (1) avant de s'affranchir de cette chape « d'hypocrisie » qui l'enveloppait pour être plus directe (2). * 346 DEKKERS (R), Le fait et le droit, Travaux du Centre National de Recherche Logique, Bruxelles Bruylant, 1961, p. 13 * 347 VIALLA (F), op. cit. * 348 CATALA (P), La transformation du patrimoine dans le droit civil moderne, RTD Civ. 1966, p. 205, n° 24 : « la clientèle est un ensemble de personnes que l'on ne saurait céder en raison de leur liberté individuelle ... De fait, il est bien évident qu'une clientèle attachée à la personne n'est pas dans le commerce, car les deux pôles de l' « intuitus personae » - l'art du praticien et la confiance du client - sont rigoureusement incessibles ». |
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