La responsabilité des organisations internationales pour dommages causés aux populations civiles. Cas de la force intérimaire des Nations Unies au sud Liban( Télécharger le fichier original )par Floyd- Loyf KABUYA KALOMBO Université protestante au Congo - Licence en droit international 2011 |
Paragraphe 2 : La responsabilité internationale de la FINULLa responsabilité qu'avait engagée l'organisation des N.U. au Liban revêt à notre avis un caractère polyforme ; d'abord, parce que celle-ci s'était soustraite de son obligation de protéger les civils en vertu des Conventions de Genève ainsi que d'autres règles du droit international général (1), ensuite, parce que certains de ses membres s'adonnaient à des activités non conforme au DIH et qui rentre dans le champ d'application du PAROI (2). 2.1. Responsabilité pour soustraction à l'obligation de protégerComme au Rwanda (1994) et en Bosnie(1995), l'ONU avait engagé sa responsabilité internationale pour n'avoir pas pu empêcher le génocide qui se tramait. Au Liban de même, cela doit être le cas puisquecelle-ci avait assisté impuissante aux attaques menées par Tsahal contre les civils de Sabra et Chatila puis de Cana. Seulement, la responsabilité de la FINUL lors de ces deux massacres, ne doit pas être appréhendée de la même manière que celle engagée en Bosnie pour le massacre de Srebrenica et au Rwanda pour le génocide des Tutsi, parce que dans ces deuxcas, il s'agissait des conflits internes.Tandis que dans le cas libanais, il s'agit d'un conflit international et donc, la mission de la FINUL était différente de celle de la MINUAR et de la FORPRONU.Il faut dire que les réactions du C.S. pour empêcher les attaques contre les civils sont souvent intervenues tardivement. Ainsi, nous pensons que la responsabilité indirecte de l'ONU en cas de massacre ou de génocide doit être abordée à chaque fois que tel sera le cas. Suite aux différentes attaques contre les civils, l'ONU adoptera une série des résolutions pour assurer la protection de ceux-ci en général, des femmes et des enfants en particulier. Il s'agit notamment des résolutions 1265(1999), 1296(2000),1325(2000), 1612(2005), 1674(2006), 1738(2006), 1820(2008), 1882(2009), 1888(2009), 1889(2009), etc. Mais, l'adoption de ces différentes résolutions n'a pu empêcher un autre épisode sanglant du conflit israélo-libanais en 2006, raison pour laquelle nous ne cessons d'évoquer une responsabilité indirecte de l'ONU pour omission de protéger les civils au Liban, en vertu de ses propres principes. 2.2. Responsabilité de la FINUL pour fait internationalement illicite due à l'action de ses membresLa responsabilité internationale d'une O.I est étudiée en plusieurs volets, entre autres, la responsabilité de l'organisation du à un comportement de ses organes ou de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, la responsabilité de l'organisationdue à un comportement des organes d'un État ou des organes ou agents d'une autre organisation mis à la disposition de cette organisation dès lors que celle-ci exerce un contrôle effectif sur ceux-ci, la responsabilité de l'organisation pour excès de pouvoir ou comportement contraire aux instructions dès lors que cet agent ou organe agit en qualité officielle et dans le cadre des fonctions générales de l'organisationet enfin, la responsabilité de l'organisation pour un comportement reconnu et adopté comme étant sien.237(*) Dans le cadre de la FINUL, nous allons nousappesantir sur la responsabilité de l'ONU pour le comportement des organes ouagents d'un État mis à la disposition de l'organisation (1), ensuite nous verrons qu'en est-il si l'agent dont question, était hors service au moment du comportement qui constitue le fait internationalement illicite(2). 2.2.1. Attribution d'un comportement à l'ONU pour fait d'un agent ou organe d'unÉtat membreLe facteur clé de rattachement d'un comportement d'un agent ou organe d'un État membre à l'ONU qu'il faut retenir est le « contrôle effectif ». Un comportement ne sera attribué à l'organisation que si celle-ci contrôlait ou influençait les actes de cet organe ou agent, dans le cas contraire, l'État membre demeure seul responsable ducomportement de son agent. François FINCK note à cet effet que le lien entre le contrôle et la responsabilité est le fondement de la problématique dela responsabilité internationale de manière générale, et particulièrement dans le cadre des Nations Unies.238(*)La responsabilité est donc la conséquence logiquedu contrôle exercé par l'organisation, elle enest le corollaire si on peutle dire ainsi, elle constitue une garantie enfaveurde l'effectivité du contrôle.239(*) Les OMP étant généralement sousle contrôle de deux entités, à savoir l'organisationresponsable de la mission et les États fournisseurs des contingents,nous pouvons aboutir à une double responsabilité, puisque l'organisation n'exerce pas un contrôle effectif total, à notre sens, surles soldats engagés dans la force. La FINUL ne s'y soustrait pas. C'est ainsi que lorsque les soldats français de la FINUL ont été soupçonnés d'être de conserve avecles services secrets israéliens,l'état-major françaisavait décidé unilatéralement de renvoyer ses soldats.En plus, les États fournisseurs des contingents sont seuls capables de juger leurs ressortissants.Toutefois, dans la pratique des N.U., lesOMP sont sous l'autorité du Secrétaire général de l'organisation, et plus précisément de son représentant spécial qui a « autorité générale sur toutes les activités des N.U. »dans le pays hôte de l'opération. En plus, il dispose d'une marge de manoeuvre assez significative à la tête de l'opération, comme le note le DOMP. Ce que l'on peut retenir dans le cadre de la responsabilité de l'ONU pour le comportement des agents ou organes de ses membres, c'est que l'ONU reconnait que la responsabilité des dommages causés par des membres des forces des N.U. lui est directement imputable.240(*), 241(*) 2.2.2. La responsabilité de l'ONU pour le comportement d'un agent en dehors des fonctions officielles Rappelons de prime abord qu'un comportement qui n'est pas attribuable à une Organisation internationale selon les articles 6 à 8 du PAROI peut néanmoins être considéré comme un fait de ladite organisation d'après le droit international, si cette Organisation adopte ledit comportement comme étant sien (Article 9 du PAROI). Ainsi donc, il n'est pas exclu qu'une O.I. adopte ou s'attribue un comportement qui a été accompli par un de ses membres, en dehors de toute fonction officielle. La CDI note cependant que « la pratique des O.I. confirme que le comportement ultra vires d'un organe ou d'un agent est attribuable à l'organisation lorsqu'il est lié aux fonctions officielles de l'organe ou de l'agent en question. C'est apparemment l'idée qui sous-tend la position du bureau des affaires juridiques des N.U. dans un mémorandum concernant des réclamations relatives à des actes commis par des membres des forces de maintien de la paix endehors de leurservice : « la politique de l'ONU en ce qui concerne les actes accomplis hors service par les membres des forces de maintien dela paix et que l'organisation n'encoure aucune responsabilité juridique ou financière à raison des décès, blessures ou dommages résultant de tels actes ».242(*) Pour corroborer ce commentaire, FINCK François pense que le comportement d'un organeou d'un agent est imputable à l'organisation même s'il outrepasse sa compétence ou contrevient à ses instructions, à la seule condition qu'il ait agi en cette qualité. Ainsi, renchérit-il, un comportement adopté par un particulier qui se trouve être un agent de l'organisation, à titre privé, n'est pas attribuable à l'organisation.243(*) Cela revient à dire que tout comportement qui peut être adopté par un membre d'une OMP endehors des fonctions pour lesquelles il est engagé, lui est imputable ou est imputable à son État dans une certaine mesure. Toutefois, le fait d'avoir agi hors service n'exclut pas totalement la responsabilité de l'ONU. La CDI a émis une nuance en notant : « le fait que le comportement soit celui d'un organe ou agent « hors service » n'exclut pas nécessairement la responsabilité de l'O.I. si celle-ci a enfreint une obligation de préventionsusceptible d'exister endroit international ».244(*) Aussi, le comportement adopté par un agent de l'organisation en dehors de toute fonction officielle peut être attribué à celle-ci dès lors que le droit des conflits armés est applicable. Dans cette hypothèse, tous les actes sont attribuables, y compris ceux accomplis à titre privé. Les règles du DIH peuvent donc s'appliquer aux OMP des N.U. si certaines conditions sont remplies. Ainsi, le cas qui a provoqué la réponse du service juridique des N.U. concernait la FINUL, mais hélas le DIH n'était pas applicable aumoment dufait en question.245(*)D'après les articles 3 dela IVème Convention de la Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre de 1907 et l'article 91du protocole additionnel I aux conventions de Genève de 1949, une partie à un conflit armé est responsable de tous les actes des personnes qui font partie de ses forces armées, également ceux commis sans aucun rapport avec leurfonction. La CIJ avait jugé que cette règle relevait dudroit international général, auquel les O.I. comme les États, sont soumises. Ainsi, dans la mesure où une O.I. peut être partie à un conflit armé, le comportement de tout membre de ses forces armées lui sera imputable. Ceci dit, l'ONU est donc responsable d'éventuelles violation du DIH commis par des troupes placées sousson commandement opérationnel.246(*) L'institut du droit international avait soutenu dans sa résolution 1971, l'idée son laquelle « les règles de caractère humanitaire résultant du droit relatif faux conflits armés sont applicablesde plein droit à l'ONU et doivent être respectés en toutes circonstances par ses forces dans les hostilités où celles-ci sont engagées »247(*) , cette idéea été admise par l'ONU.248(*) Faire appel aux règles du DIH quand il s'agit des OMP suppose que celles-ci agissant sous le chapitre VII de la charte, ce qui n'est pas monnaie courante puisque les moyens pacifiques sont les plus souvent préférés en lieu et place de la contrainte armée. Quand il s'agit des OMP sous chapitre VI, les forces des N.U. ne prennent généralement pas part aux combats, et donc, elles ne sont pas « partie aux combats », mais dans l'hypothèse où il s'agit du chapitre VII, cette expression peut leur être étendue, ainsielles sont soumises au respect duDIH. Dans le cadre de la FINUL, celle-ci était constituée sous le chapitre VI dans un premier temps, mais suite à la persistance du conflit, elle rejoindra le cercle très restreint des opérations sous chapitre VII, à la seule différence que pour elle, il ne s'agit pas de l'application stricte sensu de ce chapitre, mais plutôt d'un chapitre VI « élargi », selon l'esprit de la résolution 1701. Les agissements des membres de la force doivent se conformer aux conventions de Genève, principalement quand il s'agit de la protectiondes civils. C'est ainsique l'ONU avait accepté d'assumer la responsabilité des actes illicites commis par ses forces au Congo, en se fondant sur « les principes énoncés dans les conventions internationales relatives à la protection des vies et des biensde la population civile enpériode d'hostilité ». La responsabilité de l'ONU avait été déduite du caractère international de celle-ci, de son statut d'organe subsidiaire des N.U. et de sa soumission aucontrôle exclusif de l'organisation.249(*) Quand il s'agit d'une violation d'une règle du DIH par un membre d'une force de l'ONU, celle-ci est responsable même si cet acteétait intervenu en dehors de toute fonction officielle. La CIJ avait considéré le fait que « les N.U. pourraient avoir à supporter des charges découlant d'actes ultra vires d'un de ses organes correspondant à des considérations de principe quiapparaissent plus puissantes encore lorsqu'il s'agit d'un comportement illicite, parceque refuser l'attributiondu comportement peut être attribué à un Étatou à une autre organisation ».250(*) Mais dans la pratique intérieure, l'ONU avait accepté fla responsabilité pour les actesultra virescommis par des membres de forces de maintien dela paix, mais non pour ceux réalisés alors qu'ils n'étaient pas en service.251(*) L'exemple d'acte accompli « hors service » par un membre de la FINUL, qui se livrait à des transports d'explosifs vers le territoire israélien peut être cité ici, l'ONU avait décliné sa responsabilité dans cette affaire.252(*) La responsabilité de l'organisation ne peut naître que du comportement d'un membre d'une force adopté dans ses capacités « officielles ou opérationnelles », et non à titre privé, qu'il ait agit enuniforme ou en civil, ou qu'il se trouvait dans la zone d'opérations oui non au moment de la commissions du fait illicite.253(*)Cette circonstance avait été retenue dans le cadre des opérations dela FINUL, c'est ainsi que l'ONU avait reconnu responsabilité internationale. * 237 Articles 6, 7, 8 et 9 du PAROI * 238 FINCK, F., Op. Cit., p.346 * 239Paul de VISSCHER, cité par FINCK, F., Op.Cit., ibidem * 240 DOC A/51/389, §8 * 241 À titre illustratif, lors des opérations de la FUNU I et de l'ONUC, L'ONU avait reconnu sa responsabilité pour des faits illicites commis par des membres de contingents mis à la disposition de ces deux opérations. C'est l'ONU elle-même qui avait payé les réparations dues aux ayant-droits des civils tués accidentellement par des membres de ces forces. * 242 CDI, commentaire du PAROI de l'article 8, §9, p. 31 * 243 FINCK, F., Op.cit., p.328 * 244 Telle était la situation qu'avait envisagé le bureau des Affaires juridiques de l'ONU lorsqu'il a expliqué à propos d'actes commis par les membres de la FUNU qui étaient hors service qu'il « pouvait fort bien exister des cas où des membres de de la force se trouvant hors service auraient commis des actes que l'ONU pourrait parfaitement reconnaitre comme engageant sa responsabilité », CDI, Op.Cit., §10, p.3 * 245 FINCK, F., Op. Cit., p. 329 * 246 Idem, p. 330 * 247 IDI, les conditions d'application des règles humanitaires relatives aux conflits armés, aux hostilités dans lesquelles les forces des N.U peuvent être engagées, résolution adoptées à la session de Zagreb, 1971 * 248 Doc Q/51/389, §16 * 249 FINCK, F., Op.Cit., p.340 * 250 CDI, Op. Cit., §6, p.30 * 251 FINCK, F., Op.Cit., p.329 * 252 CDI, Op. Cit., §9, p.31, in fire * 253 FINCK, F., Op.Cit., p.329 |
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