Les droits fondamentaux des détenus au Sénégal( Télécharger le fichier original )par El-Hadj Badara NDIAYE Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Maitrise droit privé 2003 |
CHAPITRE I - LES INSTRUMENTS JURIDIQUES APPLICABLES AU SENEGALLa reconnaissance des droits fondamentaux des détenus obéit à une logique d'évolution qui coïncide avec le processus de formation de l'Etat moderne. En effet, la naissance de l'Etat a appelé la consécration d'un certain nombre de droits essentiels qui s'attachent aux personnes privées de leur liberté physique. L'universalité et la généralité de ces droits a fait que la communauté a produit des instruments juridiques d'une haute pertinence tendant à assurer leur promotion et leur respect. Cependant, ces invitations n'étant pas susceptibles d'assurer l'intégration des normes dans le corps des règles applicables sur le plan interne, il a fallu procéder à un rééquilibrage au niveau du dispositif national. Ainsi, les divers instruments juridiques assurant la protection des droits fondamentaux des détenus au Sénégal découlent d'une capitalisation d'expériences extérieures et des sécrétions de l'ordre juridique interne. Donc les instruments juridiques applicables au Sénégal, peuvent être scindés en deux branches : Nous avons d'abord les instruments juridiques internationaux (section I) ensuite les instruments juridiques internes (section II). Section I - Les instruments juridiques internationauxUne conception élargie des droits de l'homme est la pierre angulaire de tout ce que le Sénégal tente d'accomplir depuis son accession à l'indépendance. Une des premières réalisations fut l'adoption d'un certain nombre d'instruments juridiques internationaux, de très grande portée qui ont servi de fondement à tout travail accompli par la suite dans le domaine de la protection des droits fondamentaux des détenus et qui ont été intégrés encore plus profondément sur le plan juridique. Ces instruments juridiques internationaux représentent le consensus de la communauté internationale forgé au prix de grands efforts et non de la domination d'un pays ou de traditions données. Ils n'imposent pas une norme unique mais cherchent à promouvoir des normes juridiques communes en matière de respect de la dignité humaine. Aussi, ils se distinguent en des normes internationales générales (paragraphe I) et des normes internationales spécifiques (paragraphe II). Parag. I - les normes internationales généralesLes normes internationales générales se répartissent en deux séries d'instruments qui peuvent être distinguées suivant leur valeur juridique.20(*) Il s'agit en premier lieu des déclarations de droits (A) et en second lieu des conventions internationales (B). A - Les déclarations de droitsLa déclaration de droit se définit comme une proclamation qui s'attache à la vie. Dans le cadre de notre étude nous retiendrons deux déclarations qui vont expressément consacrées par la Constitution sénégalaise du 07 janvier 2001. Ce sont la déclaration des droits de l'homme et du Citoyen du 26 août 1789 et de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. 1 - La déclaration des droits de l'homme et du Citoyen de 1789 La déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 est entrée dans le système juridique sénégalais par le biais de la Constitution du 7 mars 1963 21(*) et a été réaffirmé dans la Constitution du 7 janvier 2001 qui dans son préambule affirme l'attachement du peule sénégalais « aux droits fondamentaux tels qu'ils sont définis dans la déclaration des droits de l'homme de 1789 ... ». L'avènement de la démocratie marque une rupture avec l'ancien ordre en consacrant la liberté comme le premier des « droits naturels et imprescriptibles de l'homme »22(*). Cependant l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi : elles correspond au pouvoir de punir. C'est ainsi que l'article 4 dispose que « les bornes de la liberté ne peuvent être déterminées que par la loi ». La loi qui est l'expression de la volonté générale des membres de toute la communauté bénéficie d'un même traitement de faveur par rapport à l'étendue des dispositions dans la déclaration.23(*) Ainsi, la loi est la grille de référence qui permet de légitimer et de justifier l'action de l'administration. Ainsi, elle permet d'abord de légitimer la privatisation de liberté car étant la seule à pouvoir interdire. En outre, la loi doit contribuer au respect de la légalité qui est un autre aspect de la question sur laquelle la déclaration s'est prononcée largement. De ces dispositions nous pouvons déduire la consécration du principe de la légalité des délits et des peines qui constitue l'axe principale dans la protection des droits fondamentaux des détenus. Cependant, il faut signaler que la déclaration n'a pas une valeur juridique intrinsèque. En effet, c'est cette particularité qui distingue les déclarations de droit, des conventions. Donc, elle a besoin d'une consécration en terme de garantie de droits qui l'intègre dans un système juridique déterminé. En effet, en proclamant l'attachement du peule sénégalais aux droits fondamentaux tels qu'ils sont définis dans la déclaration de 1789, le constituant a entendu donner une valeur positive à ses dispositions.24(*) Ce qui est susceptible à travers la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. 2 - La déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 Le cadre général des droits fondamentaux des détenus s'articule autour de la première partie de la déclaration (article 1 à 21) où les rédacteurs réaffirment les droits fondamentaux de l'homme. Ainsi, on a procédé à un redéploiement des droits attachés à la personne humaine. Parmi ces droits, nous pouvons relever notamment, les droits attachés aux détenus comme le droit de ne pas être soumis à l'esclavage, à la torture et aux arrestations arbitraires ainsi qu'aux droits à un jugement équitable. De même la légalité devant la loi et la sûreté ont été réaffirmées.25(*) L'axe principale pour la protection des droits fondamentaux de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement est l'article 05 de la DUDH, bien connu, « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou à des traitements inhumains, cruels ou dégradants ». En effet, le terme de « traitement cruel, inhumain ou dégradant » peut inclure la situation dans laquelle la personne est emprisonnée est privée, temporairement ou de façon permanente, de l'usage de l'un de ses sens (la vue ou l'ouïe par exemple) de la conscience du lieu où elle se trouve et de la notion du temps. Ce principe est particulièrement important lorsque l'on traite des questions de discipline et de châtiment des détenus.26(*) En outre, la « dignité humaine » est une notion essentielle en matière de droits des détenus, un concept invoqué par l'article 1er de la DUDH, tout aussi célèbre selon lequel « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité ». Les conditions de vie sont un des facteurs essentiels qui déterminent « l'état d'esprit, l'estime de soi et la dignité d'un détenu ».27(*) Si honorable que soit l'action unie dans la protection des droits fondamentaux des détenus à travers la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948, il faut signaler que le respect de ces droits est redevable à plus d'un titre du système juridique qui l'intègre. Il faut signaler que la Déclaration se présente sous la forme de résolutions adoptées par l'Assemblée générale de l'ONU. Dès lors, elle ne saurait avoir une force contraignante en elle. Donc, pour que la Déclaration puisse générer des effets juridiques, elle doit être intégrée dans le système juridique de l'Etat. Le Sénégal n'a pas manqué de saisir cette opportunité car la déclaration est citée dans la préambule de la Constitution du 07 janvier 2001 au même titre que la déclaration de 1789. Dès lors, nous pouvons dégager de cet attachement toutes les conséquences juridiques requises pour l'application des dispositions de la déclaration au Sénégal. Ainsi, nous pouvons dire que la déclaration a une valeur positive au Sénégal. Il faut en conséquence estimer aujourd'hui que même si les déclarations des droits dans leur ensemble n'ont pas une valeur juridique, le Sénégal de son côté a procédé à leur promotion d'une manière telle que les conséquences juridiques qui en découlent permettent de les assimiler aux conventions. * 20 Il faut signaler que cette distinction rigide sur le plan organique peut être relativisée au plan matériel en ce sens l'intégration des règles issues d'expériences extérieures est concrétisée par leur uniformisation avec les règles d'origine interne. * 21 La deuxième République du Sénégal. * 22 Article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. * 23 Cela peut-être justifié par la défiance manifeste par les rédacteurs de la déclaration vis-à-vis de l'exécutif post révolutionnaire. * 24 Même si dans un passé récent, la juridicité des dispositions de préambule était mise en route, on peut estimer que depuis la décision du Conseil constitutionnel sénégalais dans l'affaire n° 36 du 16 déc. 1993 relative à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique de l'Ouest, le problème ne se pose plus. * 25 Les droits de l'homme aujourd'hui, documents d'information des Nations Unies, annexe 2, p. 65. * 26 Cf. Journal Africain des Droits de l'Homme (JADH), janvier 2001, 2ème année, n°4. * 27 La déclaration de 1948 n'a pas une valeur positive en France faute de ratification par cette dernière de l'acte de Chaillot. |
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