B- L'ineffectivité des contrôles
exercées sur les établissements pénitentiaires au
Sénégal
La prison est nécessairement une institution dont le
fonctionnement, à l'abri de ses mûrs, n'est pas aisé
à contrôler tant par les gouvernants que par les citoyens. Pour
éviter qu'elle ne devienne le lien privilégié du
« non droit », il importe que les détenus qui sont
appelés à y vivre soient protégés contre les
contraintes de la précarité et contre l'insécurité
juridique qui l'animent. Pour ce faire, le législateur a prévu
à la fois un contrôle périodique des autorités
judiciaires et un contrôle permanent de la commission de surveillance des
prisons. Mais en réalité, si le contrôle des
autorités judiciaires est considéré somme toute
inopérant le contrôle de la commission de surveillance est quant
à lui inapproprié.
1 - Le contrôle inopérant des
autorités judiciaires
Les textes prévoient l'intervention largement
ineffective et inefficace de nombreuses autorités judiciaires : le
Procureur de la République, le Procureur général pour les
prévenus, le juge d'instruction, le juge des enfants et le
président de la Chambre d'accusation.
Mais avec la loi n° 2000-38 du 29 décembre 2000
modifiant certaines dispositions du code pénal, le législateur a
introduit le juge de l'application des peines afin de renforcer le
contrôle de l'exécution des peines. Assurément, beaucoup se
réjouissaient de cette institution dont l'absence avait
été unanimement regrettée par tous les défenseurs
des droits de l'homme. Mais l'absence de cette institution de protection des
détenus vaut mieux que son existence sans effet. En effet, l'obligation
de contrôle des établissements pénitentiaires par les
différentes autorités juridiciaires précitées
existe théoriquement pour ne pas dire qu'elle est quasi-inexistente dans
les faits. En fait, lors de notre visite à la maison d'arrêt et de
correction de Diourbel, le secrétaire du Régisseur nous a
confirmé que depuis son instauration, le juge de l'application des
peines n'est jamais venu à la prison. Pourtant, il pouvait avoir une
influence grandissante dans l'amélioration de la situation des
détenus.
Par ailleurs, il y a aussi les commissions de surveillance des
prisons qui exercent un contrôle permanent sur les établissements
pénitentiaires. Mais ce contrôle est à la limite
inapproprié car ces commissions de surveillance ne peuvent prendre
directement aucune mesure sanctionnant les atteintes portées aux droits
des détenus.
2 - Le contrôle inapproprié des
commissions de surveillance
Le rôle des commissions chargées de la
surveillance des prisons est encore plus formel et inefficace que celui des
autorités judiciaires. Attachées à chaque
établissement pénitentiaire et étant sous la direction de
la Division nationale des contrôles et des enquêtes, les
commissions de surveillance comme l'on pouvait s'y attendre ne disposent
d'aucun acte d'autorité.
En effet, elles sont chargées simplement d'assurer la
surveillance intérieure des prisons en ce qui concerne la
salubrité, la sécurité, le régime alimentaire.
Il en est de même du rôle que joue la commission
pénitentiaire consultative de l'aménagement des peines. Cette
dernière qui est établie au niveau de chaque prison est
simplement chargé de contrôler la situation de chaque
condamnée d'en informer le juge de l'application des peines et de lui
donner son avis dans les mesures d'aménagement des peines. Ainsi, elle
n'a pas de pouvoir d'action directe et ne peut faire aucun acte
d'autorité. Pourtant ces commissions qui sont plus proches des
détenus que les autorités judiciaires devraient être
autorisées à prendre des mesures préventives en toute
circonstance.
Au terme de cette étude, nous pouvons dire qu'au
Sénégal comme ailleurs, il reste beaucoup à faire pour
que l'effectivité dans l'application des droits fondamentaux des
détenus soit une réalité et que les détenus qui
croupissent dans quartiers avec une violation courante et sévère
de leurs droits puissent retrouver leur dignité.
La dimension inhumaine de la détention ne
baisse pas le taux de la criminalité et son amélioration ne
l'augmente pas non plus. Les arguments qui militent en faveur d'une meilleure
protection de ces droits doivent être connus de tous. Les moyens d'y
parvenir aussi. Des réponses sont développées, pour
permettre au dernier axe de la réflexion, de proposer les efforts
nécessaires à faire pour une meilleure protection de ces
droits.
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