Le conducteur victime dans le droit des accidents de la circulation( Télécharger le fichier original )par Hubert DIE KOUENEYE Université de Dschang Cameroun - Diplôme d'études approfondies 2006 |
b- L'accident causé par le véhiculeL'article 1er de la loi Badinter de 1985 stipule que ses dispositions s'appliquent aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, ainsi que ses remorques et semi-remorques. L'ordonnance camerounaise de 1989 précisait quant à elle en son article 1er que ses dispositions s'appliquent à l'indemnisation des préjudices résultant d'un accident corporel de la circulation. Plus exigeant est le code CIMA qui impose à toute personne physique ou morale autre que l'Etat de souscrire une assurance pour la garantie des dommages qu'elle pourrait causer aux tiers, résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens et causés par un véhicule terrestre à moteur56(*). La causalité est plus restrictive que la simple implication. En effet, dès lors qu'un véhicule est impliqué dans un accident de la circulation, la victime devrait pouvoir obtenir réparation de ses dommages. Si la notion d'implication est en elle-même très originale, sa portée concrète donne cependant lieu à des difficultés, notamment pour les véhicules en stationnement qui n'ont joué qu'un rôle passif dans la réalisation des préjudices. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle certains auteurs estiment que l'idée d'implication ne peut intervenir que pour définir le domaine d'application de la loi57(*). Cette position cadre d'ailleurs avec celle de la cour de cassation pour laquelle « pour être impliqué dans un accident de la circulation, un véhicule doit être intervenu à quelque titre que ce soit dans sa réalisation58(*) » Plus avisé est le code CIMA qui quant à lui préfère plutôt retenir la causalité. En fait, les dommages subis par le conducteur doivent être le fait du véhicule terrestre en cause. Tandis que l'implication dispense le conducteur victime d'établir le lien de causalité entre le fait dommageable et le véhicule, la position adoptée par le code CIMA se rapproche de celle connue en droit civil pour laquelle la victime doit chaque fois établir le rapport de cause à effet unissant le véhicule fautif aux dommages c'est-à-dire que la présence du véhicule doit avoir été objectivement nécessaire à la réalisation du dommage59(*). Toutefois, cette conception de la causalité par le droit CIMA suscite quelques questions par rapport aux diverses approches de la causalité telles que connues en doit civil60(*). En effet, il peut arriver qu'un évènement n'ayant aucun rapport direct avec l'accident ait été la cause lointaine des dommages subis par le conducteur. C'est le cas par exemple des accidents successifs pour lesquels c'est à la suite de multiples chocs que le conducteur est atteint (cas de collisions en série)61(*). Cela étant, il peut arriver qu'un accident ne soit pas strictement instantané et qu'il soit analysé plutôt comme une succession d'évènements : un conducteur perd la maîtrise de son véhicule qui après avoir heurté un arbre vient percuter un autre véhicule ; deux automobilistes entrent en collision et quelques instants plus tard un autre véhicule vient les percuter alors qu'ils sont immobilisés sur la route62(*) ; une automobile fait un tonneau et son conducteur éjecté sur la chaussée est écrasé par un autre véhicule. Dans ce cas il revient au juge de rechercher la cause exacte des dommages subis par le conducteur. Il convient donc de remarquer que dans ce cas, la causalité englobe celle requise en droit commun de la responsabilité, celle de l'équivalence des conditions et tous les véhicules retenus comme responsables seront tenus à réparation63(*). Dès lors que la causalité est établie, le conducteur est fondé à invoquer son droit à indemnisation tel que prévu par le code CIMA pour la réparation des dommages qu'il aura subis du fait de l'accident. Dans le cas où plusieurs véhicules auront concouru à la réalisation des dommages, les différents responsables seront tenus à la réparation dans les proportions définies par l'expert commis à cet effet, ou à défaut par le juge. Ces conditions d'existence du droit à indemnisation du conducteur permettent d'établir l'existence légale des dommages et d'en rechercher le principal responsable. D'autres par contre visent plutôt à démontrer que celui-ci est fondé à demander réparation et s'analysent en termes de conditions tenant au conducteur lui-même. * 56 Cf. art 200 du code CIMA. * 57 V. à ce sujet BIGOT (J), Les trois lectures de la loi Badinter, D. 1987.I. 3278 : CHABAS (F): Le droit des accidents de la circulation après la réforme du 5 juillet 1985, 1ère éd, 1985 ; CHARTIER (Y): « Accidents de la circulation ; accélération des procédures d'indemnisation », n° spécial Dalloz 1986, GROUTEL (H) : Le droit à indemnisation des victimes d'un accident de la circulation, 1987 ; FAIVRE (Y.L): « l'évolution de la responsabilité civile. D'une dette de responsabilité à une créance d'indemnisation », RTD Civ., 1987 ; LEGEAIS (R) : Circulation routière, l'indemnisation des victimes d'accidents, Sirey 1986. * 58 Civ. 2e, 16 mars 1994, bull civ. II, 90 et civ. 2e, 27 mai 1998, bull civ. II, n° 162 (« à un titre quelconque »). * 59 Cf. MARGEAT, LANDEL et MARCHAND, « accidents de la circulation, commentaire de la loi du 5 juillet 1985 », in D, responsabilité civile, 1985. * 60 L'on oppose ici la théorie de la causalité adéquate à celle de l'équivalence des conditions ou à celle de la cause proche * 61 V TPI de MBOUDA, jugement n° 627/cor du 7 mai 2001, Aff min pub et TAGNE Idriss Yaya, AKOMBOU Emilia, DZE Martin, LECHINDEM Marie, EBANGA Melon et TAMOU Gilles c/ MOGHU Boniface, CHIN Boniface et TCHOFFO Bertin, inédit. V. aussi CA de Bafouussam, arrêt n° 971/cor pour la même espèce, inédit * 62 Par son jugement n° 627/cor du 7 mai 2001, le TPI de MBOUDA connaissait d'une affaire de ce type. En effet, en date du 25 avril 1999 sur la route nationale n° 6, axe Babadjou -Santa au lieu dit carrefour Bamegnia, s'est produit un accident de la circulation entre trois véhicules : le véhicule autocar de la société AMOUR MEZAM conduit par CHIN Boniface se dirigeant de Bamenda vers Mbouda, celui conduit par TCHOFFO Bertin se dirigeant vers Mbouda suivi par CHIN Boniface et celui de MOGHU Boniface se dirigeant de Mbouda vers Bamenda. Les deux premiers véhicules sont entrés en collision avant que le troisième ne vienne les percuter. * 63 V. GROUTEL, « l'art et la manière d'appliquer la loi du 5 juillet 1985 à un carambolage », in RC. Ass, hors série, décembre 1998, P 16 ; « accidents de la circulation : morcellement ou globalisation des situations complexes », ibidem, P 17. |
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