La lutte anti terroriste et les législations: un défi pour l'état de droit.( Télécharger le fichier original )par Germain IZERE IRADUKUNDA Institut d'enseignement supérieur de Ruhengeri - Licence 2011 |
G. La loi du 17 octobre 2006 ou l'impossibilité de contester une détentionPeu de temps après, et prenant partiellement en compte les remarques de la Cour suprême, qui avait laissé ouverte cette voie, le Congrès autorise ces commissions militaires en votant le Military Commissions Act de 2006 en octobre95(*). La nouvelle loi s'oppose néanmoins à l'arrêt Hamdan vs. Rumsfeld, en stipulant que la suspension de l'habeas corpus vise toutes les actions, incluant celles se déroulant au moment de l'adoption de la Detainee Treatment Act.96(*) L'habeas corpus ne pouvant être suspendu, selon la Constitution des États-Unis, qu'en cas d'invasion ou de rébellion97(*), un recours raisonnable devant être accordé aux prisonniers dans le cas contraire, le Congrès institua le régime des commissions militaires. Celui-ci empêche au détenu d'avoir accès à la preuve contre lui, lui impose la charge de prouver en quoi sa détention serait illégale.98(*) Cette loi a confirmée la compétence des commissions militaires pour juger les détenus de Guantanamo. Elle apporte un léger cadre à la pratique de ces commissions, en autorisant notamment la présence de l'accusé en salle d'audience, le droit d'être présenté par un avocat et la possibilité de faire appel auprès d'un tribunal civil, qui sont somme toute quelques uns des droits minimums garantis par les conventions de Genève.99(*) On peut mettre un doute quant à la disposition permettant de faire appel devant un tribunal civil : il faut noter que le détenu devra au préalable faire appel devant un groupe spécial d'examen des jugements des commissions militaires, ce qui peut donc prendre plusieurs mois, durant lesquels il sera toujours incarcéré à Guantanamo. La formulation de la disposition de cette loi semble viser non seulement les étrangers mais aussi les nationaux américains, qui pourraient donc être jugés par ces commissions, en théorie, si ceux-ci sont considérés comme entrant dans la catégorie d'ennemi combattants. Ceci est illustré par le passage du Military Commission Act qui dispose que «Except as provided in section 1005 of the Detainee Treatment Act of 2005, no court, justice, or judge shall have jurisdiction to hear or consider an application for a writ of habeas corpus filed by or on behalf of an alien detained by the United States who has been determined by the United States to have been properly detained as an enemy combatant or is awaiting such determination».100(*) H. Boumediene v. Bush (juin 2008) : la fin de la suspension de l'habeas corpusLe 12 juin 2008, la Cour suprême étendit l' habeas corpus aux combattants étrangers dans l'arrêt Boumediene v. Bush.101(*) Par une majorité de cinq voix contre quatre, la Cour jugea que les détenus de Guantánamo doivent avoir accès au système judiciaire ordinaire. La cours a soulevé l'inconstitutionnalité de la MilitaryCommission Act de 2006 qui prévoyait qu'aucun tribunal ou juge américain n'était compétent pour examiner une demande d'habeas corpus formulée par un étranger détenu comme combattant ennemi. Par cette décision la cours suprême consacre le droit à l'habeas corpus comme un des droits indélogeables, y compris dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.102(*) En revanche, nous nous posons une question de savoir si cette garantie s'appliquera aussi aux détenus de la base militaire de Bagram en Afghanistan contrôlée par les Etats-Unis? Selon Gerald L. NEUMAN103(*), cette décision garantit le droit à l'habeas corpus à une partie des détenus et non à tous les détenus terroristes comme ceux de Bagram, ce qui veut dire que le problème est toujours présent. Bientôt ou demain on assistera à de tels empiétements lors d'une autre frappe terroriste. Et pour nous de dire que la question de l'habeas corpus aux terroristes est exploitée par l'exécutif qui se prévoit des prérogatives en temps exceptionnelles pour mettre en place les lois liberticides même s'elles subissent un contrôle de constitutionnalité. On peut affirmer que ce contrôle est réduit en néant par les futures lois encore venant des l'exécutif. * 95 X, «La guerre contre le terrorisme : Guantanamo un scandale pour les droits humains», disponible sur http://www.amnesty.ch/fr/themes/guerre-contre-le-terrorisme/guantanamo-un-scandale-pour-les-droits-humains/documents/2008 consulté ce 8/11/2011. * 96 Jeffrey Addicott, «The Military Commissions Act : Congress Commits to the War on Terror», disponible sur http://jurist.law.pitt.edu/forumy/2006/10/military-commissions-act-congress.php. consulté ce 20/8/2011. * 97 Article 1, §9 de la constitution des Etats-Unis. * 98 N. KARAZIVAN, article précité. * 99 L. ABASSADE, article precité. * 100 Section 1005(e)(1), 119 Stat. 2742. * 101 Amnesty International, « La décision de la Cour suprême des États-Unis concernant les détenus de Guantánamo doit marquer un tournant décisif», 18 juin 2008, disponible sur http://www.amnesty.org/fr/news-and-updates/time-for-real-change-as-supreme-court-rules-on-guantanamo-detentions-20080618 consulté ce 15/11/2011. * 102 C. CERDA-GUZMAN, « Quels sont les critères de constitutionnalité d'une législationanti-terroriste ? » disponible sur http://www.juridicas.unam.mx/wccl/ponencias 9691/pdf, consulté ce 10/9/2011. * 103 G. L. NEUMAN, «After Guantanamo: Extraterritoriality of Fundamental Rights In U.S.Constitutional Law», Jus Politicum- Autour de la notion de Constitution no3, 2009.p.12. |
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