4.3.4 L'insertion des initiatives privées dans
le projet urbain
Les projets privés ont tout intérêt
à ne pas être en contradiction avec la volonté politique.
En effet, même si les CDAC venaient à disparaître, les
promoteurs auraient toujours besoin de l'accord des élus lors du permis
de construire et pour la viabilisation de leurs terrains. Au-delà des
éventuelles oppositions, les promoteurs ont besoin de connaître le
projet urbain. En effet, nous avons vu que les politiques de
déplacements modifiaient la répartition du commerce et que le
développement de l'habitat sur un territoire pouvait transformer le
marché en présence.
Pour ces raisons, le commerce a besoin de règles
claires et stables146. Si le projet est précisément
défini, les promoteurs pourront prévoir les décisions des
CDAC et adapter leur programme en fonction des objectifs des
collectivités. Les acteurs du commerce souffrent souvent de la lenteur
de la planification. Un PLU s'élabore en quatre ans minimum et un SCoT
en six ans147. Ce temps n'est pas en adéquation avec les
décisions rapides des foncières, comme Immochan, qui jonglent
entre des charges importantes et la recherche de profits.
Dans un même temps, les collectivités sont
dépassées par la rapidité des évolutions
commerciales. On voit sur Avignon Nord qu'il est difficile d'avoir un projet
d'ensemble qui regroupe tous les acteurs publics. L'agence d'urbanisme
mène actuellement une étude pour établir une
stratégie d'évolution de la zone commerciale mais elle se heurte
à plusieurs projets divergents. La commune de Sorgues souhaite continuer
le développement du commerce alors que celle du Pontet a des projets de
mixité fonctionnelle. Le futur quartier du Pontet devrait être
intégré au tissu urbain par des cheminements doux mais le Conseil
Général souhaite construire une nouvelle voie express entre les
habitations et la zone commerciale... Les acteurs privés regrettent
l'indécision des pouvoirs publics, qui ne parviennent pas à
mettre leurs projets en cohérence148.
146 BONNEVILLE M. et BOURDIN V. (Décembre 1997),
Planification urbaine et développement commercial, de la
réglementation à la concertation, in Les annales de la
recherche urbaine n° 78, p.18
147 SCHMIT P. (15 février 2010), Commerce : la faim
des gros, la fin des petits, in La Lettre du cadre territorial n°395,
p.15
148 Entretien avec Sara SHERIFF (2011), responsable
montage d'opérations de la société Immochan région
Midi.
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Pourtant, les promoteurs de zones commerciales se sont
dotés de moyens techniques pour s'intégrer dans les projets
urbains. Depuis 2008, Immochan a développé une filiale, Citania,
qui est en charge des opérations de renouvellement urbain. Contrairement
à Immochan, c'est une structure qui est en mesure de réaliser des
opérations mixtes comprenant des logements et des bureaux. A ce jour, la
société n'a pas encore réalisé d'opération.
Mais, dans le cadre d'un projet urbain porté par l'ensemble des
partenaires publics, elle pourrait être amenée à
restructurer le pôle commercial Avignon Nord.
Le projet urbain pourra toutefois se heurter à des
problèmes de coût, en ce qui concerne le renouvellement urbain. En
effet, nous avons vu qu'une restructuration coûte cher, notamment
à cause de la perte des fonds de commerce. Le renouvellement urbain est
donc difficilement envisageable par les propriétaires si les
bâtiments ne sont pas vacants.
Pour mettre en relation le projet des pouvoirs publics et les
intérêts économiques des acteurs privés, la
concertation semble être indispensable. Les élus locaux peuvent
par exemple accepter un accroissement de la surface de vente en échange
d'une restructuration. Les négociations ont toujours existé.
Auparavant, elles abordaient surtout les thèmes de l'emploi, des taxes
et des contributions. Aujourd'hui, les réflexions entre les
investisseurs et la collectivité traitent également de
l'étalement urbain, de l'insertion dans les réseaux de
transports, des polarités économiques et résidentielles,
...149
Le rapport ministériel Rochefort estime que le commerce
ne peut pas être traité par une planification rigide, comme on
pourrait le faire avec la voirie. Il nécessite beaucoup plus de
compromis pour respecter à la fois les règles d'urbanisme et la
liberté d'établissement. Il faut selon lui : « interdire
parfois, inciter souvent, accompagner et favoriser toujours
»150.
149 Interview de Bertrand Julien-Laferrière, membre du
directoire d'Unibail-Rodamco dans : SCHMIT P. coordonateur (juin 2009),
Dossier Urbanisme commercial, in Intercommunalités n°135,
p.12
150 ROCHEFORT R. (2008), Un commerce pour la ville,
Rapport au Ministre du Logement et de la Ville, p.19. Robert Rochefort est le
directeur du CREDOC.
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