L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008( Télécharger le fichier original )par Jules Bertrand TAMO Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011 |
2 - Le vote du texte de révisionDéposé le 24 novembre 1995 devant le Bureau de l'Assemblée nationale, le projet de loi n° 590/PJL/AN portant révision de la Constitution est déclaré recevable par la Conférence des présidents le 27 novembre 1995. Son examen s'est déroulé à partir du 30 novembre au 23 décembre de la même année, date à laquelle il sera voté et adopté. La discussion générale de la Chambre entière a duré cinq jours, du 30 novembre au 4 décembre 1995. A la Chambre entière comme en Commission des lois constitutionnelles, le projet était défendu par le premier ministre, le vice-premier ministre chargé de l'Administration Territoriale, le ministre d'Etat chargé de la Communication, le Secrétaire général de la présidence de la République, le directeur du Cabinet civil de la présidence de la République, le ministre de la Justice et le ministre de l'Enseignement supérieur en présence du ministre délégué chargé des relations avec les Assemblées. Le projet de révision soumis par le président de la République à l'examen des députés comportait soixante articles, mais il est sorti fort enrichi de l'examen en Commission des lois constitutionnelles. L'examen en Commission avait débuté le 5 décembre et s'était poursuivi jusqu'au 17 décembre 1995, soit environ deux semaines de travail. Tout a été examiné en détail, du Préambule à la disposition finale. Le consensus était recherché dans la mesure du possible, mais le vote s'était avéré indispensable pour départager les points de vue. La discussion portait notamment sur la dénomination de l'Etat, la nature du régime politique, le mandat présidentiel (le projet gouvernemental prévoyait cinq ans renouvelable une fois ; c'est en Commission que le mandat est passé à sept ans après un vote de dix-huit contre onze), l'élection présidentielle anticipée (la discussion a dû être suspendue faute de consensus), le fait que le président de la République puisse être Chef de parti (l'interdiction proposée n'a pas été retenue), la désignation du premier ministre, de la désignation des membres du Gouvernement parmi les élus parlementaires (amendement rejeté par dix-neuf voix contre huit et trois abstentions), la désignation de 20% et non 30% des sénateurs par le président de la République (amendement rejeté par dix-huit voix contre douze), la présidence du Conseil régional par une personnalité autochtone de la région dont on proposait la suppression (amendement rejeté par quinze voix contre treize et deux abstentions), la création des régions seulement par la loi et non par le président de la République (amendement rejeté par dix-sept contre douze et une abstention), le calendrier de mise en place des institutions, lesquelles devaient l'être selon l'amendement proposé avant la fin du mandat en cours du président de la République (amendement rejeté par dix-huit voix contre douze), entre autres points abordés. C'est également en Commission que fut proposé l'amendement relatif à la déclaration des biens, lequel est devenu l'article 66 de la Constitution251(*). La question relative à la position du Gouvernement sur cet amendement est controversée. C'est ainsi que l'honorable Faustin ETOUE WAM, président de la Commission des lois constitutionnelles de l'époque affirmait que sur ce point précis « le Gouvernement n'était pas d'accord »252(*) ; ce qui est en contradiction avec le Rapport du député Hilarion ETONG qui révèle plutôt le soutien du Gouvernement à cette idée, pourvu que la Constitution en fixe simplement le principe, les conditions et les modalités de déclaration étant laissées à la loi253(*). Au moment où la Commission remet son Rapport à la Chambre entière, le projet de révision avait subi d'importants réajustements. Sur les régions par exemple, « nous avons tout réécrit », s'extasiait le député Faustin ETOUE WAM254(*). Ces amendements seront pour l'essentiel entérinés par la Chambre entière. La plénière d'adoption du projet de loi constitutionnelle s'était tenue les jeudi 21, vendredi 22 et samedi 23 décembre 1995. Après présentation par le député Hilarion ETONG du Rapport de la Commission des lois constitutionnelles avait suivi le débat général sur le Rapport, débat animé par 170 députés au lieu de 180 qui composent normalement la Chambre. La séance ouverte à 17 heures 30 minutes ne déboucha sur aucun vote. Celui-ci n'interviendra que pendant la deuxième séance où la discussion ayant débouché sur un vote était déclenchée par une intervention du député UNDP de la Mémé, l'honorable SONA ELONGE au sujet de la dénomination du Cameroun. Pour lui, le maintien de l'appellation « République du Cameroun » au lieu de « République unie du Cameroun » était un argument pour les séparatistes anglophones qui y voyaient un élément de méconnaissance et de mépris. Au vote, 107 députés avaient voté pour le maintien de la dénomination « République du Cameroun », 61 s'y opposaient et un député s'abstint255(*). La seconde discussion eut lieu à propos du mode d'élection du président de la République, l'UNDP par la voix de l'honorable EGBE BASSONG proposant un vote à la majorité absolue et non à la majorité simple. Cet amendement sera rejeté par 106 sur les 170 voix présentes. Le samedi matin, le MDR proposa l'élection du président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois; par 104 voix sur 170 l'amendement fut rejeté par les députés. Un peu plus tard, sur la proposition de l'UNDP d'élargir les pouvoirs de l'Assemblée nationale sur le contrôle de l'action gouvernementale, l'argument du régime semi-présidentiel conduisit au rejet de l'amendement. C'est l'UPC qui, vers 7 heures 30 minutes le samedi matin, déposa un amendement tendant à éliminer le fait que la présidence du Conseil régional soit réservée à un autochtone de la région. Après d'âpres débats que suscita cette question, l'amendement était soutenu par 40 députés, 105 s'y opposaient tandis que 25 s'abstenaient. Finalement, le projet de révision de la Constitution est adopté par 160 voix pour, 2 voix contre et 8 abstentions. Le débat constitutionnel prend ainsi fin, du moins au niveau de la Chambre, en attendant la promulgation par le président de la République, du texte de révision. Et depuis sa promulgation le 18 janvier 1996, ce texte n'a cessé d'être exploré. * 251 OLINGA (A.-D.), La Constitution de la République du Cameroun, op. cit., p. 44. * 252 Ibid., p. 44. * 253 Ibid., p. 44. * 254 Cité par OLINGA (A.-D.), Ibid., p. 44. * 255 Ibid., p. 45. |
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