CHAPITRE 1 :
PROBLEMATIQUE, CADRE D'ANALYSE ET METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
Le concept de la participation citoyenne est intimement
lié à celui de la démocratie (Bellilna et al,
2008). Originellement, la démocratie est venue consacrée le
principe de la participation des citoyens au choix de leurs
représentants (Villemeur et Magro, 2007). Avec
l'évolution et la modernité, la démocratie implique la
participation des citoyens au choix des leaders, à la conception des
programmes et politiques publiques, à leur mise en oeuvre et à
leur évaluation (Coote, A. et al, 1997; Bellilna et al,
2008). La question de la participation citoyenne a été
soulevée de façon itérative dans plusieurs forums de
débats et surtout au cours de la réflexion approfondie autour
de la thématique de la décentralisation et du partage du pouvoir
(Arnstein, 1969; Austin, J., Stevenson, H. et Wei-Skillern,
J.2006). En principe, le peuple, mandant primaire, doit être au
centre du processus décisionnel dans toutes les étapes de la vie
d'un pays notamment celles qui marquent un tournant décisif dans le mode
de fonctionnement d'un territoire. Le cas de la construction du parc de
Caracol est en ce sens un exemple très intéressant car selon les
spécialistes de l'Evaluation environnementale il serait un récent
cas d'échec du mécanisme de participation du public au processus
décisionnel.
La présente recherche porte sur les dispositifs
institutionnels de participation dans le domaine de l'environnement. À
l'instar d'autres domaines d'intervention de l'Etat, nous assistons en
Haïti depuis la fin des années 1980, à l'émergence de
nouveaux modes de gestion de l'environnement. Parmi ces modes on retient celui
de plus en plus exigé des bailleurs de fonds internationaux à
savoir l'Etude d'impact environnemental
Dans ce domaine spécifique la plupart des processus mis
en place par plus d'une centaine de pays et d'organisations à travers le
monde comportent des dispositifs de participation. Les modalités varient
d'une juridiction à l'autre notamment en ce qui concerne
l'identification des acteurs, l'ampleur et le moment de la participation
(Elliott et Williams, 2008). La plupart comporte de rendre public
l'information sur le projet, certaines prévoient la possibilité
de tenir de consultations sous forme de contacts informels,
d'ateliers, de groupes consultatifs, de questionnaires ou
d'assemblées publiques, et récemment, on a vu apparaitre
des processus de négociation et de collaboration
multipartite (Mahoney, Potter et al. 2007; Wright, Parry et al.
2005) suite à l'introduction de la médiation et des
comités de suivi environnemental.
1.1.-Les projets de
développement industriel entre bénéfices et coûts
sociaux
Certaines décisions marquent l'histoire d'un
territoire. Celles entourant l'implantation de grands complexes industriels en
font partie et c'est le cas de la construction du Parc industriel à
Caracol dans le Nord-est d'Haïti non loin de la frontière entre
Haïti en la République Dominicaine. De telles infrastructures
entraînent en effet des changements importants dans les territoires
habités (Gauthier, 1998 ; Gagnon 2010). Ces changements
concernent tout autant l'économie que l'occupation du territoire, les
pratiques sociales liées à la nature, la qualité de
l'environnement, la santé publique ou le paysage par exemple. Certains
sont souhaités, d'autres sont redoutés. Certains sont bien
connus, d'autres prêtent à débat.
Historiquement tolérés au nom du progrès
et de la croissance économique, plusieurs projets soulèvent de
plus en plus de questionnements, voire d'oppositions. Comme le rappellent les
contestataires : les projets présentés au nom du
développement n'apportent pas seulement des bénéfices, ils
ont aussi des coûts (Potter et al. 2007 ; Wright, 2005 ;
Gillis, 1999). De plus, ceux-ci ne sont pas répartis
également sur les territoires et dans les populations. Dans un contexte
où les sociétés sont traversées par des valeurs et
des intérêts variés (Gagnon, 2010), où des
demandes sociales parfois contradictoires et mouvantes sont exprimées
(Sauvé, 2007), les décideurs publics, locaux comme
nationaux, font parfois face à des dilemmes.
Divers outils ont été mis en place pour
éclairer leur travail, comme celui de l'étude d'impact
environnemental (EIE). Introduite en 1969 aux États-Unis, la
procédure formelle et légale est désormais adoptée
dans plus d'une centaine de pays (Elliott et Williams, 2008 ; Kemm,
2005 ; Douglas, 2001 ; Gillis, 1999 ; Mahoney, Potter et al.
2007; Wright, Parry et al. 2005).
Elle est aussi régulièrement exigée par
de grandes institutions financières (Banque Mondiale, Banque
Interaméricaine de Développement). En Haïti, depuis 1985,
il est fait l'obligation à « [tout promoteur]... ou
maître d'ouvrage de tout projet d'aménagement, d'ouvrage,
d'équipement ou d'installation qui risque, en raison de sa dimension, de
sa nature ou des incidences des activités qui y sont exercées sur
le milieu naturel, de porter atteinte à l'environnement est tenu de
réaliser, selon les prescriptions du cahier des charges, une
étude d'impact permettant d'évaluer les incidences directes ou
indirectes dudit projet sur l'équilibre écologique de la zone
d'implantation ou de toute autre région, le cadre et la qualité
de vie des populations et des incidences sur l'environnement en
général (...) » (Article 253, Titre IX,
Chapitre II De l'Environnement) sous l'autorité du
Ministère de l'Environnement (MDE).
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