2.3.-Les formes de
participation
Rechercher des solutions collectives aux problèmes
qualifiés d'affaires publiques nécessite, dans le cadre d'une
démocratie libérale (Enriquez, 1995), une participation
multiforme. Les formes les plus courantes utilisées par les pays qui
accordent une attention particulière à la participation citoyenne
sont l'information, la consultation, la concertation, le débat public,
la conciliation/médiation, la conférence de citoyens ou de
consensus, le jury de citoyens ou cellule de planification et les repas de
quartier.
Signalons qu'avec l'expansion de l'Internet, certains pays
industrialisés développent ces dernières années les
«e-gouvernance», «e-administration »,
«e-participation», etc., une façon de faciliter et
d'accélérer la participation du citoyen dans la gestion de la
chose publique à partir de son ordinateur personnel relié
à l'internet. Haïti n'est pas encore à ce stade et de ce
fait, nous fermons tout de suite la parenthèse. Nous nous contentons de
nous pencher alors sur les formes traditionnelles préalablement
citées.
· L'information.- Ce
paramètre est incontournable et constitue le préalable à
tout projet de participation. Il devient impérieux de fournir
suffisamment d'informations à la population appelée à
participer. Cette information véhiculée à travers les
médias traditionnels, médias de masse, Internet, réunions
publiques ou autres doit être complète, claire et
compréhensible. Ce n'est qu'à cette condition que la population
va être investie du pouvoir d'agir.
· La consultation.-
C'est lorsqu'en amont d'une politique, les décideurs demandent l'avis de
la population afin de connaître ses opinions, ses attentes et ses
besoins.
· La concertation.-
C'est une attitude globale de demande d'avis sur un projet ou une politique,
par la consultation de personnes intéressées par une
décision avant qu'elle ne soit prise.
· Le débat
public.- C'est une étape importante dans le processus
décisionnel qui s'inscrit en amont du processus d'élaboration du
projet ou de la politique.
· La
conciliation/médiation.- C'est la confrontation de
points de vue divergents des participants animés par le désir et
la volonté d'aboutir à une solution ou un consensus
majoritaire.
· La conférence de citoyens ou de
consensus.- C'est le dialogue public,
en vue d'un consensus, engagé entre un panel de citoyens profanes (qui
ont reçu des experts une formation préparatoire) et des
représentants du monde politique, économique et associatif sur
des problématiques d'ordre scientifique et technologique
(Bévort, 2002). Le rapport final comportant les avis et
recommandations du panel de citoyens sera rendu public et remis aux
décideurs politiques à l'issue de la conférence.
· Le jury de citoyens ou cellule de
planification.- C'est une
méthode (Bevort, 2002), à la différence de la
conférence de citoyens, qu'on utilise surtout au niveau local et
notamment dans le cadre du développement urbain. De fait, un panel de
citoyens informés représentant le noyau de leur communauté
et divisé en petite « cellule de planification » va
remettre - après discussions et évaluation de différentes
options relatives à une problématique de planification urbaine -
un rapport comportant avis et recommandations aux autorités
politiques.
· Les repas de
quartier.- C'est aussi une méthode de participation
qui s'applique à une sphère géographique très
réduite : « Le quartier ». Les premiers repas
de quartier hebdomadaires (Bevort, 2002) furent organisés
à Arnaud-Bernard, un vieux quartier de Toulouse (France), dans les
années 1991-1993. Ils avaient pour but de « contribuer
à inventer de nouvelles solidarités, de transformer les
mentalités dans notre pays, de prendre à revers la
technocratie ». Les participants furent à la fois acteurs et
organisateurs de ces repas qui leur offrent l'occasion de se rencontrer en
toute convivialité, d'échanger et d'envisager d'autres actions
communes.
C'est donc à travers l'une ou deux des formes de
participation décrites ci-dessous que vont se retrouver les acteurs qui
désirent intervenir dans l'élaboration de l'EIE. Les acteurs
intéressés sont le promoteur, les résidents, les
entreprises, les groupes, les individus et, de manière plus large, la
société civile.
2.4.-La société civile
Point n'est besoin de rappeler que la société
civile joue un rôle prépondérant dans tout processus de
participation citoyenne, de démocratie participative. Dans cet ordre
d'idées, divers auteurs ont travaillé sur ce thème et ont
montré, à travers leur définition du concept, les acteurs
composant la société civile et leurs rapports avec l'Etat.
Pour Saint-Simon (Houtard, 1995), par exemple,
la société civile indiquait au 18ème
siècle tout ce qui n'appartenait pas au pouvoir politique,
c'est-à-dire l'État. Tandis que Hegel voit en elle la
médiation entre la forme sociale primaire qui est la famille et la forme
la plus élevée, l'État. Dans son étude faite au
début du 19ème siècle sur la démocratie aux
Etats-Unis, Alexis de Tocqueville (1835 et 1840) constate que les
associations libres, en fonction du principe de l'égalité et de
la liberté d'opinion, se développent dans la sphère non
contrôlée par l'État. Gramsci étend, pour sa part,
la société civile à l'ensemble des organismes publics non
gouvernementaux, groupes et mouvements exprimant les préoccupations et
les droits populaires.
La dynamique constatée dans la vie associative en
Haïti, depuis deux décennies, se rapproche davantage de la
conception gramscienne de la société civile. On a, en effet,
observé à la chute de la dictature des Duvalier en 1986 à
un pullulement de comités de quartiers, d'organisations populaires,
d'associations socioprofessionnelles, de syndicats, de partis politiques,
d'organisations communautaires de base, etc. La plupart de ces associations ont
disparu et réapparu avec les conjonctures socio-politiques. Elles ont
certainement la vertu de porter tant soit peu la population en
général et leurs membres en particulier à
s'intéresser aux affaires publiques. On assiste alors à un
nombre appréciable de citoyens qui participent aux élections
présidentielles, législatives et municipales en qualité de
candidats ou d'électeurs. Ils appuient ou prennent activement part aux
manifestations des rues, aux grèves, meeting,
réunions-discussions, tribunes libres, etc.
|