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La responsabilité de protéger au regard de la crise libyenne

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par Hippolyte LUABEYA Pacifique
Université de Kinshasa RDC - Licence 2010
  

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C. Existence d'un éventuel droit d'ingérence humanitaire

L'article 2 §4 de la Charte de l'ONU interdit le recours à l'emploi de la force « soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ». Certains auteurs ont alors conclu que la règle de l'interdiction du recours à la force ne pourrait pas concerner les interventions humanitaires.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Mario BETTATI a soutenu que d'après cette interprétation de l'article 2 §4 de la Charte, certains recours à la force sont permis50. Si on raisonne de cette façon, les recours, qui ne sont pas dirigés « contre l'intégrité territoriale ou indépendance politique de tout Etat » ou qui ne s'opèrent pas « de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies », sont autorisés51. Il concevait le droit d'ingérence humanitaire comme «

48 THIBAULT Jean-François, « L'intervention humanitaire armée, du Kosovo à la responsabilité de protéger : le défi des critères »,in Annuaire français des relations internationales, Volume X, 2009, p.1

49 Lire L'intervention humanitaire : Un problème éthique, Document du Conseil OEcuménique des Eglises du 17 avril 2000, Suisse, p.1

50 BETTATI Mario, « Un droit d'ingérence ? », in R.G.D.I.P, tome 95, 1991/3, p.649

51 Lire dans ce même ordre d'idée LABRECQUE Georges, La force et le droit. Jurisprudence de la cij, Bruxelles, édition Yvon Blais, Bruylant, 2008, pp.4-22

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l'aménagement d'un nouvel espace juridique où se trouveraient indissolublement liés la légitimation de l'intervention humanitaire et le principe fondamental de l'indépendance et de la non soumission de l'Etat à l'égard de l'extérieur »52.

Outre cela, l'exclusion indiscutable des droits de l'homme du domaine réservé des Etats53 a conduit certains auteurs et certains Etats à proposer la consécration d'un devoir ou droit d'ingérence (ou d'intervention) humanitaire, en vertu duquel les Etats ou les ONG seraient fondés à apporter une aide d'urgence aux populations se trouvant en état de détresse54. Le mot a ici une fonction justificative de l'intervention dans les affaires d'un autre Etat55.

Le texte fondateur de ce droit est la résolution 688 du Conseil de Sécurité de l'ONU du 5 avril 1991 à propos des populations civiles irakiennes56. Ce droit trouve aussi ses origines dans l'allocution du Président François MITTERAND du 14 juillet 1991. Ce qui revient à dire que c'est la France qui a pris l'initiative de ce nouveau « droit » assez extraordinaire dans l'histoire du monde, qui est une sorte de droit d'ingérence à l'intérieur d'un pays, tel que signalé ci-haut, lorsqu'une partie de sa population est victime d'une persécution57.

Partant de cela, les Etats ont depuis des siècles tenté de justifier leurs interventions armées dans les affaires intérieures des autres Etats par des motifs nobles tels que la défense des droits de l'homme, la défense des minorités, celle de leurs ressortissants expatriés ou d'autres motifs d'humanité58.

52 BETTATI Mario, Le droit d'ingérence : mutation de l'ordre international, Paris, Odile Jacob, 1996, p.9. En outre, promoteur de cette notion de droit d'ingérence, Mario BETTATI affirmait que celle-ci est née de l'universalité des droits de l'homme qui autorise la communauté internationale à demander aux gouvernements des comptes sur leur manière de traiter leurs sujets.

53 L'arrêt Barcelona Traction de la C.I.J de 1970 déclarait déjà que les droits de l'homme n'étaient plus de la compétence exclusive des Etats, mais relevaient désormais de la compétence internationale ; lire aussi MENNA Yohan, Op-cit, p.3

54NGUYEN QUOC Dinh, DAILLER Patrick, FORTEAU Mathias et PELLET Allain, Op-cit, 2009, p.493

55 SALMON Jean (dir.), Op-cit, p.579

56 BELANGER Michel, Op-cit, p.93

57 Lire SALMON Jean (dir.), Op-cit, p.580

58 BOUCHET-SAULNIER Françoise, Op-cit, p.310

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En effet, Bernard KOUCHNER, l'un des pères fondateurs de cette notion, affirme, d'une part, que de manière générale, l'ingérence ne peut se mener au nom d'un Etat, mais doit être collective et, d'autre part, il qualifie de licites59 des opérations militaires menées de manière unilatérale sans le consentement du Conseil de sécurité telles l'opération Provide Confort qui s'est déroulé en avril 1991 dans le Kurdistan iraquien60.

Mais les ambigüités61 qui entouraient cette notion n'ont pas permis aux Nations Unies de la consacrer. Car l'ONU ne voulait pas consacrer une notion inverse au principe sacro-saint sur base duquel elle a été créée, le principe de non ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat.

Qu'à cela ne tienne, l'humanité a assisté, dans les années 90, à des opérations menées sous la bannière de l'ingérence telles que: les opérations «Provide Confort » au Kurdistan iraquien 1991(première opération militaire occidentale s'appuyant sur le droit d'ingérence), les opérations « Restore Hope » en Somalie 1992 (opération menée par 2800 hommes des troupes italiennes en Somalie pour mettre un terme à l'anarchie qui régnait en Somalie de manière à restaurer un standard de vie et des conditions minimales d'existence dans ce pays), l'opération « Turquoise » au Rwanda 1994 (opération menée par la France au Rwanda en 1994 pour protéger les populations de la guerre génocidaire qui déchirait le pays).

L'on ne doit donc pas être tenté de croire, comme il en a été le cas avec ses partisans, que la doctrine d'ingérence humanitaire se justifiait par la

59 KOUCHENR Bernard, Le malheur des autres, Paris, Editions Odile Jacob, 1991, p.291

60TSAGARIS Konstantinos, Le droit d'ingérence humanitaire, Mémoire de DEA, Université de Lille II - Faculté de Sciences Juridiques, Politiques, et Sociales, Année Universitaire 2000-2001, p.26

61 Pour les ambigüités de la notion du droit d'ingérence lire BOUCHET-SAULNIER Françoise, Op-cit, 2006, p.310 ; NGUYEN QUOC Dinh, DAILLER Patrick, FORTEAU Mathias et PELLET Allain, Op-cit, 2009, p.493 ; BULA-BULA Sayeman, « L'idée d'ingérence à la lumière du nouvel ordre mondial », in RADIC, Vol.6 n°1, 1994, p.15 ; BULA-BULA Sayeman, L'ambigüité de l'Humanité en droit international, Leçon inaugurale à l'occasion de la rentrée académique 1998-1999 des Universités officielles du Congo, Académie des Beaux-Arts, Kinshasa, le 29 novembre 1998, Kinshasa, PUK, 1999, p.4 ; DJIENA WEMBOU Michel-Cyr, « Le droit d'ingérence humanitaire : Un droit aux fondements incertains, au contenu imprécis et à géométrie variable », in Revue africaine de droit international et comparé (RADIC), vol.4, n° 3. Londres, La société africaine de droit international et comparé, 1999 ; KDHIR Moncef, Op-cit, p.901 ; BELANGER Michel, Op-cit, p.89

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pratique des interventions armées qui ont abouti à une coutume. Cette pratique ne suffit pas en elle-même pour établir une coutume. Car dans l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, la C.I.J admît que pour déduire l'existence de règles coutumières, il est suffisant que les Etats y conforment leur conduite de manière générale. Pour la Cour, les Etats doivent traiter eux-mêmes les comportements non conformes à la règle en question comme des violations à celle-ci et non pas comme des manifestations d'une règle nouvelle. La Cour ajoute, en outre, que la pratique ne peut être prise en compte que si elle illustre un accord entre les Etats, qui constituerait une opinion juris démontrant l'existence d'une règle coutumière.

Mais la question qui se pose est celle de savoir s'il existe un régime juridique de la notion d'ingérence. Si oui, c'est lequel ?

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote