B. Intervention humanitaire
L' « intervention humanitaire » peut être
définie en droit international public moderne comme une action
humanitaire entreprise, conduite ou acceptée par la communauté
internationale en faveur d'une population dont les droits fondamentaux sont
violés. Il s'agit d'une construction juridique, même si la
dimension morale est sous-jacente44.
Certains auteurs pensent même que le principe
d'intervention humanitaire est une extension de l'obligation d'assistance
à une personne en danger. Ils soutiennent que si une personne se trouve
dans une situation très difficile où sa survie est nettement
menacée, il est de notre devoir moral de lui venir en aide. Pour eux, il
s'agit d'un devoir impérieux. Cela n'est pas seulement louable, mais
moralement requis, de manière obligatoire, de venir à son
secours45.
Un obstacle majeur surgit lorsque le territoire de
l'État demeure inaccessible à l'assistance humanitaire parce que
des forces régulières ou irrégulières s'opposent au
transit des secours. Peut-on alors faire usage de la force ? À partir de
1991, le Conseil de sécurité consacre une nouvelle lecture du
chapitre VI puis du chapitre VII de la Charte. Ainsi, en 1992, une
opération de maintien de la paix
42 BELANGER Michel, Op-cit, p.87
43 Lire dans ce même sens BOUSTANY Katia,
« Intervention humanitaire et intervention d'humanité
évolution ou mutation du droit international ? », in Revue
québécoise de droit international, Vol 8 n° 1, 1993-94,
p.111
44 BELANGER Michel, Op-cit, p.90
45 Sur cette thèse morale, voir NADEAU
Christian, « Ingérence humanitaire et jus post bellum », in
Revue Aspects, n°2, 2008, p.54 ; NADEAU Christian, «
Conséquentialisme et Responsabilité collective »,
in Archives de philosophie du droit, n°48, 2004, pp.239-252
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classique, sous casque bleu, l'Onusom I (Opération des
Nations unies en Somalie)46 a été mise en place par le
Conseil de sécurité avec pour tâche « d'assurer aux
convois de secours des Nations Unies une escorte militaire suffisamment forte
pour décourager les attaques » (résolution 751 du 24 avril).
Mais cette opération demeure insuffisante et le Conseil de
sécurité décide, en 1993, dans sa résolution 794,
d'autoriser l'action de forces nationales. Sous le nom de Restore
hope, la nouvelle opération se déploie parallèlement
à l'élargissement du mandat de la force des Nations Unies,
décidé par la résolution 814 le 26 mars 1993. Onusom II
est la première opération autorisée à recourir
à la force en vertu du chapitre VII de la Charte. Elle mobilise des
forces nationales de plusieurs pays.
Il y a différents types d'interventions humanitaires :
la protection des nationaux de l'Etat intervenant, la protection des nationaux
de l'Etat où se situent l'intervention et la protection « mixte
» (la protection des minorités entre dans ce cadre). La
théorie de l' « intervention humanitaire » repose sur
l'idée d'un droit de regard humanitaire. Elle envisage ce que l'on peut
appeler une régulation humanitaire (comme on parle de régulation
économique). La construction juridique de
l' « intervention humanitaire » établit une
distinction entre : un droit général d'intervention humanitaire,
dont les mécanismes principaux sont la saisine du Conseil de
Sécurité (ou de l'Assemblée Générale) de
l'ONU (avec l'article 35 §1 de la Charte de l'ONU), la saisine du
Comité des Droits de l'Homme (dans le cadre de l'application du pacte
international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre
1966), ou encore la procédure de l'enquête sanitaire
internationale selon le règlement sanitaire de l'OMS ; et un droit
d'intervention humanitaire ad hoc, fondé sur l'article 51 de la Charte
de l'ONU47.
Rappelons, à ce stade, que l'intervention humanitaire
armée a toujours constitué un problème controversé
en relations internationales. Elle est comprise comme l'action d'un Etat ou
d'un groupe d'Etats cherchant à prévenir ou à
46 CORTEN Olivier et KLEIN Pierre, «
L'autorisation de recourir à la force à des fins humanitaires :
droit d'ingérence ou retour aux sources? », in 4 EJIL, 1993,
p. 506
47 BELANGER Michel, Op-cit, p.90
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mettre un terme à des violations graves des droits de
la personne et usant, pour ce faire, de mesures coercitives sans obtenir au
préalable la permission de l'Etat sur le territoire duquel ces mesures
sont employées. Est exclue, dans cette définition, une
intervention qui serait engagée par un Etat en vue d'apporter un secours
à des individus qui sont des co-auteurs48.
Ayant été généralement
considérée comme contrevenant aux normes établies du droit
international, la pratique de l'intervention humanitaire a été
condamnée par la plupart d'Etats. Il a fallu attendre les bombardements
de l'OTAN en République Fédérale de Yougoslavie pour que
le débat sur la légitimité de l'intervention humanitaire
s'enflamme49. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les
rédacteurs de la Charte des Nations Unies en ont écarté
explicitement la possibilité.
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