SECTION 2. EXCEPTIONS AU PRINCIPE DE NON-INGERENCE
Puisqu'il est clair que la règle de
non-ingérence a perdu une très grande part de son
intérêt, pour en respecter l'esprit, il semble qu'il faille
aujourd'hui la comprendre différemment37.
Ainsi, les exceptions trouvées par les
auteurs38 pour atténuer ce principe sont l'intervention
d'humanité, l'intervention humanitaire et le droit
34SKOLNIKOFF (E), BREZINSKI (Z) et BASIUK,
cités par TSHILUMBAYI MUSAWU Jean-Claude, De l'obligation de
non-ingérence à l'ingérence droit/devoir et/ou morale
d'extrême urgence d'assistance humanitaire, Mémoire de
diplôme d'études approfondies en droit public international,
Faculté des sciences sociales, administratives et politiques,
Département des relations internationales, UNIKIN, 2006-2008, p.3
35 CHARVIN Robert et SUEUR Jean-Jacques, Droits
de l'homme et libertés de la personne, 2ème
édition, Paris, Litec, 1997, p.4
36 BETTATI Mario et BASTID Suzanne cités par
DOR Virgine, De l'ingérence humanitaire à l'intervention
préventive. Vers une remise en cause des principes du droit
international, Mémoire, Institut européen des hautes
études internationales. Diplôme européen des hautes
études internationales, 2002-2003, p.13
37 VERHOEVEN Joe, Op-cit, p.145
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d'ingérence humanitaire (§1). En d'autres termes,
ces auteurs ont voulu insérer la notion d'ingérence en droit
international. Ce qui fait qu'il faudra aussi analyser le régime
juridique de la notion d'ingérence, s'il en existe (§2).
§1. Intervention d'humanité, intervention
humanitaire et droit d'ingérence
La doctrine a depuis toujours, si pas développé,
mais classifié les exceptions au principe de non-ingérence. Les
uns ont parlé de l'intervention d'humanité ; d'autres de
l'intervention humanitaire ; et d'autres encore du droit d'ingérence
humanitaire.
A. Intervention d'humanité
L'expression d' « intervention d'humanité »
a, semble-t-il, été inventée par Léon Bourgeois. On
parle parfois également de « protection d'humanité » ou
« d'autoprotection ». Une véritable théorie de
l'«intervention d'humanité » a été
formulée à la fin du XIXe siècle et au début du XXe
siècle, notamment grâce au belge Gustave
Rolin-Jaequemyns39 et au Français Antoine Rougier (avec une
étude publiée en 1910 dans la Revue générale de
droit international public)40.
L' « intervention (armée) d'humanité »
s'analyse aujourd'hui comme une action unilatérale étatique (un
Etat ou un groupe d'Etats) pour la protection des nationaux de l'Etat ou des
Etats intervenant à l'extérieur de leurs frontières. C'est
une « ingérence soustractive »41.
38 Joe VERHOEVEN, par exemple, retient que dans sa formulation
habituelle, la règle de non-ingérence est
néanmoins assortie de deux tempéraments. Le
premier légitime l'intervention sollicitée. Celle-ci constitue en
réalité une assistance dont la licéité paraît
élémentaire au sein de la « communauté » des
Etats, à la condition au moins que la demande d'aide ne soit pas
entachée de nullité et qu'elle n'ait point pour objet de violer
une règle de jus cogens. Le second concerne l'intervention dite
d'humanité. La licéité de celle-ci demeure très
controversée, en dépit de la manière d'enthousiasme que
suscite aujourd'hui « l'ingérence humanitaire ». Elle ne
semble cependant pas pouvoir être catégoriquement exclue. Lire
VERHOEVEN Joe, Op-cit, p.146
39 Le fondateur de l'institut de droit
international a publié en 1876 dans la Revue de droit international et
de législation comparée une étude sur « le droit
international et la phase actuelle de la question d'Orient », qui
amorçait cette théorie
40 BELANGER Michel, Op-cit, p.87
41 BETTATI Mario, Op-cit, p.204
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La pratique de l' « intervention d'humanité »
a en fait évolué. Au départ, elle peut être
rapprochée de la pratique actuelle de l'ingérence humanitaire.
Mais elle repose fondamentalement sur l'idée de la défense des
intérêts des Etats intervenant, et s'est orientée
d'ailleurs vers la protection des nationaux de ces Etats, qui résidaient
dans des Etats tiers42. Ce sont d'ailleurs ça les principales
critiques qui avaient été adressées à
l'intervention d'humanité43.
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