B. Quelques dérapages de l'action de l'OTAN en
Libye
L'intervention de l'OTAN en Libye a connu quelques
dérapages qu'il faudra examiner. Il s'agit notamment du manque de
réalisme de l'OTAN dans certaines de ses frappes confondant leur cible
et ayant tué plusieurs personnes parmi les forces rebelles et les
civils, du bombardement de la résidence du colonel Mu'ammar Kadhafi, la
mort d'un de ses fils, Mouta Sim Kadhafi, pendant ces frappes. Il y a lieu de
souligner que l'action de l'OTAN en Libye n'avait pas empêché la
commission de graves violations des droits de l'homme en Libye271 ou
que le cessez-le-feu tant exigé par la résolution de 1973
s'observe un peu tardivement.
En outre, il convient de signaler l'exécution «
extra judiciaire » du colonel Mu'ammar Kadhafi le 20 octobre 2011 par les
troupes du CNT sous la direction des opérations militaires par
l'OTAN.
A ce sujet, l'article 11 point 1 de la Déclaration
Universelle des droits de l'homme dispose que « toute personne
accusée d'un acte délictueux est présumée innocente
jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie au cours d'un procès public où
toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront
été assurées ». Surabondamment, l'article 6 point 1
du Pacte International relatif aux
271 En ce qui concerne les violations des droits de l'homme en
Libye, on consultera le rapport d'Amnesty international du 13 septembre 2011.
Ce document de plus d'une centaine de pages décrit les graves violations
des droits humains qui ont été commises tout au long du conflit
de ces six derniers mois. Il se fonde principalement sur les informations
collectées lors d'une mission qu'a effectuée Amnesty
International sur le terrain entre le 26 février et le 28 mai 2011, en
particulier dans les villes d'El Beïda, Ajdabiyah, Brega, Benghazi,
Misratah et Ras Lanouf. Des délégués d'Amnesty
International sont retournés en Libye à la fin du mois
d'août, quelques jours avant que les forces d'opposition prennent
d'assaut Tripoli.
118
droits civils et politiques de 1966 renchérit en
disposant que « le droit à la vie est inhérent à la
personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi.
Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie ».
Ceci revient à dire que rien ne justifie
l'exécution extrajudiciaire dont ont été l'objet le
Colonel Mu'ammar Kadhafi ainsi qu'un de ses fils. Bref, il y a eu une
exécution « ultra petita »de la résolution 1973 par
l'OTAN.
Enfin, il convient de signaler qu'alors que l'impasse
militaire menaçait la Libye, l'ONU gardait son autorité juridique
et le soutien moral et politique qui l'accompagnait. C'est ainsi que l'OTAN
devait en tenir compte car elle ne devait pas la dépasser si elle
voulait préserver sa propre crédibilité et la
capacité du monde à intervenir dans de tels cas de conscience.
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CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
L'instauration de la démocratie tient à coeur
les populations du continent africain. La preuve la plus marquante est le
soulèvement des peuples du Maghreb et du Machrek au début de
l'année 2011. Ces peuples ont pris la ferme résolution de prendre
congé des régimes totalitaires ayant survécu aux
différents changements qui ont frappé le monde pendant les
années 90. C'est dans ce cadre que peut s'inscrire le soulèvement
populaire en Libye.
La communauté internationale a assisté en
février 2011 aux exactions des autorités libyennes sur sa
population qui s'était soulevée pour réclamer ses droits
pacifiquement. Il fallait alors trouver une solution à cette crise.
C'est ainsi que le Conseil de Sécurité, à l'initiative de
certains Etats, va par sa résolution 1970 prendre des mesures pacifiques
pour arriver à y mettre fin. Cette résolution n'a pu être
respectée par les autorités libyennes. La passation à la
prise des moyens plus efficaces dans la résolution 1973 s'était
révélée importante pour ainsi mettre en oeuvre la
responsabilité de protéger que nous avons analysée dans la
première partie.
Après avoir répondu aux exigences de
légalité et de légitimité, la résolution
1973 a été appliquée par plusieurs acteurs dont le CNT, la
ligue arabe, la coalition et l'OTAN. La légalité et la
légitimité ont été analysées parce qu'hormis
son aspect conceptuel et son ambition normative, la responsabilité de
protéger est envisagée comme un ensemble d'actions devant trouver
l'application des principes de la Charte des Nations Unies, une
légalité et une légitimité internationales.
Mais le constat malheureux que nous avons fait est que,
malgré la prise de cette résolution, il a fallu du temps pour
arriver à un cessez-le-feu en Libye pendant que les milliers des libyens
mouraient du jour au lendemain. Aussi, le principe de la responsabilité
de protéger qui avait été invoqué pour
protéger les peuples libyens a été instrumentalisé
dans la mesure où il y a eu certains dérapages et violations
du
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DIH qui étaient fréquents dans l'affrontement
direct entre les forces du colonel Kadhafi et les insurgés
appuyés par la coalition et l'OTAN.
De part et d'autres, on assista à l'ouverture du feu
sur des civils qui, d'après la résolution 1973, devraient
normalement être protégés. Par exemple, l'OTAN,
mandatée par l'ONU, a eu à maintes reprises à confondre de
cible dans ses bombardements en tuant les civils voire certains fils du colonel
Kadhafi. Outre cela, certaines puissances occidentales ont fait
prévaloir leurs intérêts au lieu d'appliquer le principe.
Ce qui revient à dire que le principe de la responsabilité de
protéger a été certes appliqué mais pas comme il se
doit. Cette situation risquerait de faire croire que chaque fois que quelqu'un
invoque l'humanité c'est dans l'intention de tricher.
Mais au delà de tout ce qui vient d'être
affirmé, le principe de la responsabilité de protéger
reste en soi, un instrument important pour la garantie de la
sécurité humaine et la prévention des massacres de masse.
La décision de son application ne doit donc pas tenir compte des
intérêts en présence pour éviter qu'il y ait des
populations qui meurent à cause d'une politique
généralisée et systématique de leurs gouvernements
tels que cela se constate en Syrie où il y a plus de 5 000 morts
d'après l'ONU. Mais hélas ! La mise en oeuvre du principe de la
responsabilité de protéger se trouve être
étouffée par les Etats au sein de l'ONU à cause de la
diversité d'intérêts en présence.
Mettre en oeuvre la responsabilité de protéger
dans l'idée première conçue par ses rédacteurs
serait, à notre avis, une nouvelle approche dans la construction d'un
monde résolument humain et pacifique et échapperait à
l'idée d'une responsabilité assumée par les grandes
puissances. Car le vibrant appel de Paul VI en 1965, lors du
20ème anniversaire de la Charte à la tribune de
l'Assemblée Générale des Nations Unies, « jamais
plus la guerre jamais plus la guerre », n'a pas fini de
résonner dans la conscience humaine.
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