B. Légitimité de cette intervention en
droit international
La question qui est soulevée ici est celle de savoir si
l'usage de la force contre un autre Etat est légitimé pour la
promotion ou la restauration de la démocratie, la réalisation de
l'autodétermination, l'intervention, qualifiée d'humanitaire ou
autrement, pour le sauvetage de nationaux ou pour d'autres motifs.
254 Abordant la question des évolutions de la
sécurité collective, Yves PETIT souligne que lors du drame du
Kosovo, le Conseil de Sécurité a posé un principe
d'accès aux victimes, dans le respect des principes de neutralité
et d'impartialité. De ce fait, les Nations Unies autorisent les Etats
à intervenir auprès des victimes, en utilisant leur forces
armées si besoin est, pour leur fournir une assistance directe,
protéger les populations civiles ou rétablir un minimum de
sécurité pour qu'elles retrouvent des conditions de vie normales.
Lire PETIT Yves, Op-cit, pp.45-51
255 Voir Résolution 1973 du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, S/RES/1973 (2011), point 4.
256 PETIT Yves, Op-cit., p.77
113
Pour éviter certains débats du passé
concernant la légitimité de l'emploi de la force par un Etat, par
exemple le cas de l'intervention des Etats-Unis en Irak pour l'imposition de la
démocratie au monde dont la légitimité posait
problème à cause de son unilatéralisme militaire,
désormais, de telles interventions dans le cadre des Nations Unies
requièrent d'alliés pour leur légitimation. En effet, le
multilatéralisme garde tout sens, s'il vise le renforcement du cadre des
Nations Unies, dans le respect des buts et principes de la Charte. Ce qui
revient à dire que toute aventure unilatérale quant à
l'emploi de la force en droit international manque de légitimité.
Car il convient de faire que ce qui est « légal » soit
également « légitime ».
La légitimité tient compte de
l'efficacité, en considérant les résultats. Ce faisant,
loin d'affirmer que les fins justifient les moyens, elle rappelle que les
conséquences peuvent hypothéquer les meilleures intentions. Reste
à déterminer, en évitant tout raisonnement circulaire, la
justesse des fins et la justesse des moyens, c'est-à-dire à
« justifier la guerre »257.
Outre ce qui vient d'être dit, toute intervention
militaire tire sa légitimité de l'autorité à
laquelle elle se rattache. C'est ainsi que dans le cadre de la
responsabilité de protéger, l'autorité légitime
pour décider une telle intervention militaire c'est le Conseil de
Sécurité de l'ONU258.
Force est de constater que le rapport du Panel
présenté sous le titre « Un monde plus sûr : notre
affaire à tous » élaboré par un groupe de
personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le
changement mis en place par le Secrétaire Général Kofi
ANNAN et transmis par lui à l'Assemblée Générale
officiellement en décembre 2004259 aborde la question de
légitimité « en allant tout droit à la question
de savoir, non pas si la force peut légalement être
employée, mais si la morale et le bon sens commande qu'elle le soit
»260.
257 ANDREANI Gilles et HASSNER Pierre cités par DECAUX
Emmanuel, Op-cit., p.10
258 CIISE, Op-cit., p.XII
259 A/59/565 du 2 décembre 2004, Un monde plus
sûr : notre affaire à tous, Rapport du Groupe de
personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le
changement
260 Idem, §205
114
Ainsi, il sera constaté qu'en Libye, les raisons qui
justifient l'emploi de la force sont :
1. La gravité de la menace car le risque d'un massacre
qualifié par la suite par le Conseil de Sécurité des
crimes contre l'humanité était constaté en
Libye261. En effet, le risque d'un massacre de civils imminent
était aussi réel à Benghazi ;
2. La légitimité du motif car il est
évident que l'opération militaire envisagée par le Conseil
de Sécurité a pour objet principal de stopper la menace en
question, nonobstant les autres considérations ou motivations en
présence262. Si le pétrole (ou le changement de
régime) avait été la motivation première, la Ligue
Arabe et le Conseil de Sécurité n'auraient jamais avalisé
l'intervention militaire;
3. Le dernier ressort car toutes les opérations non
militaires pour faire face à la menace en Libye ont été
examinées et il y a lieu de penser raisonnablement que les autres
mesures étaient vouées à l'échec263. En
effet, la résolution 1970 du 26 février 2011 exerçait des
sanctions ciblées, un embargo sur les armes et la menace de poursuites
par la Cour Pénale Internationale pour concentrer l'attention du Colonel
Mu'ammar Kadhafi sur la protection des civils. Ce n'est que lorsque cela a
échoué que la résolution 1973 a autorisé l'option
militaire ;
4. La proportionnalité des moyens car l'ampleur, la
durée et l'intensité de l'opération militaire
envisagée en Libye semble être le minimum requis pour faire face
à la menace en question dans la mesure où le Conseil
déplorait le fait que les autorités libyennes continuaient
d'employer des mercenaires264;
5. La mise en balance des conséquences car il est
raisonnable au stade actuel d'admettre que l'intervention militaire en Libye a
réussi à faire pièce à la menace en question et
qu'à notre avis, il est difficile de prétendre que l'utilisation
de la force a coûté plus de vies qu'elle n'en aurait sauvé.
Cela se justifie par le fait que l'abstention face à l'urgence est plus
à craindre que la manipulation de la norme265.
261 Voir préambule de la résolution 1973 du Conseil
de sécurité des Nations Unies, S/RES/1973 (2011)
262 Idem, point 4
263 Ibid., préambule
264 Ibid.
265 Voir WEISS Thomas cité par TARDY Thierry, «
L'ONU et le recours à la force ou le mariage de la carpe et du lapin
», in Etude Raoul-Dandurand, n°12, 2006, p.25
115
Ce n'est donc que puisque ces cinq critères
fondamentaux de légitimité266 dont doit tenir compte
le Conseil de Sécurité pour déterminer s'il doit autoriser
ou approuver l'usage de la force militaire sont réunis, tout en
considérant les autres exigences de légitimité
émises par le rapport du Panel à savoir : la morale et le bons
sens, que l'intervention de l'OTAN en Libye est légitime. Car lorsque
notre humanité commune est menacée, même si nous ne faisons
pas tout ce que nous devrions, ne devrait-on pas au moins faire tout ce que
nous pouvons ?
Quant au document onusien élaboré par la CIISE,
ce document souligne qu'une intervention ne peut être
considérée comme légitime que si « un
dommage grave et irréparable touchant des êtres humains est en
train (ou risque à tout moment) de se produire. »267.
Autre motif justifiant la légitimité de l'intervention de l'OTAN
en Libye car ce motif a été aussi observé en Libye avant
que l'OTAN ne puisse intervenir.
C'est ici qu'il convient d'admettre que bien qu'il n'y a pas
d'innovation véritable avec la responsabilité de protéger
au regard de son contenu, il y a quand même quelques précisions
apportées notamment sur la mise en place de critères de
légitimité concernant l'intervention268.
La dernière question qui se pose est celle de savoir
si, bien qu'étant légale et légitime, l'action de l'OTAN
en Libye était conforme aux prescrits de la résolution 1973.
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