§2. Administration sous l'autorité de l'ONU
La question d'autorité permet de canaliser toute action
sur le plan du droit. C'est une question qui vise à s'éloigner de
l'anarchie. Ainsi dit, toute action entreprise ne peut réussir que si
elle est rattachée à une autorité bien
déterminée168. C'est ce qui justifie que la dimension
reconstructive de la R2P ne peut se réaliser sans l'administration de
l'ONU qui en est l'autorité légitime.
En effet, toute action post-facto doit viser, comme le
souligne la CIISE, à favoriser le progrès politique,
économique et social des populations du territoire
considéré ;d'encourager le respect des droits de l'homme ;
d'assurer l'égalité de traitement dans le domaine social,
économique et commercial à tous les peuples, et d'assurer
également l'égalité de traitement dans l'administration de
la justice, tel qu'il ressort de l'article 76 de la Charte des Nations Unies.
Il est donc aisé ici de faire application du chapitre XII de ladite
Charte.
L'ONU rappelle que, fondamentalement, la
responsabilité de protéger est un principe conçu pour
réagir à des menaces à la vie humaine, et non un
instrument servant à réaliser des objectifs politiques tels que
l'autonomie politique accrue, l'autodétermination ou
l'indépendance de groupes particuliers dans le pays (encore que ces
problèmes sous-jacents puissent parfaitement être liés aux
préoccupations humanitaires qui sont à l'origine de
l'intervention militaire). L'intervention elle-même ne doit pas servir de
base à de nouvelles revendications
séparatistes169.
C'est ici que trouve place le débat qui oppose le
détracteur de la responsabilité de protéger à ses
partisans. Ces détracteurs fustigent l'instrumentalisation politique de
ladite notion en ce sens que c'est une responsabilité
168 Voir CIISE, Op-cit, p.48 ; DECAUX Emmanuel,
Op-cit, p.4
169 CIISE, Op-cit, p.48
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assumée par les grandes puissances et
l'instrumentalisation militaire de la protection en ce sens que le militaire
n'est plus employé dans des cas extrêmes et
rarissimes170.
La grande question qui se pose ici est celle de la «
tutelle » qui subit une résistance
généralisée, au motif qu'elle ne représente qu'un
autre type d'ingérence dans les affaires intérieures d'autrui.
Elle renvoie aussi aux problèmes de souveraineté dans la mesure
où l'on peut se trouver en face d'une puissance extérieure qui
maintient sa présence dans un pays en crise après y être
intervenue.
En effet, le rapport sur la doctrine onusienne précise
qu'une intervention suspend les revendications de souveraineté dans la
mesure où la bonne gouvernance (ainsi que la paix et la
stabilité) ne saurait être favorisée ni rétablie
sans que l'intervenant exerce son autorité sur le territoire. Mais il ne
s'agit que d'une suspension de facto, pour la durée de
l'intervention et la période qui suit, et non d'une suspension de
jure171.
En somme, la responsabilité de protéger affirme
qu'une intervention entreprise pour protéger des êtres humains ne
doit être entachée d'aucun soupçon d'impérialisme
néocolonial. Bien au contraire, la responsabilité de
reconstruire, qui découle de l'obligation de réagir, doit avoir
pour dessein de rendre la société à ceux qui y vivent et
qui, en dernière analyse, doivent assumer la responsabilité de
son destin futur172.
C'est là l'essentiel du contenu de la
responsabilité de protéger tel que conçu dans le cadre
onusien. Puissions-nous alors analyser sa mise en oeuvre avant de voir comment
est-ce qu'elle a été appliquée en Libye.
170 A ce sujet lire CROUZATIER Jean-Marie, Op-cit,
pp.20-25
171 CIISE, Op-cit, p.48
172 Idem, pp.49-50
173 A/63/677 du 12 janvier 2009, La mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger, Rapport du Secrétaire
Général des Nations Unies
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