B. La consolidation future de la paix et de la
sécurité
Rappelons que le Conseil de Sécurité et le
Comité spécial des opérations de maintien de la paix de
l'Assemblée Générale ont tous deux constaté et
reconnu que la consolidation de la paix était un élément
important des opérations de maintien de la paix et contribuait pour
beaucoup à leur succès. Ainsi, dans une déclaration de son
Président adoptée le 29 décembre 1998, le Conseil de
Sécurité a encouragé le Secrétaire
Général à « envisager la possibilité de mettre
en place des structures de consolidation de la paix après les conflits
dans le cadre des efforts accomplis par le système des Nations Unies
pour parvenir à un règlement pacifique durable des
différends... »156.
Pour sa part, le Comité spécial des
opérations de maintien de la paix, dans le rapport qu'il a
présenté plus tôt en 2000, a souligné qu'il
importait de définir explicitement et d'identifier clairement les
diverses composantes d'un programme de consolidation de la paix avant de les
intégrer dans le mandat d'opérations de paix complexes, afin de
permettre ensuite à l'Assemblée Générale d'examiner
s'il est opportun de continuer à appuyer des éléments
clefs du programme de consolidation de la paix lorsqu'une opération
complexe arrive à son terme157.
En effet, une fois que les zones post-conflictuelles ont
été sécurisées, le processus de reconstruction
s'inscrit dans une démarche de consolidation pérenne de l'ordre.
À ce titre, trois secteurs sont alors privilégiés : la
justice, les
155 Ibid
156 A/55/305-S/2000/809 du 21 août 2000, Etude
d'ensemble de toute la question des opérations de maintien de
la paix sous tous leurs aspects, Lettres identiques
datées du 21 août 2000, adressées au Président de
l'Assemblée générale et au Président du Conseil de
sécurité par le Secrétaire général (rapport
Brahimi), §35
157 Idem
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institutions et le développement. Concernant le domaine
de la justice, la responsabilité de protéger exige la poursuite
pénale des individus responsables ainsi que l'indemnisation des victimes
des conflits158.
À ce titre, la création de juridictions
pénales internationalisées, comme les Tribunaux spéciaux
pour l'ex-Yougoslavie159 et le Rwanda160 ainsi que la
récente Cour Pénale Internationale161, permet
d'envisager un processus de reconstruction ne laissant pas s'exercer,
post-facto, une « justice de vainqueurs » qui risquerait de
méconnaître les droits de la défense et les garanties d'un
procès équitable162.
Le développement de nouvelles conceptions comme la
« justice transitionnelle » (dont les différentes commissions
« Vérité et réconciliation » constituent des
exemples topiques) illustre, dans une large mesure, la volonté d'une
reconstruction qui fasse, à la fois, oeuvre de justice et «
d'expiation »163.
Concernant le domaine des institutions, la dimension
reconstructrice de la responsabilité de protéger exige une
assistance internationale, en vue d'assurer une transition constitutionnelle et
démocratique ainsi que la restauration pérenne de l'appareil
d'État. La surveillance des élections, l'aide à
l'organisation d'un référendum d'autodétermination (comme
ce fut le cas au Timor oriental) ou l'assistance constitutionnelle (comme dans
le cas de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine) ne sont que
quelques-uns des exemples d'une palette de mesures
158 Conformément à l'article 79 du Statut de la
Cour pénale internationale du 1er juillet 2002, la première
session de l'Assemblée des États Parties de septembre 2002 a
instauré le Fond d'affection spéciale au profit des victimes de
crimes justiciables devant cette juridiction, voir : ICC-ASP /1/3-
Rés.6.
159 Conseil de sécurité, résolution 827 du
25 mai 1993.
160 Conseil de sécurité, résolution 955 du 8
novembre 1994.
161 Voir le Statut de la Cour pénale internationale,
adopté à Rome et entré en vigueur le 1er juillet 2002.
162 Pour une analyse d'ensemble des perspectives soulevées
par le développement du droit international pénal, voir :
Ascensio, H., Decaux, E. et Pellet, A., (dir.) Droit international
pénal, Paris, Pedone, 2000, 1053 pp.cité par COLAVITTI
Romélien, Op-cit, p.46
163 Voir sur ce point : Philippe, X., « Les Nations unies
et la justice transitionnelle : bilan et perspectives », in
L'Observateur des Nations unies, 2006, pp. 169-191cité par
COLAVITTI Romélien, Op-cit, p.46
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envisageables, en vue de doter l'État en situation
post-conflictuelle d'institutions démocratiques
viables164.
Dans ce cadre, l'exemple de la Commission pour la
démocratie par le droit du Conseil de l'Europe (appelée
généralement commission de Venise, du nom du lieu où se
tiennent ses assemblées plénières), peut être
révélateur de cette exigence d'accompagnement des États en
transition, notamment dans le domaine de la protection des minorités
nationales, de leur participation à la vie publique et de leur
représentativité dans l'appareil d'État165.
Concernant, en dernier lieu, le domaine du
développement, la réinsertion sociale et économique
apparaît comme une priorité afin d'éviter la
marginalisation de personnes appartenant à des minorités
déplacées ou, plus généralement,
discriminées au cours de la période conflictuelle.
L'élaboration d'institutions autonomes dans les zones concernées
peut constituer un vecteur de catalyse de l'activité productive, ainsi
que de la participation effective au processus décisionnel des personnes
appartenant à des minorités166.
En tout état de cause, la dimension reconstructrice de
la responsabilité de protéger appelle une planification
rationnelle et un désengagement progressif des organismes
internationaux. Ceux-ci ne sauraient négliger cette étape
essentielle, sous peine de voir renaître le conflit, mais ne sauraient
également faire l'économie d'une participation suffisante des
acteurs locaux. La reconstruction de l'appareil d'État exige que la
démocratie ne soit pas octroyée et la pérennisation de
l'ordre ne saurait se faire sans une prise de responsabilité progressive
des acteurs locaux, régionaux et nationaux167.
164 COLAVITTI Romélien, Op-cit, p.46
165 Idem
166 Ibid.
167 Ibid.
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