CHAPITRE III. MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITE DE
PROTEGER
La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger fait partie des problèmes cruciaux de notre
époque. Ce problème se trouve être posé aux
paragraphes 138 et 139 du Document final du Sommet mondial de 2005. Ainsi,
c'est dans le rapport du Secrétaire Général Ban
Ki-Moon173 que ce problème est traité. Ce rapport
souligne que la responsabilité de protéger un peuple du
génocide, des crimes contre l'humanité, du nettoyage ethnique et
des crimes de guerre passe avant tout par l'action nationale qui en constitue
le premier pilier (section 1). Si l'Etat en question ne réagit pas ou ne
trouve pas des moyens pour réagir, il sera mis en place, par la
communauté internationale, le deuxième pilier qui consistera en
des mesures de persuasion et d'incitation lesquelles se traduisent par
l'assistance internationale et le renforcement des capacités (section
2). Enfin, si l'Etat manque manifestement à son obligation de
protection, le troisième pilier veut que la priorité soit de
sauver les vies par les autres Etats membres en menant en temps voulu une
action collective et résolue (section 3).
SECTION 1. PREMIER PILIER : LES RESPONSABILITES DE
L'ETAT EN MATIERE DE PROTECTION
Ce pilier met en exergue les trois premières phrases du
paragraphe 138 du Document final du Sommet de 2005 dans lesquelles chaque Etat
s'est engagé à protéger ses populations du
génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes
contre l'humanité notamment dans la prévention de ces crimes
(§1). Toutes ces actions ne peuvent donc se mettre en place que
grâce à l'appui des organisations internationales, organisations
régionales et ONG (§2).
66
§1. La prévention des crimes internationaux
Nous avions signalé précédemment que la
dimension préventive constituait une priorité de la
responsabilité de protéger. Ce principe ne trouve son sens que
dans un cadre préventif lui permettant d'éviter la commission de
tout acte qui compromettrait les principes sur lesquels se base toute notre
humanité174.
Comme on peut le remarquer, le rapport du Secrétaire
Général Ban Ki-Moon insiste sur le fait que la
responsabilité de protéger relève avant tout de la
responsabilité de l'Etat, car la prévention commence sur le
territoire national et la protection des populations est un attribut
constitutif de la souveraineté et du statut de l'Etat au XXIè
siècle175.
C'est ici que l'on cerne le rôle supplétif de la
communauté internationale tel que voulu par les chefs d'Etat et de
gouvernement réunis au Sommet de 2005. C'est le libellé du
paragraphe 138 du Document final dudit sommet qui confirme cette
vérité fondamentale. Le rapport sur la responsabilité de
protéger l'a, d'ailleurs, souligné en affirmant que la
responsabilité de protéger un peuple contre les massacres et
d'autres graves exactions est la plus élémentaire et la plus
fondamentale de toutes les responsabilités imposées par la
souveraineté, et que si un État n'est pas disposé à
protéger ses citoyens ou n'est pas en mesure de le faire, une
intervention coercitive déclenchée par d'autres membres de la
communauté internationale pour assurer la protection humaine, y compris
par des moyens militaires, peut être justifiée dans des cas
extrêmes176.
174 Il a fallu attendre la remarquable mutation avec Mohamed
SAHNOUN, Gareth EVANS et les autres pour que la dimension de la
prévention des massacres de masse ait toute son ampleur dans un rapport
axé sur la protection humaine et la prévention des massacres de
masse intitulé « la responsabilité de protéger
». C'est ainsi que Bernard KOUCHNER va affirmer que « la
responsabilité de protéger » est désormais le nom
pudique accordé à un instrument de prévention des
massacres de masse. Cette assertion se trouve être vérifiée
lorsqu'on se rend compte de la place que la prévention occupe dans le
rapport précité. Les massacres de masse vont à l'encontre
des principes sur base desquels se trouve être fondée toute notre
humanité. Ceci est une raison de plus pour que la responsabilité
de protéger constitue le leitmotiv qui a pour finalité la
prévention des massacres de masse. Ainsi, cette prévention ne
saurait être atteinte que lorsque l'Etat et la communauté
internationale parviendront à éliminer à la fois les
causes profondes et les causes directes des conflits internes et des autres
crises produites par l'homme qui mettent en danger les populations.
175 A/63/677 du 12 janvier 2009, Op-cit, Rapport du
Secrétaire Général des Nations Unies, §14
176 CIISE, Op-cit, p.75
67
Aux termes de ces paragraphes, on peut lire que «
c'est à chaque Etat qu'il incombe de protéger les populations du
génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes
contre l'humanité. Ce devoir comporte la prévention de ces
crimes, y compris l'incitation à les commettre, par les moyens
nécessaires et appropriés. Nous acceptons cette
responsabilité et agirons de manière à nous y conformer.
La communauté internationale devrait, si nécessaire, encourager
et aider les États à s'acquitter de cette responsabilité
et aider l'Organisation des Nations Unies à mettre en place un
dispositif d'alerte rapide »177.
Par cet engagement, les Etats devront se rassurer aussi que
les quatre crimes couverts par la responsabilité de protéger sont
effectivement intégrés dans leurs législations locales en
les accompagnant des sanctions pénales. En outre, un accès plus
égalitaire à la justice doit être mis en place, surtout
face aux violations des droits humains, ainsi que la promotion de
l'égalité des sexes et le renforcement de la
société civile en introduisant les principes de la
responsabilité de protéger afin que ces valeurs soient
progressivement intégrées du moins par les jeunes
générations178.
Ce qui reste alors c'est la volonté politique des
dirigeants pour arriver à ces fins. Car c'est d'elle que dépendra
la mise en oeuvre, sur le plan préventif, de la responsabilité de
protéger. C'est à ce niveau que les dirigeants politiques jouent
un rôle vital. Mais, ils ne sont pas les seuls acteurs.
|