CHAPITRE II. LE CONTENU DU PRINCIPE DE
LA RESPONSABILITE DE PROTEGER
En guise de rappel, la doctrine de la responsabilité de
protéger concerne la responsabilité des États et de la
communauté internationale de protéger les populations contre
quatre types spécifiques de crimes et de violations des droits de
l'Homme que sont le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage
ethnique et les crimes contre l'humanité. L'idée au coeur de
la doctrine est que l'État n'est plus seul responsable du
bien-être de sa population. S'il échoue ou n'assume manifestement
pas sa responsabilité, la communauté internationale doit le
faire, dans le plein respect des principes du droit international et de la
Charte des Nations Unies. La responsabilité de protéger suppose
trois dimensions : la responsabilité de prévenir, de
réagir (par des moyens diplomatiques, légaux et d'autres mesures
pacifiques, par des mesures coercitives comme des sanctions, et par la force
militaire comme dernier recours) et de reconstruire. C'est d'ailleurs la raison
pour laquelle nous avions précédemment souligné que la
responsabilité de protéger ne s'inscrit pas toujours dans le
contexte traditionnel de la sécurité collective.
Ainsi, le présent chapitre analysera les trois
obligations qui composent la responsabilité de protéger. Il
s'agira, dans un premier temps, de décortiquer la première
obligation qu'est celle de prévenir les conflits meurtriers et d'autres
catastrophes produites par l'homme (section 1) ; dans un deuxième temps,
il sera question d'aborder le problème que pose l'échec des
mesures de prévention qui, nécessairement, implique la prise des
mesures interventionnistes de la part d'autres membres de la communauté
des Etats dans son ensemble (section 2) et enfin, il sera montré comment
est-ce que l'on peut contribuer à ramener une paix durable et promouvoir
la bonne gouvernance et un développement durable après une
intervention (section 3).
42
Ces trois éléments de la
responsabilité de protéger constituent une prescription pour
remédier aux violations des droits de l'homme à l'échelle
internationale. Elles en constituent ses principales
obligations110.
SECTION 1. LA RESPONSABILITE DE PREVENIR
Eliminer à la fois les causes profondes et les causes
directes des conflits internes et des autres crises produites par l'homme qui
mettent en danger les populations semble être primordial pour cette
obligation111. Ce qui revient à dire que la prévention
des conflits nécessite le traitement des causes qui lui sont profondes
et l'option de stratégies efficaces sur le long terme d'une part
(§1) et, d'autre part, le traitement des causes directes auxdits conflits
(§2). C'est le double degré de la première dimension de la
responsabilité de protéger (dimension préventive ou
responsabilité ante facto) tel que retenu par le rapport de la CIISE.
§1. La prévention au niveau des causes
profondes des conflits
La pauvreté, la répression politique et la
répartition inégale des ressources sont de différentes
causes profondes retenues par la CIISE112. C'est ainsi qu'il
faudrait de la part des gouvernants une ferme volonté pour les
prévenir et une alerte rapide des conflits.
A. La ferme volonté de prévenir et
l'alerte rapide des conflits
Avant toute chose, il est important de signaler que la CIISE a
rappelé que la prévention des conflits meurtriers113
et d'autres formes de catastrophes
110 Voir Considérations normatives sur La
responsabilité de protéger - Perspectives et implications dans le
contexte d'un système international en morcellement, à consulter
dans
www.journal.forces.gc.ca/vo9/no2/04-white-fra.asp[13/06/2010
18:22:11]
111Idem
112 CIISE, Op-cit, p.25
113 Depuis les années 1950, l'humanité toute
entière était en alerte devant les injustices et les massacres,
sur les cinq continents, à l'intérieur des frontières
d'Etats reconnus. Les Etats, à cette époque, possédaient
la souveraineté absolue avec droit de vie et de mort sur leurs sujets.
Protéger un peuple ou une communauté sur son propre soi, de
l'autre côté d'une frontière, c'était interdit,
impossible. Le salut est venu des médecins. En 1968, au Biafra,
commençait l'épopée des « French doctors » qui
bravaient l'interdit au nom de la morale médicale
43
produites par l'homme incombe, comme toutes les autres
composantes de la responsabilité de protéger, d'abord et avant
tout aux États souverains et aux communautés et institutions qui
s'y trouvent. Une volonté résolue des autorités nationales
d'assurer un traitement équitable et l'égalité des chances
pour tous les citoyens constitue un fondement solide pour la prévention
des conflits. Quant aux moyens nécessaires pour y parvenir, ils
relèvent essentiellement de la responsabilisation et de la bonne
gouvernance, de la protection des droits de l'homme, de la promotion du
développement socioéconomique et de la répartition
équitable des ressources114. Elle a ajouté, aussi, que
fondamentalement, les efforts de prévention visent bien
évidemment à réduire, sinon éliminer
complètement, la nécessité d'une
intervention115.
En outre, faudrait-il ajouter que dans la prévention
des conflits, outre la ferme volonté des gouvernements de les
prévenir, il est nécessaire d'avoir de systèmes d'alerte
rapide. A ce stade, la Commission insiste sur le fait que ces systèmes
doivent faire intervenir un large éventail d'entités, notamment
les ambassades et les services de renseignement, les forces de maintien de
la paix des Nations Unies, les ONG qui s'occupent de secours et d'aide au
développement, les groupes nationaux et internationaux de défense
des droits de l'homme, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR),
des groupes religieux, des universitaires et des médias. La
qualité des renseignements est variable et la coordination entre ces
groupes est rudimentaire, sinon inexistante. C'est ainsi que d'autres
organisations telles qu'Amnesty International, Human Rights Watch et la
Fédération internationale des ligues des droits de l'homme,
qui consacraient auparavant l'essentiel de leurs énergies à
diffuser des renseignements sur les violations des droits de l'homme subies par
des particuliers ou des groupes, se sont consciemment employées à
élargir leur champ d'intervention à l'alerte rapide sur les
conflits susceptibles de provoquer des violations massives des droits de
l'homme, voire des génocides116.
(lire KOUCHNER Bernard, « La responsabilité de
protéger », in Le Monde, Paris, 2002, à consulter
dans
www.aidh.org).
114 CIISE, Op-cit, p.21
115 Idem., p.21 116Ibid.,
pp.23-24
117 COLAVITTI Romélien, « La responsabilité
de protéger : Une architecture nouvelle pour le droit international des
minorités », in Revue Aspects, n°2, 2008, p.36
44
Après avoir insisté sur les deux
préalables indispensables de l'obligation de prévenir (la ferme
volonté de prévenir et l'alerte rapide des conflits), revenons-en
à la prévention au niveau des causes profondes des conflits
proprement dite.
|