B. Fondement juridique
Le monde a régulièrement été
incapable de prévenir et d'interrompre les atrocités de masse
(génocide, crimes de guerre, crimes contre l'humanité et
nettoyage ethnique) comme en ont témoigné l'Holocauste, les
génocides en Arménie, en Bosnie, au Cambodge, et au Rwanda ainsi
que les crimes contre l'humanité au Kosovo, au Timor oriental et au
Darfour. Ces échecs ainsi que les souffrances incommensurables et la
perte de millions de vies qui en ont découlé ont
déclenché le mouvement du « Plus jamais ça ! ».
Les situations vécues au Darfour, en République
Démocratique du Congo et en Birmanie rendent plus important que
jamais
84 Consulter ABDELWAHAB Biad, Op-cit, p.92
85 NGUYEN QUOC Dinh, DAILLER Patrick, FORTEAU Mathias
et PELLET Allain, Op-cit, p.494
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le nouvel engagement des gouvernements du monde entier dans la
lutte contre les atrocités de masse86.
Ainsi dit, les fondements de la responsabilité de
protéger en tant que principe directeur pour la communauté
internationale des États reposent87 sur : - les obligations
inhérentes à la notion de souveraineté;
- l'Article 24 de la Charte de l'ONU, qui confère au
Conseil de Sécurité la responsabilité du maintien de la
paix et de la sécurité internationales;
- les impératifs juridiques particuliers
énoncés dans les déclarations, pactes et traités
relatifs aux droits de l'homme et à la protection des populations, le
droit international humanitaire et la législation nationale;
- la pratique croissante des États et des organisations
régionales, ainsi que du Conseil de Sécurité
lui-même.
C. Principes de l'obligation
Lors du Sommet mondial de 2005 de l'ONU, après avoir
reconnu qu'ils n'avaient pas su répondre de manière
adaptée aux crimes les plus haineux, les dirigeants du monde entier se
sont engagés à protéger les populations du
génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes
contre l'humanité. Cet engagement, connu sous le nom de
Responsabilité de Protéger, prévoit que88 :
1. C'est à chaque État qu'il incombe de
protéger les populations des atrocités de masse ;
2. La communauté internationale a la
responsabilité d'aider les États à assumer leurs
responsabilités ;
3. La communauté internationale doit mettre en oeuvre
les moyens diplomatiques, humanitaires et autres moyens pacifiques
appropriés pour protéger les populations de ces crimes. Si un
État ne parvient pas à protéger sa population ou s'il est
lui-même
86 La responsabilité de protéger
: une nouvelle norme pour prévenir et interrompre les atrocités
de masse, Document de la coalition internationale sur la
responsabilité de protéger, p.1
87 CIISE, Op-cit, p. XI
88 La responsabilité de protéger
: une nouvelle norme pour prévenir et interrompre les atrocités
de masse, Document de la coalition internationale sur la
responsabilité de protéger, p.1
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l'auteur des crimes, la communauté internationale doit
être prête à prendre des mesures plus contraignantes,
notamment le recours collectif à la force à travers le Conseil de
sécurité de l'ONU.
Ces principes qui forment le socle même de la
responsabilité de protéger peuvent être
résumés comme suit :
- la souveraineté des États implique une
responsabilité, et c'est à l'État lui-même
qu'incombe, au premier chef, la responsabilité de protéger son
peuple.
- quand une population souffre gravement des
conséquences d'une guerre civile, d'une insurrection, de la
répression exercée par l'État ou de l'échec de ses
politiques, et lorsque l'État en question n'est pas disposé ou
apte à mettre un terme à ces souffrances ou à les
éviter, la responsabilité internationale de protéger prend
le pas sur le principe de non-intervention89.
En effet, la doctrine onusienne, la responsabilité de
protéger, élaborée par la CIISE va bien au-delà de
la théorie du «droit d'ingérence humanitaire»
formulée à la fin des années 1980 par Mario BETTATI et
Bernard KOUCHNER. Elle se veut à la fois plus précise (son champ
d'application est limité aux crimes de génocide, crimes contre
l'humanité, crimes de guerre et nettoyages ethniques) et plus ambitieuse
: alors que le droit d'ingérence ne préconisait que le recours
à la force pour «protéger les convois humanitaires... et les
victimes face à leurs bourreaux», la responsabilité de
protéger vise également la «prévention des
conflits» et la «reconstruction des
sociétés»90.
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