CONCLUSION
Le système fiscal sénégalais serait
en pleine évolution. La dernière réforme
législative a frappé les esprits par son ampleur et par la
hardiesse de certains de ses choix. Il s'est développé un
marché mondial des normes où chaque Etat utilise la tactique du
moins-disant fiscal qui consiste à multiplier les régimes
préférentiels pour sensibiliser les décisions
d'implantations des firmes multinationales.
L'intérêt de l'Etat sénégalais
pour cette assiette fiscale internationale le pousse naturellement sur la voie
de la compétition réglementaire et toutes les réformes
fiscales d'importance devront désormais être lues à travers
ce prisme32.
C'est ainsi que la loi fiscale 2004-12 du 6
février 2004 est venue redéfinir les contours du régime
fiscal des groupes de sociétés. Le législateur fiscal
sénégalais à travers cette réforme a mis en place
deux régimes d'imposition des groupes de sociétés : le
régime de droit commun et le régime d'imposition des
sociétés mères et filiales.
Le régime des sociétés mères
et filiales a été institué afin de pallier certaines
difficultés rencontrées, notamment, le problème des
impositions multiples qui risque de se produire dés que plusieurs
sociétés s'interposent entre la réalisation d'un
bénéfice et sa distribution ultérieure.
La législation nationale en ce sens prévoit
des dispositions d'exonérations ; il est souvent admis que les produits
bruts des actions ou des parts sociales de la seconde société
touchés par la première au cours de l'exercice sont
retranchés du bénéfice net total de celle-ci,
défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. Il s'agit
d'éviter que les actionnaires de la société mère ne
soient plus lourdement imposés sur les bénéfices en
provenance des filiales que sur ceux qui sont réalisés
directement par la société mère.
L'on peut signaler que le régime des
sociétés mères et filiales prend plus en compte la notion
de groupe de sociétés que le régime de droit
commun.
En revanche, dans le régime d'imposition de droit
commun, il est appliqué le principe de la personnalité fiscale.
Il appartient alors à chaque société du groupe de
déterminer son propre résultat fiscal, ce qui implique que
chacune des sociétés formant le groupe sera imposée
séparément.
32 PAPA OUMAR DIALLO, « RATIONALITE
ECONOMIQUE CONTRE RATIONALITE BUDGETAIRE » in Revue de
l'Amicale des Inspecteurs des Impôts et Domaines du
Sénégal(AIIDS) N°12 Dossier : Les
groupes de sociétés.
ERNEST ALY THIAW L'imposition du bénéfice
des groupes de sociétés au Sénégal
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Ces impositions en cascade des sociétés
appartenant à un même groupe entrainent des incohérences
dans la détermination du résultat d'ensemble des
sociétés du groupe et peuvent éventuellement
décourager les investisseurs désirant se constituer sous forme de
groupe de sociétés.
Pour corriger les imperfections du régime
d'imposition de droit commun, le législateur fiscal
sénégalais devrait mettre à la place de ce régime,
à l'instar de son homologue français, le régime
d'intégration fiscale, ou encore le système de consolidation
fiscale analogue au régime de consolidation comptable prévu dans
l'espace OHADA ou UEMOA.
Le régime d'intégration fiscale
présente l'avantage d'être un système d'imposition globale
du groupe. Selon ce régime, chaque société du groupe
détermine son propre résultat fiscal au regard des règles
de droit commun. La particularité de ce régime réside dans
le fait que la société mère se constitue seule redevable
de l'I.S. à raison du résultat d'ensemble réalisé
par le groupe.
Il est possible d'affirmer, en définitive, que le
régime d'intégration fiscale est un levier important au service
de la stratégie fiscale des groupes de sociétés.
L'intérêt financier qui résulte de ce régime
d'intégration est évident puisque le résultat imposable
sera instantanément diminué du montant des déficits subis
par certains membres du groupe. De plus seront neutralisés les abandons
de créance et les subventions consenties entre sociétés du
groupe, de même que les plus-values de cession d'élément de
l'actif immobilisé dans le même cadre. L'économie
d'impôt réalisée chaque année est ainsi
notable.
En définitive, l'appartenance à un groupe
est prise en compte au plan fiscal, tant dans les différents
régimes, que dans la volonté de ne pas pénaliser les
relations privilégiées qui risquent de se développer
naturellement entre sociétés liées. Cependant, la notion
de groupe elle-même ou d'intérêt du groupe est loin de faire
l'objet d'une création uniforme.
Il est probable que les différents
éléments utilisés par la législation ou la
jurisprudence fiscale pourront servir de fondement à la construction de
la notion de groupe, mais une transposition pure et simple est impossible, en
raison de multiples définitions et conditions établies pour
bénéficier d'avantages fiscaux.
Tout d'abord, le système d'imposition de droit
commun ou des sociétés mères et filiales perçoivent
le groupe comme une entité économique, mais là
s'arrête leur convergence, ils se différencient pour
définir les contours ou le périmètre de cette
entité (en exigeant des pourcentages différenciés en ce
qui concerne l'exonération des produits bruts des participations). Le
groupe est donc un «contenant » dont le contenu est, sans nul doute,
fluctuant, répondant à des critères
différents.
ERNEST ALY THIAW L'imposition du bénéfice
des groupes de sociétés au Sénégal
Pour bénéficier d'avantages fiscaux, la loi
fiscale impose au groupe de déchirer le voile pour découvrir
au-delà des personnalités juridiques, un ensemble évoluant
en fonction d'intérêts convergents. C'est la transparence que le
Robert définit comme « la qualité de ce qui
laisse paraitre la réalité tout entière, de ce qui exprime
la vérité sans l'altérer »33.
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33 CHARLEY HANNOUN, op. Cit.
, qui construit une théorie de la transparence
ERNEST ALY THIAW L'imposition du bénéfice des
groupes de sociétés au Sénégal
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