B : La requalification des transactions en acte anormal
de gestion
De manière générale, ce sont les
mêmes règles qui régissent les sociétés,
quelle que soient leur forme ou leur structuration, en ce qui concerne leur
droit à s'organiser librement dans le respect des dispositions de l'acte
uniforme sur le droit des sociétés.
Ainsi, ont-elles le droit de passer tous actes ou de
conclure toutes opérations qu'elles estiment dans l'intérêt
de l'entreprise.
i6 « Organisation de Coopération
et de Développement Economiques »
' Philippe MERLE. Droit commercial-
Sociétés commerciales. Paris : précis
Dalloz, 2006
ERNEST ALY THIAW L'imposition du bénéfice
des groupes de sociétés au Sénégal
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ERNEST ALY THIAW L'imposition du bénéfice
des groupes de sociétés au Sénégal
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ERNEST ALY THIAW L'imposition du bénéfice
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De même, les dirigeants sont libres dans les
choix de gestion en dehors de toute immixtion d'un tiers à
l'entreprise.
Pourtant, ce principe de non immixtion de
l'Administration fiscale dans la gestion des affaires privées de la
société, ou dans la qualification à donner aux actes
passés et des opérations conclues connait des
limites.
En effet, l'administration fiscale estime devoir
s'immiscer, sur la base d'une construction strictement prétorienne, au
moins lorsqu'elle estime que les transactions passées entre les
sociétés membres d'un même groupe ne respectent pas le prix
du marché. Dans ce cas, elle peut requalifier l'opération en se
fondant sur la théorie de l'acte anormal de gestion.
En général, est réputé
acte de gestion anormale celui qui met une dépense ou une perte à
la charge de l'entreprise ou qui la prive d'une recette sans que l'acte soit
justifié par les intérêts de l'exploitation sociale. Dans
ces conclusions sur une décision du conseil d'Etat du 14 avril 1976,
Monsieur Fabre souligne qu' « il ne suffit pas que la
dépense exposée ou le manque à gagner subi soit la
conséquence d'un engagement en bonne et due forme, pour que le montant
en soit distractible du bénéfice imposable. Si l'engagement est
contracté sans contrepartie utile à l'exploitation, auquel cas il
relève d'un acte de gestion anormal, les charges susceptibles d'en
résulter ne sont pas déductibles ».
Il ressort de cette définition de l'acte
anormal de gestion que l'élément matériel est un acte ou
une opération qui se traduit par une écriture comptable affectant
le bénéfice imposable et qui est contraire aux
intérêts de l'entreprise.
Les types d'actes anormaux de gestion qui peuvent
mettre en cause les groupes de sociétés concernent principalement
les différentes libéralités qu'une entreprise consent
à une autre avec laquelle elle entretient des liens de droit. C'est le
cas des abandons de créances entre des sociétés du groupe,
c'est aussi le cas des avances ou prêts sans intérêts entre
ces mêmes catégories de sociétés, c'est enfin le cas
des prestations fournies gratuitement à une entreprise par une autre
liée à elle.
Comme le notait M. le commissaire du gouvernement
Verny, le régime fiscal des abandons de créances
« aboutit en définitive à autoriser une
certaine remontée des déficits vers les sociétés
mères lorsque des relations commerciales existent entre
elles18 ».
Pour éviter que les groupes de
sociétés trouvent là un procédé commode
d'évasion fiscale, l'Administration invoque la théorie de l'acte
anormal de gestion : « ne peuvent être regardés
comme procédant d'une gestion normale (...) les abandons de
créances ou
18 Cond. Sous CE
27 nov. 1981, Plén., RJF 1/82,
p.12
subventions aboutissant tant par leur caractère
répétitif que par leur modulation en valeur absolue (...)
à une remontée au niveau d'une société mère
des déficits subis par certaines de ces filiales19
».
En conclusion, on peut noter que les opérations
intragroupes ci-dessus mentionnées ne soulèvent pas de risque
fiscal particulier si elles sont effectuées aux conditions du
marché. Dans le cas contraire, ces avances sont
considérées comme des actes anormaux de gestion, contraires
à l'intérêt de la société et sont, d'une part
réintégrées dans le résultat imposable de la
société qui les a consenties, d'autre part imposables chez la
société bénéficiaire.
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