Section 2 : Contrôle et sanction des transactions
intra-groupes par l'administration fiscale
L'administration fiscale joue un rôle
considérable en matière de contrôle des transactions
passées entre les sociétés appartenant à un
même groupe. Ainsi, dans sa mission de contrôle, elle a non
seulement la possibilité de requalifier la nature juridique de ces
transactions intragroupes (paragraphe 1), mais aussi imposer doublement celles
passées dans des conditions irrégulières (paragraphe
2).
Paragraphe I : Un risque de requalification des
transactions intra-groupes
Les opérations réalisées entre
sociétés membres d'un groupe comportent des risques fiscaux non
négligeables. De telles opérations peuvent être remises en
cause par l'Administration fiscale qui peut invoquer une présomption de
transfert de bénéfices(A), ou requalifier la transaction en acte
anormal de gestion(B).
ERNEST ALY THIAW L'imposition du bénéfice
des groupes de sociétés au Sénégal
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A : Une présomption de transfert indirect de
bénéfice entre sociétés dépendantes
Les transactions effectuées par les
sociétés membres d'un groupe doivent respecter le prix du
marché pour être régulières. Si cette règle
n'est pas respectée, la société court le risque de voir
l'opération remise en cause sur le fondement du principe du transfert
indirect de bénéfices.
La procédure de transfert indirect de
bénéfice s'applique lorsque l'Administration fiscale parvient
à établir une double preuve : d'une part, l'existence de liens de
dépendance entre l'entreprise sénégalaise et l'entreprise
étrangère, et d'autre part la réalité du transfert
de bénéfices au profit de l'entreprise étrangère.
La dépendance peut être juridique ou de fait :
> juridique, si l'une des sociétés
détient une part prépondérante du capital social ou
contrôle le pouvoir de décision directement ou par personnes
interposées, de l'autre société ;
> de fait, quand le lien de dépendance
découle d'un contrat ou des conditions anormales dans lesquelles
s'établissent les relations entre deux entreprises. Selon
l'Administration fiscale, les transferts de bénéfice peuvent
résulter de :
> la majoration ou diminution des prix d'achat ou de
vente ;
> le versement de redevances excessives ou sans
contrepartie réelle ou suffisante ;
> les remises de dettes (renonciation aux
intérêts stipulés par un contrat de prêt) dans les
mêmes conditions que ci-dessus ;
> l'attribution d'un avantage hors de proportion avec
le service obtenu.
L'Administration va ainsi rechercher pour les
mêmes prestations ou produits, le prix généralement
pratiqué entre sociétés indépendantes, ou comparer
les taux de marges brutes pratiqués sur des produits achetés ou
vendus à des sociétés du groupe et sur ceux achetés
ou vendus à des sociétés indépendantes.
Cette procédure de transfert indirect de
bénéfice est partagée par la doctrine. Ainsi selon Maurice
COZIAN15, « les contribuables ne sont pas libres
de localiser leurs bénéfices au gré de leurs convenances,
d'alléger certains sujets pour en accabler d'autres ».
Aussi, pour pouvoir effectuer les redressements
prévus par l'article 17 du CGI, l'administration doit démontrer
que les opérations faisant l'objet de redressements sont
15 Maurice COZIAN.
Les grands principes de la fiscalité des
entreprises.
4e
éd. Paris : Litec, 1999
ERNEST ALY THIAW L'imposition du bénéfice
des groupes de sociétés au Sénégal
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constitutives d'un transfert indirect de
bénéfices à l'étranger ne relevant pas de la
gestion normale de l'entreprise. A cet effet, l'article 17 consacre deux
méthodes :
- L'une principale, découlant
d'éléments précis : il s'agit, à partir d'une
analyse fonctionnelle, de mesurer la disproportion entre l'obligation fournie
et sa contrepartie.
- L'autre subsidiaire, découlant d'une
évaluation comparative in abstracto, en mettant en parallèle non
pas les obligations entre elles mais les produits déclarés avec
les résultats obtenus par des entreprises similaires exploitées
normalement.
Ces méthodes sont inspirées des
solutions de l'OCDE16. En tout état de cause, si
l'administration estime que le principe de pleine concurrence est violé,
il est établi une présomption simple susceptible d'être
combattue par la preuve contraire.
Concernant la présomption de transfert, le C.E
français a décidé que seule l'existence d'un transfert de
bénéfices objectifs doit être prise en
considération, en dehors de toute intention frauduleuse ou même
d'intérêt de l'exploitation dans la mesure ou les liens de
dépendance ne sont pas contestés.
La présomption résultant de la double
preuve des liens de dépendance et de la réalité des
transferts indirects de bénéfices n'est pas irréfragable.
« L'entreprise a toujours la possibilité d'apporter la
preuve que les opérations correspondantes répondent à des
nécessités commerciales réelles et non au souci
d'effectuer des transferts de bénéfices au préjudice du
trésor ».
De manière générale, il convient
de « veiller à ce que les transactions
opérées entre sociétés d'un même groupe
soient réalisées au prix du marché et que les
opérations capitalistiques nouées entre ces
sociétés ne soient pas constitutives d'un abus de droit ou d'un
acte anormal de gestion17 ».
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