B : Le caractère commercial de l'abandon ou de
la subvention
L'abandon de créance s'explique par les
relations commerciales entre les deux sociétés. Sont
considérés comme ayant un caractère commercial, les
abandons de créances et les subventions intervenant entre des
entreprises ayant des relations de clients à fournisseurs12.
Autrement dit, peut être qualifié de commercial l'abandon d'une
créance trouvant son origine dans les relations commerciales entre deux
entreprises et consenti soit pour maintenir des débouchés, soit
pour préserver des sources d'approvisionnement.
L'abandon de créances à caractère
commercial est donc accordé par une société à une
autre dans le dessein de conserver des relations privilégiées ou,
plus crûment, permettre la survie d'un client générateur de
débouchés pour l'entreprise qui consent cet abandon. S'il est
converti au sein d'un groupe ce sont les mêmes caractéristiques
qui devront être vérifiées pour permettre la
déduction de son montant comme charge de la société qui le
consent et corrélativement son intégration dans les recettes de
la société bénéficiaire.
Pour la jurisprudence française, l'abandon de
créances commerciales est déductible pour la
société apporteuse si :
12 Cheikh Mouhamed Hady DIEYE, op.cit
p.27
« Il peut être considéré comme un
acte de gestion normal ; la raison de l'abandon revêt un aspect
commercial marqué et prédominant ; il ne constitue un
élément du prix d'acquisition des actions de la
société bénéficiaire ».
Les abandons de créances, tout comme les
subventions, présentent un caractère commercial lorsqu'ils sont
justifiés par les relations d'affaires qui unissent les deux
partenaires, ceux-ci peuvent être juridiquement indépendants l'un
de l'autre (cas de l'industriel qui s'adresse à des distributeurs
autonomes) ou appartenir à un même groupe (cas de la filiale qui
commercialise les produits fabriqués par la société
mère). On estime qu'il est conforme à l'intérêt du
fournisseur de venir en aide, au besoin par un abandon de créance ou par
une subvention, à l'entreprise qui commercialise ses
produits.
A titre illustratif, il a été
jugé dans le cas d'une société française qui avait
consenti l'abandon de la totalité de ses créances à la
filiale allemande dont elle détenait 97,6% du
capital et qui se trouvait en situation financière difficile, que
l'abandon s'inscrivait non dans le cadre de la gestion de ses participations
financières mais répondait à des fins relevant
essentiellement de son activité commerciale. En effet, par l'aide ainsi
accordée, la société française avait cherché
à éviter un dépôt de bilan de sa filiale qui avait
risqué de porter atteinte à son crédit et surtout n'aurait
pas manqué d'entraver la poursuite de ses activités commerciales
en Allemagne dont cette filiale était un
instrument.13
Dans un arrêt récent, le C.E
français14 a apporté quelques précisions sur
les critères de distinction entre les abandons de créances
intragroupes qui présentent un caractère commercial et ceux qui
sont purement financiers. On rappellera que l'enjeu de cette distinction n'est
pas purement théorique puisque les aides commerciales sont en principe
intégralement déductibles tandis que les remises de dette ayant
un caractère financier ne sont déductibles, même
lorsqu'elles sont pleinement justifiées, que dans une certaine limite
(constituée par la fraction de l'abandon qui n'augmente pas la valeur de
la participation dans la filiale à laquelle il est venu en
aide).
Il résulte de la décision de la Haute
juridiction que l'existence de relations commerciales entre une
société et sa filiale ne suffit pas à elle seule à
conférer un caractère commercial à un abandon de
créance réalisé par la société mère
au profit de cette dernière dés lors qu'il apparait que l'aide
avait pour but d'assainir la situation financière de la filiale
au
13 C .E 27 nov. 1981,
Req n° 16814
14 CE27 oCt.
2010, n°325281, 8e et 3e
S.-S
ERNEST ALY THIAW L'imposition du bénéfice
des groupes de sociétés au Sénégal
30
regard des exigences de la réglementation
bancaire et que le contrat commercial conclu entre les deux
sociétés avait une importance accessoire pour l'activité
de la société mère.
Si les abandons de créances sont si
prisés par les groupes de sociétés, c'est qu'elles y
trouvent un avantage fiscal appréciable. Les incidences des
différents modes de renflouement ne sont pas neutres, en effet. Une
société du groupe peut par exemple recapitaliser une autre
société du même groupe en manque de capitaux propres ; mais
cette augmentation de capital ne dégage aucune perte déductible
chez elle puisqu'il n'ya pas diminution de l'actif net ; il n'ya pas davantage
de perte déductible lorsqu'une société du groupe accorde
une avance à une autre société du groupe. Il en va
différemment des abandons de créances ou des subventions qui se
traduisent par une diminution de son actif net. C'est une façon de faire
participer le Trésor public au renflouement des groupes de
sociétés en difficulté à concurrence du tiers
(économie d'impôt sur les sociétés).
Indirectement c'est un moyen de faire remonter les déficits
de la société bénéficiaire sur les
bénéfices de la société ayant consentie l'abandon
ou la subvention.
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